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La sûreté de l’EPR de Flamanville jugée suffisante mais pas satisfaisante

De l'EPR de Flamanville dépend l'ensemble de la restructuration de la filiale nucléaire tricolore

De l'EPR de Flamanville dépend l'ensemble de la restructuration de la filiale nucléaire tricolore - CHARLY TRIBALLEAU / AFP

Un groupe d’experts se réunit pendant deux jours pour plancher sur les tests réalisés par l’Autorité de sûreté nucléaire. L’électricien anticipe une autorisation sous condition et s'attend à devoir remplacer le couvercle de la cuve du réacteur.

EDF s’attend à recevoir un "oui mais" de la part de l’autorité de sûreté nucléaire à propos de son réacteur EPR de Flamanville. Lundi et mardi, des experts indépendants se réunissent pour plancher sur les conclusions de tests réalisés sur la cuve de la centrale normande. Le cœur du réacteur a été construit avec des concentrations excessives de carbone que l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) jugeait comme une "anomalie sérieuse", il y a un an et demi. À la suite de plusieurs séries de tests, opérés par l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), le bras technique du gendarme de l’atome, celle-ci a rendu un rapport la semaine passée. Selon un des experts indépendants qui l'a étudié, il conclut à une "sûreté suffisante mais pas satisfaisante" de la cuve de l’EPR même s’il la juge apte à fonctionner.

Le couvercle de la cuve remplacé? 

L’Autorité devrait rendre un premier avis dans le courant de la semaine puis un avis définitif en septembre. Et il risque de ne pas être aussi catégorique. EDF, qui a construit et exploitera l’EPR de Flamanville, a toujours été "confiant" dans l’avis de l’ASN. Mais malgré cette assurance, l’électricien s’attend à des contraintes fortes pour décrocher en contrepartie l’autorisation d’exploiter le réacteur. EDF prévoit un "feu vert de l’ASN pour la cuve, assorti de contrôles réguliers pendant les quarante années de son exploitation" nous confiait un proche du groupe, il y a quelques semaines. L’avis de l’ASN ne sera donc pas aussi tranché que l’ont dit plusieurs médias depuis deux semaines. Un des membres de l’autorité nous confiait au mois de mai avoir des "tests positifs et d’autres pas".

Ses conclusions ne devraient pas se limiter à la cuve dans son ensemble. Elles devraient aussi cibler son couvercle. "Étant donné les résultats relatifs des tests, il faudrait décider de le changer pour marquer la crédibilité de l’Autorité de sûreté nucléaire", estime l’un des experts indépendants. Une option à laquelle s’attend EDF. "On prévoit un feu vert pour la cuve stricto sensu mais un remplacement de son couvercle", ajoute ce proche du groupe. La nuance est de taille. Si les défauts de fabrication ne semblent pas remettre en cause le bon fonctionnement de la cuve, il n’en est pas de même pour le couvercle. "C’est une pièce perforée pour laisser passer les barres d’uranium lors de chargements, explique un bon connaisseur du dossier. Ces 'trous' sont des zones sensibles". Selon nos informations, EDF s’attend depuis plusieurs mois à ce que l’ASN lui demande de le remplacer. D'après des bons connaisseurs du groupe, il aurait même déjà commandé la fabrication d’une nouvelle pièce.

Le sauvetage d’Areva en suspens

Preuve qu’EDF anticipe ce scénario, il a même prévu la date de changement du couvercle de la cuve de l’EPR. Ce serait 30 mois après le démarrage du réacteur, soit en 2021 alors qu’EDF prévoit son lancement fin 2018. Cette date correspondra au premier rechargement d’uranium dans le réacteur pour éviter de l’arrêter trop longtemps. L’enjeu est de taille pour EDF. L’objectif premier est de démarrer Flamanville fin 2018, une date clé sur laquelle le PDG, Jean-Bernard Levy s’est beaucoup engagé après que le groupe l’a repoussée à quatre reprises.

Au-delà d’EDF, la décision de l’Autorité de sûreté nucléaire est un enjeu majeur pour l’ensemble de la filière nucléaire française. La Commission européenne en a fait une condition à son feu vert au rachat de la branche réacteur d’Areva (NP) par EDF. Et si cette filiale n’était pas reprise par l’électricien, c’est l’ensemble du sauvetage d’Areva qui tomberait à l’eau suite aux exigences de concurrence de Bruxelles. La cuve de l’EPR de Flamanville est la clé de voûte de la restructuration de la filière nucléaire. Sans autorisation de l’ASN, le château de cartes s’effondrerait.

Matthieu Pechberty