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A Mossoul, les forces spéciales irakiennes se préparent à reprendre le dernier carré de l’EI

Les forces antiterroristes s’apprêtent à donner l’assaut sur le secteur de la mosquée Al-Nouri, détruite à l’explosif par les djihadistes.

Par  (Mossoul (Irak), envoyée spéciale)

Publié le 27 juin 2017 à 12h13, modifié le 27 juin 2017 à 14h52

Temps de Lecture 4 min.

Dans le quartier de Mouchahada, à Mossoul, le 26 juin. Les forces spéciales irakiennes font une reconnaissance par drône de la zone de la mosquée Al-Nouri, qu'ils s'apprêtent à attaquer.

Le socle d’Al-Hadba, reconnaissable à ses motifs géométriques, apparaît à plusieurs dizaines de mètres dans le trou que les snipers des forces antiterroristes irakiennes ont creusé dans un mur. C’est tout ce qu’il reste de « la Bossue », ce minaret penché du XIIe siècle emblématique de Mossoul, après que l’organisation Etat islamique (EI) a fait exploser le complexe de la mosquée Al-Nouri, le 21 juin au soir. La destruction de la mosquée, dont seul trône encore le dôme vert, a ôté un peu de sa saveur à l’offensive qui s’annonce contre le dernier carré de l’EI à Mossoul.

Chefs militaires et politiques irakiens s’imaginaient déjà prier là où le « calife » autoproclamé Abou Bakr Al-Baghdadi, a fait sa seule apparition publique en juillet 2014. Les soldats placés en première ligne pensaient immortaliser leur victoire d’un selfie après une bataille longue et meurtrière, débutée en octobre. Mais, la mission reste inchangée : il leur reste à reconquérir à pied chaque immeuble qui les sépare encore de la rive droite du Tigre. Ils ont peut-être échappé au pire. « Quand nos troupes sont arrivées face à la mosquée, Daech a cru, peut-être à cause de la désorganisation dans ses rangs, qu’on y était entrés. A leur radio, on les a entendus dire : “Les rafidin [terme péjoratif désignant les chiites] sont entrés dans la mosquée, faites-la exploser” », raconte le lieutenant-colonel Salam Jassem Hussein, de la première division des forces antiterroristes.

Bataille qui ne veut plus finir

Rentré d’une formation aux Etats-Unis, un grade en plus à l’épaulette, le charismatique officier a retrouvé son bataillon à temps pour participer à l’offensive sur la vieille ville. Après avoir enfoncé les premières défenses ennemies en cinq jours, les troupes d’élite marquent une pause, le temps que l’armée et la police fédérale avancent à la même hauteur sur leurs flancs. Le lieutenant-colonel Salam profite de ce répit pour faire le tour des postes avancés. Après six mois d’absence, il retrouve des compagnons d’armes, le visage marqué par une bataille qui ne veut plus finir. Il constate l’absence de ceux qui, nombreux, ont été tués ou blessés dans les combats et découvre les visages des nouvelles recrues venues les relever.

Dans le quartier de Mouchahada, à Mossoul, le 26 juin. Les forces spéciales irakiennes en observation du secteur de la mosquée Al-Nouri qu'ils s'apprêtent à attaquer.

Dans le patio d’une vieille bâtisse ottomane à portée des snipers et des obus de l’EI, de jeunes soldats, les traits fatigués et tendus, l’accueillent, admiratifs. On échange sur le front, puis l’un d’eux prend la parole pour formuler une requête au nom de tous. « Notre position est l’une des plus dangereuses. On a encore perdu deux hommes. On a des soldats expérimentés mais aussi des jeunes recrues qui n’ont eu que six mois de formation et ne savent pas tous bien se servir des armes. Certains sont soutiens de famille ou ont un frère tombé en martyr. On voudrait être postés plus loin du front », demande le soldat.

« Si j’avais assez d’hommes, je ferais davantage tourner les effectifs pour desserrer la pression sur chacun d’entre vous, mais ce n’est plus le cas. C’est une guerre sans commune mesure qui appelle des mesures exceptionnelles. Nous sommes confrontés à une nouvelle forme de bataille. (…) Nous apprenons beaucoup de cette bataille. Même les Américains, les Français, les Italiens viennent ici pour apprendre. Vous devez rester soudés comme une famille », répond le lieutenant-colonel Salam pour remonter le moral des troupes.

L’officier et ses hommes se remettent en chemin. Dans les venelles à angle droit, ils tendent l’oreille à chaque pas qu’ils entendent. Un obus de mortier s’écrase à quelques mètres d’eux. Ils s’engouffrent dans la maison d’une autre compagnie. De jeunes soldats les attendent dans un confort spartiate. Des matelas sont posés à même le sol. Les boîtes en polystyrène des rations de nourriture gisent dans la cour. Il leur manque des ventilateurs et de l’eau fraîche. Ils doivent ramener, à pied, de la base arrière les pacs d’eau et les blocs de glace. On leur promet qu’une voie d’approvisionnement sera bientôt ouverte pour les Humvees, les Jeeps blindées.

Décor lunaire

En lisière de la vieille ville, un bulldozer s’affaire déjà à ouvrir la route. De sa lame, il écarte les carcasses de voiture et les éboulis des maisons bombardées qui bloquent les ruelles. Le lieutenant-colonel Salam a laissé là son véhicule blindé noir pour s’enfoncer à pied dans le dédale de ruelles, escaladant des monticules de débris dans l’odeur putride des corps décomposés de combattants de l’EI et de civils, ou s’engouffrant dans les passages frayés entre les murs des maisons aux patios arborés et aux murs pastel. Dans un décor lunaire de maisons éventrées, d’anciens palaces et édifices religieux se dressent presque intacts.

Des balles sifflent au-dessus des têtes. Une frappe aérienne s’abat non loin dans un fracas. Les hommes rejoignent le sous-sol d’une maison, où un écran retransmet les images en noir et blanc d’un drone. L’engin évolue autour du complexe de la mosquée Al-Nouri. Quinze combattants djihadistes ont été repérés près de la rue Farouk. L’œil de la caméra glisse sur les toits plats de la vieille ville. Le pilonnage pendant trois mois de ces strates superposées d’édifices anciens et de constructions plus récentes, en parpaings grossiers, se voit nettement à l’image.

Des silhouettes apparaissent furtivement, à pied ou à mobylette, avant de disparaître derrière des habitations ou des bâches tirées au-dessus des ruelles. Une frappe est ordonnée. L’image se sature d’un nuage de fumée. « Il n’y a plus de civils dans cette zone et les combattants sont vraiment en petit nombre, dit le lieutenant-colonel Salam, tentant d’imaginer ce qu’il ferait à leur place. Ils n’attaquent pas. Ils attendent qu’on le fasse, ce qui veut dire que c’est fini. Certains attendent même la mort. »

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