Le Conseil d’Etat libère le coavionnage en France
Le Conseil d’Etat a annulé les consignes de la Direction générale de l’aviation civile, qui limitaient considérablement la pratique des « Blablacar » aériens en France.
Par Bruno Trévidic
Nouveau rebondissement dans la saga française du coavionnage. Après deux ans de bataille, les partisans de cette pratique nouvelle, qui permet à des pilotes privés d’avions de loisir de partager les frais d’un vol avec des passagers recrutés sur des sites Internet, viennent de remporter une victoire probablement décisive : l’annulation par le Conseil d’Etat des restrictions imposées depuis août dernier au coavionnage en France par la Direction générale de l’aviation civile (DGAC), qui avaient porté un coup d’arrêt au développement des sites de coavionnage.
Un excès de pouvoir de la DGAC
La plus haute juridiction administrative, saisie d’un recours d’un pilote privé, a en effet estimé dans un arrêt rendu le 22 juin dernier que la DGAC avait commis « un excès de pouvoir », en édictant en août 2016 des « consignes », qui limitaient le coavionnage en France à des vols circulaires de moins de 30 minutes et dans un rayon de 40 kilomètres, avec l’obligation pour le pilote amateur de justifier d’au moins 200 heures de vol et l’interdiction d’effectuer des trajets entre deux aéroports. Des restrictions imposées au nom de la sécurité des passagers, mais en contradiction avec la réglementation européenne, qui autorise clairement le coavionnage, et avec les recommandations de l’Agence européenne de sécurité aérienne (EASA), pour qui cette pratique ne présente pas de risque particulier.
Une liberté nouvelle pour les pilotes privés
Les pilotes privés d’avions de tourisme sont donc désormais en droit d’embarquer des passagers recrutés sur les plates-formes Internet, avec la même liberté que s’il s’agissait de membres de la famille ou d’amis, la seule restriction étant de ne pas se livrer à une activité commerciale. La participation financière demandée au passager doit correspondre à sa participation au prorata aux frais du vol. De quoi permettre aux pilotes privés de voler plus souvent, en partageant leur passion, et aux aéroclubs d’attirer de nouveaux pratiquants potentiels.
Les sites de coavionnage parés au décollage
De quoi permettre également aux sites français de coavionnage, au premier rang desquels Wingly et Coavmi, de reprendre le développement de leur activité en France, qui est déjà devenue un vrai business sur d’autres marchés, comme l’Allemagne et le Royaume-Uni. « Nous allons pouvoir développer la France à fond », se félicite Emeric de Waziers, cofondateur de Wingly, qui revendique quelque 1.500 pilotes inscrits sur sa plate-forme. « Nous allons contacter tous les pilotes inscrits pour les informer », annonce-t-il. Malgré le retard pris, la France, avec ses centaines d’aérodromes et ses quelque 27.000 pilotes privés, reste en effet de loin le plus gros marché potentiel d’Europe pour les adeptes de Blablacar en version aérienne.
Une autorégulation avec la fédération des aéroclubs
Cependant, ce feu vert légal au décollage du coavionnage en France devrait s’accompagner de quelques précautions particulières, afin de garantir la sécurité des passagers. Bien que la réglementation européenne n’impose par d’obligations en la matière, les sites de coavionnage exigent déjà une expérience minimale de la part des pilotes – 100 heures de vol chez Wingly – et quelques garanties complémentaires comme le recours à un centre de maintenance certifié. L’étape suivante pourrait être la mise en place, avec la fédération de l’aviation générale (FFA), d’une validation par des instructeurs agréés de la capacité du pilote à faire du coavionnage. « Nous allons travailler avec la fédération française d’aéronautique afin d’intégrer le coavionnage de façon intelligente et sécurisée dans les aéroclubs français », confirme Youssef Oubihi, le fondateur du site Coavmi. Une forme d’autorégulation souhaitée par l’EASA, mais plutôt inhabituelle dans un domaine aussi surveillé que l’aviation en France.