Quand nos espions se racontent

  • Un couloir de la DGSE où les agents «clandestins» endossent leur «légende», leur nouvelle identité./ AFP.
    Un couloir de la DGSE où les agents «clandestins» endossent leur «légende», leur nouvelle identité./ AFP.
Publié le , mis à jour
Philippe Rioux
@technomedia

Alors que les services de renseignement français viennent de connaître une nouvelle réorganisation voulue par le président Macron, la sortie d'un livre, «Les Guerriers de l'ombre», permet au grand public de mieux mesurer le travail colossal réalisé par les agents secrets.

Les guerriers de l'ombre. Le titre du livre de Jean-Christophe Notin ressemble presque à celui d'un film d'espionnage ou d'un livre racontant les exploits d'une armée secrète. Et pour cause. Pour la première fois et de façon très précise, des agents de la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE, contre-espionnage français), ont accepté d'apporter leur témoignage, anonymement, sur leur métier. Un métier à des années-lumière des poncifs et des fantasmes longtemps véhiculés – jusqu'à ces dernières années – par la littérature et le cinéma.

Éprouvant psychologiquement et physiquement

Éprouvantes psychologiquement et physiquement, les missions qui sont confiées à ces agents les conduisent sur les terrains les plus dangereux de la planète – de la Somalie, à l'Afghanistan, en passant par l'Irak – pour récolter les précieux renseignements qui serviront à protéger les intérêts de la France et, donc, les Français. Une mission souvent ingrate, car ces agents d'élite, ces «clandestins» qui se forgent une «légende» (une nouvelle identité) et une couverture en milieux hostiles, ne pourront jamais évoquer avec leurs proches la réalité de leur travail.

Un travail qui, pourtant, est de plus en plus sur le devant de la scène, inspirant des séries télévisées toujours plus réalistes comme Le Bureau des légendes, suscitant l'investigation de la presse et la curiosité légitime des citoyens.

Car l'intensification de la lutte contre le terrorisme après les attentats de 2015, a montré à la fois combien le pays comptait sur ses services de renseignements ; et combien les Français voulaient comprendre leur fonctionnement pour savoir s'ils faisaient bien le maximum pour empêcher de nouveaux attentats.

Hollande et les opérations «homo»

C'est à l'aune de ce questionnement et de cette volonté d'explication qu'il faut sans doute comprendre pourquoi le Président Hollande avait confirmé, pour la première fois, l'existence des opérations «homo» (homicides) aux journalistes Gérard Davet et Fabrice Lhomme auteurs de « Un Président ne devrait pas dire ça ». Ces opérations secrètes sont des assassinats ciblés – hors de tout cadre légal – d'ennemis de la France listés par la DGSE et le renseignement militaires ; essentiellement des jihadistes. François Hollande avait évoqué en avoir ordonné quatre avant d'être plus évasif, l'Elysée n'apparaissant pas publiquement comme le donneur d'ordre… qu'il a pourtant toujours été.

En quittant ce mois-ci la direction de la DGSE, Bernard Bajolet a indiqué dans un entretien au Monde avoir donné le feu vert à une dizaine de ces éliminations clandestines. Le recours accru à ces opérations, dont la France était moins familière que d'autres pays, a aussi constitué une évolution profonde de la DGSE, qui s'est isolée des autres services ces quatre dernières années.

Les tensions entre les différentes entités du renseignement français ont parfois été vives. Au risque de nuire à leur efficacité ? Voire.

Macron en chef des services

En tout cas, Emmanuel Macron, tout à sa volonté de contrôle vertical «jupitérien», a souhaité réorganiser en profondeur les services, à sa main et sous sa supervision, en procédant à des nominations clés et en créant une task-force (le centre national du contre-terrorisme, CNCT) inspirée de ce qui se fait notamment aux États-Unis avec le Conseil national de sécurité (National Security Council, NSC). Avec pour objectif d'être au courant de l'essentiel en temps réel et de pouvoir prendre une décision éclairée en 30 minutes à partir des tous les paramètres que lui présenteront les guerriers de l'ombre.

Voir les commentaires
Sur le même sujet
Réagir
Vous avez droit à 3 commentaires par jour. Pour contribuer en illimité, abonnez vous. S'abonner

Souhaitez-vous recevoir une notification lors de la réponse d’un(e) internaute à votre commentaire ?

Les commentaires (1)
anticonstitutionellement Il y a 6 années Le 24/06/2017 à 08:56

DUR...... DUR..... un métier à vocation ...faut un moral d'acier ....!