LE SEXE SELON MAÏA
C’était en février : deux plateformes de tubes pornographiques s’attaquaient simultanément au marché de l’éducation sexuelle. Un parfait coup publicitaire juste avant la Saint-Valentin, arrêté dans la foulée de son lancement. La chaîne appartenant à xHamster aura duré deux mois, celle de PornHub (pardon, son « centre de bien-être sexuel ») ressemble à une version basse définition de la page info de la piscine des Canetons à Vesoul.
On pourrait pourtant penser que tous les acteurs du marché se jetteraient sur un marché potentiellement juteux : le sexe est un domaine où nous cherchons à faire plaisir, sans toujours savoir comment nous y prendre. Il y a une demande.
Dans ces conditions, qu’attend-on pour proposer en ligne une solide formation pratique, voire un MOOC ? Peut-on vraiment se fier au contenu de pages Wikihow ? Où sont les sexologues, qui devraient occuper le terrain… et pourquoi limiter l’enseignement aux sexologues plutôt qu’aux psychologues, neurologues ou philosophes ? Si une bonne sexualité repose autant sur les organes génitaux que sur la communication ou la circulation sanguine, à quel spécialiste se vouer ?
C’est compliqué (en sexe, c’est toujours compliqué). Tout d’abord au niveau des débouchés : impossible de proposer une application mobile, qui se ferait censurer par Apple. Un bon vieux site Web ? D’accord, mais il contreviendrait aux règles d’usage de Facebook et d’Instagram… et il faudrait encore, sur Google, affronter l’omniprésence de la pornographie sur les mots-clés cruciaux.
Snobisme
L’équipe pédagogique devrait en outre rassembler des spécialistes motivés, capables de s’adresser à des internautes aux expériences et sensibilités différentes, sans jargonner. Des spécialistes dont la participation demanderait un sérieux investissement financier… alors même que les internautes sont habitués à ne pas payer pour des contenus sexuels.
Les freins relèvent aussi du snobisme. Donner un conseil sexuel est le plus souvent perçu comme une injonction – on se retrouve donc avec 17 millions de résultats pour la requête « comment faire l’amour », 120 millions pour « how to make love », et 65 millions de râleurs dès lors qu’on tente de commencer à entrevoir une ébauche de proposition de réponse.
Cette résistance à l’injonction est aussi respectable qu’hypocrite. On ne peut pas simultanément résister ET cliquer compulsivement sur les pages donnant des informations (bonjour). Inutile de remettre le poids des injonctions sur le dos des médias forcément manipulateurs, flattant les bas instincts de « gens » forcément voyeurs.
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