Chaque année, c’est pareil: au moment d’établir notre classement, le téléphone de la rédaction chauffe très fort. Au bout du fil, des avocats, des « conseils », des « amis de la famille » et, parfois aussi, des riches eux-mêmes. « Sortez-moi de là tout de suite! » hurlait ainsi un nouvel entrant, en mai dernier. Il n’avait pas encore compris la méthodologie de Challenges. Elle est pourtant simple: estimer la fortune d’environ 700 personnalités, et vérifier avec elles que nous n’avons rien oublié. Une interactivité qui fait toute l’originalité du classement de Challenges. Mais qui donne aux riches concernés l’occasion d’influer sur notre estimation. Tous ne montent pas au cocotier en recevant leur lettre. Beaucoup nous contactent en précisant l’étendue de leur groupe et les multiples qui servent à évaluer leur fortune. D’autres confondent classement des fortunes et tribune publicitaire. Ainsi, les services d’Alain Ducasse, interrogés par nos journalistes, s’obstinaient-ils, l’an dernier, à vouloir nous parler plats. Mais jamais chiffres. Proposant même qu’on vienne les tester! La tentation a été grande… Mais nous n’avons pas cédé!
Tous, bien sur, critiquent notre méthode de calcul, tantôt trop généreuse, tantôt pas assez. Mais tous se hâtent d’aller voir à combien leur voisin de secteur d’activité est évalué. C’est ainsi qu’il y a quelques mois, trois PDG, franchisés AccorHotels, se sont retrouvés pour déjeuner. Et au moment d’attaquer l’entrée, ceux qui figuraient déjà dans notre classement ont raillé le petit nouveau: « Alors, tu l’as reçue, ta lettre de Challenges? ». « Oui, la semaine dernière! » a du avouer le petit nouveau, qui espérait pourtant échapper encore une année à nos fins limiers…
Après, tout est affaire de classement. Comme ce très important promoteur qui s’indignait d’être moins riche (et donc moins bien classé) que le fondateur d’un groupe plus petit que le sien… en oubliant qu’il n’avait pas 10% des actions de son groupe tandis que l’autre possédait 100% de sa société! Problème aussi de placement, avec Eric Kayser, qui demandait, l’an dernier, quelle serait sa place? « Je ne veux pas être le dernier ! » exigeait le célèbre boulanger, « Augmentez ma fortune de 5 millions ou faites-moi disparaître du classement mais ne me mettez surtout pas à la 500ème place… »