Accueil

Politique LREM
Comment Macron a placé ses ministres sous surveillance

Comment Macron a placé ses ministres sous surveillance

Marionnettiste

Par

Publié le

Emmanuel Macron a placé plusieurs ministres issus de la société civile sous surveillance de ses proches. En imposant ainsi ses fidèles dans les ministères du gouvernement Philippe, il confirme sa conception "jupitérienne" du pouvoir.

Une main de fer dans un gant de velours griffé "société civile". Comme promis, Emmanuel Macron a nommé ce mercredi 21 juin une majorité de ministres étrangers au sérail politique. Dans le gouvernement Philippe II, les noms de nombreux membres évoquent les meilleures promotions de la Légion d'honneur : Nicolas Hulot, Nicole Belloubet, Florence Parly, François Nyssen, Agnès Buzyn, Muriel Pénicaud, Frédérique Vidal... Un tel concentré de professionnalisme incite à la confiance et "en même temps", interroge : comment assurer la cohérence de la politique qu'ils mèneront avec le programme présidentiel du fondateur d'En Marche ? Le chef de l'Etat a trouvé une solution qui confirme à la fois ses talents de stratège et sa conception toute "jupitérienne" du pouvoir. Tout en mettant en avant ces experts, il a d'abord fixé le nombre de leur collaborateurs à dix maximum. De quoi limiter leur capacité à s'affranchir de la quarantaine de collaborateurs que le Président s'est en revanche octroyés.

Surtout, Emmanuel Macron a discrètement adjoint à tous les principaux ministres de la société civile des collaborateurs très proches de lui. Selon nos informations, plusieurs membres du gouvernement se sont en effet vu imposer un certain nombre de noms au moment de leur nomination. Parmi eux, beaucoup de fidèles macronistes. Comme un marionnettiste qui tirerait les ficelles dans l'ombre, le chef de l'Etat pourra compter sur ces amis bien placés pour souffler la bonne parole à leurs ministres.

"Ministres bis"

Ces technos font même parfois office de véritables "ministres bis", dont l'influence devrait quasiment équivaloir à celle de leur supérieur hiérarchique. Prenez Françoise Nyssen, la ministre de la Culture. Editrice à succès chez Actes Sud, son parcours force le respect. Mais elle n'avait jamais touché à la politique avant d'être nommée au gouvernement. Ni vu, ni connu, Emmanuel Macron lui a demandé de prendre Marc Schwartz en tant que directeur de cabinet. Ce conseiller à la Cour des comptes n'est autre que le coordinateur et principal cerveau du programme culturel du Président. Nul doute qu'il s'avisera que les vues de l'Elysée ne soient pas bafouées...

Même schéma pour Muriel Pénicaud, la nouvelle ministre du Travail. Son conseiller spécial s'appelle Marc Ferracci. Ce professeur d'économie a été le témoin de mariage d'Emmanuel Macron mais aussi... une des principales chevilles ouvrières de son programme Travail. A tel point qu'on a évoqué son nom pour devenir ministre... Lui aussi devrait autant conseiller sa ministre que contrôler sa fidélité à la doxa macroniste.

Jean-Michel Blanquer, le nouveau ministre de l'Education nationale, connu pour son imagination débordante, a pu puiser dans ses propres réseaux pour constituer une partie de son cabinet. Pour autant, sa conseillère spéciale, Fanny Anor, travaillait auparavant pour En Marche où elle s'est activée à mettre au point le programme Education du candidat. Agnès Buzyn et Nicolas Hulot sont un peu mieux lotis mais tout de même sous surveillance… La ministre de la Santé s'est vu demander d'embaucher en tant que cheffe de cabinet Sophie Ferracci. Cette avocate occupait auparavant le même poste auprès... d'Emmanuel Macron. Quant à Nicolas Hulot, sa cheffe de cabinet n'est autre qu'Anne Rubinstein. Elle aussi a occupé le même poste pour l'actuel chef de l'Etat quand il était ministre.

Lieutenants au gouvernement

Emmanuel Macron a également appliqué cette stratégie dans ses nominations au gouvernement. Si Bruno Le Maire a pu choisir des conseillers affiliés à la droite pour son ministère de l'Economie, il vient de se faire adjoindre un secrétaire d'Etat en la personne de Benjamin Griveaux. Porte-parole d'En Marche depuis octobre 2016, celui-ci est tout dévoué au Président. Idem pour Julien Denormandie : nouveau secrétaire d'Etat à la Cohésion des Territoires, cet ingénieur de 36 ans est un des trois principaux lieutenants du chef de l'Etat depuis trois ans. Il secondera (et surveillera ?) désormais Jacques Mézard (PRG), son nouveau ministre de tutelle.

Même le Premier ministre, Edouard Philippe, est concerné. Au cabinet de Matignon, onze collaborateurs officient également pour le Président. Officiellement, il s'agit d'"éviter tous les murs qui nuiraient à la bonne communication opérationnelle", explique un conseiller gouvernemental à l'AFP. En off, un ministre s'inquiète d'une "prise de contrôle" des ministères et de Matignon par l'Elysée.

En élaborant cette stratégie, Emmanuel Macron s'est peut-être souvenu de sa propre expérience. Pendant son passage au ministère de l'Economie, le désormais chef de l'Etat s'est assuré la fidélité de nombreux membres de son cabinet. Une douzaine d'entre eux l'ont suivi à En Marche quand il a démissionné du gouvernement, en août 2016. Neuf mois plus tard, il était président de la République.

Votre abonnement nous engage

En vous abonnant, vous soutenez le projet de la rédaction de Marianne : un journalisme libre, ni partisan, ni pactisant, toujours engagé ; un journalisme à la fois critique et force de proposition.

Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne