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Dans la mer Noire, une collection de produits toxiques

Pas moins de 145 substances polluantes ont été détectées dans un seul échantillon d’eau de mer.

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Publié le 23 juin 2017 à 17h29, modifié le 24 juin 2017 à 12h09

Temps de Lecture 3 min.

Sur le Bosphore, le 31 mai.

Elle n’a jamais aussi bien porté son nom. Enclavée entre l’Europe, le Caucase et la Turquie, accueillant les eaux usées de seize pays d’Europe centrale et orientale, la mer Noire est l’une des plus polluées du monde.

Elle compterait deux fois plus de déchets plastiques que n’importe quelle autre mer en Europe, selon une étude publiée en mai 2017 par l’Environmental Monitoring of the Black Sea (surveillance environnementale du bassin de la mer Noire, Emblas), un programme financé par l’Union européenne et le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD).

« Nous nous attendions à des résultats négatifs, mais pas à trouver autant de plastique en pleine mer », s’étonne Jaroslav Slobodnik, chef d’équipe du projet Emblas II. En effet, le plus souvent les déchets s’accumulent le long des côtes, mais les courants marins ont traîné plusieurs milliers de débris solides et de grandes quantités de particules de plastique jusqu’au large, exposant d’autant plus les espèces marines.

En utilisant de nouvelles techniques d’échantillonnage, l’Emblas a relevé au total 2 100 substances polluantes apportées par ces détritus en tous genres jusqu’au cœur de la mer Noire et dans les tissus biologiques de ses espèces marines. Pour un seul échantillon, l’Emblas a trouvé jusqu’à 145 substances polluantes, dont certaines particulièrement toxiques pour l’écosystème marin.

« Nous n’avions jamais analysé autant de molécules jusqu’à présent », précise Jaroslav Slobodnik. C’est la première fois qu’autant de paramètres sont pris en compte pour une recherche marine. « Cette étude montre qu’il serait nécessaire de mener le même travail scientifique dans les autres mers, comme la Méditerranée », suggère le chef de projet.

Des perturbateurs endocriniens dans l’eau

Dans l’eau de la mer Noire, les scientifiques ont repéré des substances toxiques comme des hydrocarbures aromatiques polycycliques, issus des carburants et du tabac, qui figurent sur la liste des polluants prioritaires de l’Organisation mondiale de la santé.

Des traces de composés chimiques classés perturbateurs endocriniens ont également été détectées (sulfonate de perfluorooctane, bisphénol A…). Sans oublier des composés de pesticides interdits en France comme l’imidaclopride (qui est un néonicotinoïde) ou le métolachlore. A savoir que l’ensemble de ces substances sont présentes à des taux élevés, dépassant le seuil de toxicité.

« Ces produits toxiques sont persistants et s’accumulent dans les corps des organismes vivants, s’inquiète Jaroslav Slobodnik. Leur présence généralisée en mer est un avertissement : il faut arrêter leur production, qui pourrait entraîner à long terme des changements irréversibles dans la chaîne alimentaire. »

Près de 2 561 cétacés en mer Noire ont été recensés par l’Emblas en 2016, avec une grande majorité de dauphins. Pour le moment, aucune baisse d’effectif majeure n’a été relevée, mais sur le long terme, ces espèces sont directement menacées par cette pollution chimique.

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Si la majorité des polluants déversés dans la mer Noire proviennent des déchets émis par l’agriculture et les industries, les consommateurs ont aussi leur part de responsabilité. Certains produits utilisés au quotidien par des millions de personnes ont été détectés dans les eaux comme de la caféine, du paracétamol et des imperméabilisants, tous susceptibles de troubler le comportement des espèces marines.

« Facebook de la mer »

« Notre comportement quotidien comme la prise systématique de médicaments (…) ou l’utilisation d’imperméabilisant pour ne pas salir nos chaussures, ont un impact direct sur la pollution de la mer Noire », interpelle l’étude. Le PNUD espère sensibiliser le grand public à l’importance de la préservation de l’écosystème marin. Elle a lancé début juin une application ludique qui permet de répertorier les espèces marines rencontrées dans la mer Noire.

Ce genre de « Facebook de la mer » est testé pour le moment en Géorgie et en Ukraine. Quelques centaines de personnes, surtout des familles, l’ont adoptée. Les données envoyées par les volontaires serviront à la recherche de l’Emblas. L’application encourage également les citoyens à organiser des journées de nettoyage des plastiques en pleine mer. Les populations qui vivent autour de la mer Noire commencent à prendre conscience de l’étendue du problème.

Le désastre écologique de la mer Noire n’est pourtant pas récent. Depuis 1992, ses pays riverains ont signé la Convention de Bucarest visant à contrôler la pollution de l’eau et à protéger la vie marine. Des efforts ont été réalisés afin de réduire les déversements de produits toxiques, voire radioactifs dans le Danube depuis la Bulgarie. D’ici à 2020, chaque Etat-membre de l’UE devra élaborer une stratégie pour améliorer la qualité de ses eaux maritimes.

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