160 portraits de Paul Cézanne révèlent la part intime de son œuvre

Avec l'arrivée de la photographie, les peintres s'interrogent sur l'art du portrait. Faut-il exprimer sa personnalité d'artiste comme le font les impressionnistes ? Cézanne choisit de traduire le caractère profond du modèle. Sans ménagement.

Par Frédérique Chapuis

Publié le 25 juin 2017 à 11h30

Mis à jour le 08 décembre 2020 à 01h45

Cézanne a 23 ans lorsqu'il réalise son premier autoportrait d'après photographie. Sur le cliché en noir et blanc, son visage paraît plus doux que sur la toile (1862), où son œil droit injecté de sang et son visage émacié en font un être coléreux et sombre. Le jeune Paul adressait là, paraît-il, un message à son père, qui refusait qu'il soit artiste. Reste que cette figure sur fond noir augure de la réputation de personnage brutal et grossier qu'il garda toute sa vie.

Montrer la nature intrinsèque

On compte cent soixante portraits parmi les mille tableaux signés du peintre aixois. Beaucoup sont réalisés d'après ses proches : l'oncle Dominique, son fils, son jardinier et sa femme, Hortense, soumise à d'interminables heures de pose. Si le portrait est alors en vogue, l'apparition de la photographie interroge les artistes sur sa finalité. Faut-il, au détriment de la fidélité au modèle, laisser le peintre exprimer sa personnalité, comme le préconisent les impressionnistes (Degas, Monet, Renoir) ? A contrario, Cézanne cherche à traduire un trait profond du caractère et à sonder ses émotions (les siennes et celles de son modèle). Mais aussi à expérimenter, grâce à ce motif, les possibilités de la matière picturale.

Dans la série inspirée de l'oncle Dominique (1866-1867), la couche épaisse, appliquée au couteau, est qualifiée, par la critique, de « peinture de maçon ». Et par Cézanne lui-même de « peinture couillarde », assumant ainsi son tempérament viril et brutal. A la fin de la décennie 1870, la touche s'allège, le dessin devient plus simple (Madame Cézanne cousant, 1877). Dans les années 1880, il explore différents traitements d'un même sujet, et notamment dans ses autoportraits avec son Portrait de l'artiste au papier peint olivâtre (1880-1881), quasi monochrome, ou son lumineux Portrait de l'artiste (vers 1882). Enfin, avec Le Jardinier Vallier (1905-1906), s'affirment la touche mouvementée, les contrastes vifs des couleurs propres à l'art de Cézanne. 

 

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