Polémique des bouches d’incendie : entre hypocrisie et mépris de classe

Durant les quelques jours de canicule du mois de juin 2017, un millier de bouches d’incendie ont été ouvertes à Paris et en banlieue proche. Le scénario est toujours le même, des jeunes ou des moins jeunes crèvent de chaud, ils trouvent une bouche d’incendie dans une rue pas trop passante ou sur une place et l’ouvrent pour se rafraîchir.

Si cette pratique est certes dangereuse du fait des risques d’électrocution et de manque d’eau en cas d’incendie, les réactions qu’elle entraîne dénotent une hypocrisie et un grand mépris de classe.

Depuis quelques jours, les articles de presse traitant des ouvertures sauvages de bouches d’incendie sont de plus en nombreux. Tous sont accusateurs, pointent du doigt les dangers d’une telle pratique et le gaspillage d’eau qui en découle. Ainsi, au lieu de s’interroger sur les causes qui poussent des jeunes à ouvrir ces bouches d’incendie, la presse préfère les blâmer pour l’eau gaspillée et leur faire la morale sur les risques du manque d’eau pour les pompiers.

Pire encore, l’État leur envoie des flics par dizaines, s’amusant à tirer au flashball et à balancer des grenades lacrymogènes en direction d’enfants comme ce fut le cas le 22 juin à Asnières-sur-Seine, en banlieue parisienne.

La réaction de l’État ici est sans appel. Plutôt que de trouver des solutions pour aider les jeunes de quartiers défavorisés lors des épisodes caniculaires, on préfère les réprimer quand ils trouvent eux même des solutions. Il est assez hypocrite, risible et méprisant de la part de journalistes et autres politiques bien installés dans des bureaux climatisés de faire la morale à des jeunes vivant dans des quartiers où la majorité des habitants n’ont pas la clim. Il est pitoyable de voir l’État envoyer des flics payés à frapper sur des jeunes se rafraîchissant mais ne pas prendre la peine de rénover l’isolation des écoles, collèges, lycées et universités alors que, je n’en doute pas, les bureaux de l’Élysée, des ministères et des préfectures sont bien isolés et climatisés. Il est ridicule de voir l’État réprimer des jeunes cherchant tant bien que mal des solutions pour ne pas trop subir la chaleur plutôt que d’aménager des espaces verts qui réduiraient la pollution et de nouvelles piscines publiques qui permettraient de désengorger celles déjà existantes.
La réaction de l’État et des journalistes est ici à l’image de leur mépris de classe et de leur indifférence à l’égard des quartiers populaires.

Et pour cause, en 2003, lors de la grande vague caniculaire ayant fait 15 000 morts en France, la Seine-Saint-Denis, pourtant loin d’être le département le plus chaud de France, a été le second département à compter le plus de morts, à l’échelle nationale, la surmortalité a été de 60%, elle a été de 147% dans l’Essone, de 161% dans les Hauts-De-Seine, de 160% en Seine-Saint-Denis et de 171% dans le Val-De-Marne.
Ces quatre départements ont en commun un fort taux de pauvreté, un grand nombre de quartiers populaires et une pollution de l’air supérieure à la moyenne nationale. Ainsi, les inégalités sociales, du fait des mauvaises conditions de vie qu’elles engendrent ont un effet sur la mortalité due à la canicule.

Comme toujours, la recherche de solutions pérennes pour mettre à l’abri les populations les plus vulnérables lors des épisodes caniculaires passe après la volonté de mater les quartiers populaires et d’en stigmatiser les habitants avec des arguments aussi fallacieux que celui du gaspillage d’eau qui ne devient un problème que quand il est l’œuvre de populations pauvres mais qui n’en est pas un quand il s’agit de l’agriculture intensive et de l’industrie qui pourtant dépensent bien plus d’eau que ne pourront jamais en contenir toutes les bouches d’incendie du monde.

Cette nouvelle polémique grossière a encore et toujours pour but d’occulter le vrai problème, celui de la pauvreté, celui des inégalités sociales, celui de la ghettoïsation, celui des inégalités de conditions de vie qui rend certaines populations plus vulnérables que d’autres lors des épisodes de grande chaleur.

Journalistes et politicards qui nous font la morale depuis un bureau climatisé, vos paroles méprisantes et hypocrites n’ont aucune valeur.

Note

Ce texte n’a pas vocation à encourager ou à légitimer l’ouverture sauvage de bouches d’incendie mais simplement de pointer du doigt l’hypocrisie du traitement politique et médiatique de cette pratique.

Mots-clefs : police | Jeunesse
Localisation : région parisienne

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