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Quand les séries scannent l’Amérique de Trump

OCS MAX/20H40 - The Handmaid’s Tale , Orange Is the New Black , Homeland … Écrites et tournées bien avant l’élection, de nombreuses fictions sont érigées en symbole de l’opposition au président.

En accédant à la Maison-Blanche le 8 novembre dernier, Donald Trump n’est pas seulement devenu président des États-Unis. Il est devenu l’épouvantail et l’inconscient des séries télé. Bien que souvent conçues et tournées avant l’élection, de nombreuses fictions se retrouvent placées par certains aux avant-postes de la rébellion anti-Trump. La preuve que leurs scénaristes ont su prendre le pouls tourmenté de l’Amérique.

Le porte-étendard de cette vague contestataire est le bouleversant The Handmaid’s Tale , à découvrir ce mardi sur OCS Max. Tiré du roman La Servante écarlate de Margaret Atwood, cette série d’anticipation décrit une Amérique devenue une théocratie: les rares femmes encore fertiles sont destinées à servir et à porter la progéniture de la classe dirigeante. Exécutions sommaires, déportations dans un no man’s land toxique sont le lot de ceux qui tentent de se rebiffer. Les opposants à l’hôte de la Maison-Blanche y voient de manière lapidaire le miroir d’une Amérique cédant aux tentations extrêmes: frontières hermétiques, IVG punissable de mort. Quant au refus de signer l’accord de Paris sur le climat, l’adaptation semble l’avoir anticipé en liant la chute de la natalité à une pollution redoutable.

La série est devenue un symbole de ralliement. Dans plusieurs États, des manifestantes ont défendu en longue robe rouge et cornette du feuilleton l’accès à la contraception et à l’avortement. Cette lecture très politique, Bruce Miller, le créateur de The Handmaid’s Tale, ne l’avait pas prévue. «L’écriture a débuté avant les primaires. Et le roman a été publié il y a plus de trente ans», rappelle-t-il au Figaro. Miller y voit la marque de l’«intemporalité» d’Atwood. «L’horreur se déroule dans un monde familier. C’est glaçant, mais c’est aussi un appel pour que cela ne se reproduise plus. Si l’héroïne Defred peut résister, nous en sommes capables aussi.»

Conte moral

Désireux de livrer une adaptation très actuelle, Miller a inclus dans son script «les enjeux qui se sont retrouvés dans le résultat de la présidentielle, tels la souveraineté des femmes sur leur corps». Refrain identique chez ses confrères de House of Cards .«Notre saison 5 a pris des allures de conte moral, car elle reflète le climat, les préoccupations qui ont ouvert la voie à Trump», analysent-ils pour expliquer le parallèle entre le dispositif anti-immigration de Frank Underwood (Kevin Spacey) et celui prôné par l’occupant de la Maison-Blanche.

En comédie aussi, l’ombre démesurément agrandie de Trump fait rire jaune. Dénonçant depuis ses débuts le système carcéral et les discriminations raciales,Orange Is the New Black (Netflix) a mis en scène la révolte et la prise de pouvoir des détenues sur les gardiens de la prison, illustrant les ressorts de la résistance et les errements de la démocratie. «Comment ne pas faire le rapprochement entre nos personnages et notre pays? Nous avons un devoir vis-à-vis des générations futures», se demandait la star d’Orange is The New Black, Taylor Schilling.

Même le passé fait écho au présent. «Quand on a vu que cela n’allait pas fort pour Hilary Clinton et les femmes en politique, on a été saisi par l’urgence», avoue Liz Flahive. La créatrice de GLOW -toujours sur Netflix- se désole de voir que le machisme que défient ses catcheuses des années 80 fait un retour en force.

Plus surprenant, la prise de conscience n’a pas épargné les chaînes traditionnelles, les networks plus grand public. Au Festival de télévision Monte-Carlo, la star du viril NCIS Michael Weatherly présentait sa nouvelle série Bull (diffusée sur CBS, bientôt sur M6) et voyait dans son spécialiste de la sélection de jurés un pro de la manipulation, héritier d’une société, minée par les divisions, qui a porté Trump au pouvoir.

La saison 6 de Homeland réimaginée

Mais compte tenu des délais de production, de la crainte de livrer des récits trop datés, rares en réalité sont les séries à avoir adapté leur intrigue au nouvel homme fort de Washington. Expert du tour de force, Homeland , dont la présidente fictive se méfie «à la Trump» des agences de renseignements, a réimaginé ses derniers épisodes pour mettre en exergue le phénomène des fake news. La saga a aussi introduit plus vite que prévu son personnage de Brett O’Keefe, le journaliste d’extrême droite répandant ces fausses nouvelles.Dans le final de cette saison 6, Carrie Mathison, l’ex-agent de la CIA, jette un regard sans illusion sur le Capitole, métaphore du désenchantement ambiant.

Autre exemple plus flagrant, la sitcom afro-américaine Black-ish sur ABC. Le patriarche, joué par Anthony Anderson, évoque l’élection de Trump en pleine réunion de travail. Il découvre sidéré que plusieurs collègues ont voté pour le milliardaire. «L’idée n’était pas de brocarder l’électorat mais de montrer toutes les facettes du débat et d’encourager les gens à s’écouter même s’ils ont des opinions divergentes», racontait au Figaro le comédien, qui avait fait lui aussi le déplacement à Monaco.

Il n’empêche, cette tentation des scénaristes de «transformer leurs plateaux en théâtre de l’actualité», selon Yasmine al-Massri, l’actrice libanaise de Quantico (ABC, M6), pourrait bien ébranler les studios. À force de voir leurs héros transformés en porte-parole de l’opposition à Trump, les classes populaires supportrices du président ne risquent-elles pas d’en prendre ombrage?

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