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Police-Justice

Enfants yazidis enrôlés par Daesh: "Ils se lèvent à 4h pour s'entraîner, et un jour, on les fait passer à l'acte"

Le père Patrick Desbois travaille au quotidien dans les camps de réfugiés en Irak pour recueillir les témoignages d'enfants yazidis enlevés par Daesh, puis libérés. Il était invité ce lundi matin dans Bourdin Direct pour témoigner.

Que deviennent les enfants enlevés par Daesh? C'est tout le travail effectué par le père Patrick Desbois. Avec son association Yarad, il recueille les témoignages d'enfants yazidis qui sortent de plusieurs années de détention par Daesh. Si l'Etat islamique enrôle de force des enfants de toutes nationalités, il cible particulièrement les Yazidis, une minorité kurde d'Irak qui a toujours refusé de se convertir à l'islam.

Pour le père Patrick Desbois, il est urgent de prendre ces enfants en charge. Il racontait ce matin face à Jean-Jacques Bourdin, les entretiens qu'il avait pu avoir avec ses enfants qui sortent de plusieurs années d'enfer.

"Le plus jeune que j'ai interviewé avait 9 ans. Il sortait de deux ans d'entraînement et il s'arrêtait de parler toutes les deux minutes pour crier 'Allahou akbar, longue vie à Baghdadi'. A la fin il s'est approché de mon caméraman et il nous a dit qu'il allait tous nous exploser. On a vu qu'il ne savait plus qui il était, il avait oublié sa langue, il ne parlait plus le kurde, il parlait seulement arabe", raconte-il.

"Il m'a dit qu'on lui avait changé le cerveau"

"Le pire c'est un enfant de 14 ans que j'ai interrogé il y a 8 jours et il m'a dit qu'il avait été candidat pour être kamikaze. Quand je lui ai demandé pourquoi il s'était porté volontaire, il m'a dit qu'on lui avait changé le cerveau".

Pour récupérer leurs enfants, les parents paient à l'Etat islamique 25.000 dollars pour une fille, 15.000 si c'est un garçon. "Et les enfants ne les reconnaissent pas, ils nient leur prénom, ils les traient de mécréants", raconte-t-il encore.

Car bien souvent, les enfants sont totalement embrigadés. "Ils sortent de quelques années où ils n'ont pas eu une minute de libre. Ils se lèvent à 4h du matin pour l'entraînement, puis l'enseignement coranique, on leur donne des coups. Ils n'ont pas une minute. Ils ne voient que des vidéos de propagande, ils n'ont pas de contacts avec leurs parents, pas de télévision. Et un jour ils les font passer à l'acte", détaille-t-il.

"Ce sera difficile de ramener ceux qui ont passé la ligne jaune"

Le père Patrick Desbois se souvient du désarroi d'une mère qui avait retrouvé ses trois enfants: "Elle m'a dit que son fils de 7 ans avait été obligé de planter un couteau dans la jambe d'un condamné à mort, l'autre garçon de 9 ans a planté un couteau dans le bras et sa fille de 11 ans a dû arracher les deux yeux. La personne est morte comme ça. Aujourd'hui les trois enfants sont très violents, ils tapent sur tout le monde, ils brûlent les tentes. Ceux qui ont passé la ligne jaune, ce sera très difficile de les ramener".

Et de déplorer le manque de suivi de ces enfants traumatisés: "On essaie de mettre en place des psychologues, pour l'instant, il n'y a pas tellement de prise en charge, ils errent dans les camps de réfugiés et les parents nous disent que leurs enfants sont Daesh. La seule chose c'est de les prendre en charge avant qu'ils arrivent ici. Il faut prendre acte du danger pour l'anticiper".

P.B.