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La Cour des comptes tire à boulets rouges sur la taxe Tobin à la française

EXCLUSIF. Dans un référé, que « les Echos » se sont procuré, la Cour des comptes dresse un bilan sans concession de la taxe française sur les transactions financières. Celle-ci n’a rempli aucun de ses objectifs, et sa gestion doit être améliorée.

Par Guillaume Benoit

Publié le 26 juin 2017 à 16:01

Les adversaires de la taxe Tobin à la française, particulièrement remontés depuis La place de Paris sonnée par la hausse de la taxe Tobin française en décembre dernier, vont désormais pouvoir s’appuyer sur la Cour des comptes. Les sages de la rue Cambon se sont en effet penchés sur la taxe sur les transactions financières (TTF), et en ont dressé un bilan critique, dans un document auquel « les Echos » ont eu accès. Ils estiment notamment que les objectifs pour lesquels elle avait été créée ne sont absolument pas remplis. La taxe devait en effet faire contribuer plus le secteur financier - bien aidé pendant la crise - aux finances publiques, mettre fin à des pratiques spéculatives, et créer une dynamique pour mettre en place une taxe européenne. Passage en revue des sept points principaux de ce référé.

1 - Un rendement en baisse

Certes, reconnaît la Cour des comptes, la taxe rapporte près d’un milliard d’euros par an. Mais ces recettes sont en baisse, à 947 millions d’euros en 2016, contre 1,06 milliard en 2015. En outre, citant l’Autorité des marchés financiers, la Cour rappelle que les volumes sur les titres concernés par la TTF ont diminué de 10 % lors de sa mise en place.

2 - Une taxe sur les investisseurs et pas sur les financiers

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Si la TTF était destinée à l’origine à faire contribuer le secteur financier - qui avait bénéficié de l’aide publique lors de la crise de 2008 - aux finances nationales, c’est en fait l’investisseur final qui la supporte. Les prestataires financiers répercutent en effet le montant de la taxe dans les frais qu’ils facturent à  leurs clients.

3 - Un probable échec de la TTF européenne

En créant sa TTF, en 2012, la France se voulait pionnière, et comptait créer un large mouvement d’adhésion des autres Etats autour d’un projet en ce sens de la Commission européenne. Là encore, en vain. « Les désaccords entre les Etats membres, en discussion depuis 2011 [...], ont empêché la mise en oeuvre d’une taxe sur les transactions financières à l’échelle européenne », note la Cour des comptes. De fait, la procédure, qui concerne encore 10 pays, dont la France, dans le cadre d’une « coopération renforcée », semble enlisée .

4 - Un simple déplacement du trading haute fréquence

« La taxation sur le trading haute fréquence, activité particulièrement spéculative, a un rendement nul », constate la Cour. Celle-ci avait pour ambition de réduire ces stratégies de gestion qui reposent sur de très nombreux passages d’ordres et d’annulations en quelques fractions de seconde, et accusées « de provoquer des variations irrationnelles de cours de Bourse ». Principale raison de cet échec, selon les sages : cette taxe ne s’applique qu’aux transactions réalisées par des acteurs implantés en France. En conséquence, notent les sages de la rue Cambon, « la taxe n’a pas permis de faire disparaître les opérations nocives qu’elle visait ; elle les a seulement déplacées dans d’autres pays »

5 - Une collecte pas assez transparente

Autre grief de la Cour des comptes, la méthode de collecte de la TTF, réalisée par Euroclear France. En tant que dépositaire central, Euroclear France tient le registre des transactions réalisées sur les actions françaises et sait donc qui a acheté quoi. Elle peut alors calculer le montant de la taxe due par les grands intermédiaires financiers, et le relever directement sur leur compte. Mais pour les sages de la rue Cambon, ce système ne permet pas d’englober l’ensemble des transactions, et manque de procédures de contrôle permettant à l’administration fiscale de vérifier les déclarations.

6 - Une rémunération inadaptée du prestataire

Le mode de rémunération mis en place par Bercy pour les services d’Euroclear France, qui collecte la taxe, est critiquable. Ce dernier perçoit un intérêt fixe sur les dépôts qu’il place auprès de l’Agence France Trésor, qui gère la dette et la trésorerie de l’Etat. Pour la Cour des comptes, ce mécanisme n’est pas adapté car sous couvert d’intérêts, il paye en fait une prestation effectuée pour son compte. Ce qui explique que le taux versé, 0,35 %, soit très supérieur à ceux du marché pour les placements à court terme. La Cour recommande donc que le système de rémunération soit revu, et notamment qu’il soit bien imputé en dépenses de gestion de l’impôt et non en charge d’intérêts.

7 - Une taxation des transactions intraday difficilement applicable

Votée en décembre dernier, en même temps que le relèvement de la TTF de 0,2 % à 0,3 %, l’élargissement de son champ d’action attire les critiques de la Cour des comptes. La taxe est en effet censée s’appliquer aux opérations intraday, c’est-à-dire les achats et ventes sur un titre réalisés dans la même journée à des fins spéculatives.

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Le problème est d’ordre juridique. Dans les transactions boursières, le transfert de propriété n’est pas effectué immédiatement mais lors du règlement-livraison. On fait alors le solde entre les achats et les ventes réalisés la même journée. Taxer les transactions immédiatement, c’est-à-dire avant même que les actions aient effectivement changé de mains pose des problèmes de base légale, notamment pour les investisseurs étrangers. « La disparition de la notion de transfert de propriété dans la définition de l’assiette taxable risque d’alimenter de nombreux contentieux sur la territorialité de l’impôt », avertissent les sages de la rue Cambon.

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