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Politique

Congrès de Versailles : Macron XIV prend le pouvoir

En décidant de réunir le Congrès à Versailles la veille de la déclaration de politique générale du Premier ministre, Emmanuel Macron parachève la représentation de sa prise de pouvoir, comme un défi lancé à ses adversaires politiques, mais aussi à la presse...

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Portrait officiel d'Emmanuel Macron

Versailles sera au président Macron ce que la cérémonie du Panthéon fut au premier président socialiste de la Ve République. Le moment du sacre, entre Reims et Fête de la Fédération.

(c) Elysée

Louis XIV, après une journée à exercer son métier de roi se retire en ses appartements. Il enlève perruque et atours et s’empare des maximes de la Rochefoucauld. Il lit alors ceci: "Il y a une élévation qui ne dépend pas de la fortune, un certain air de supériorité, qui semble nous destiner aux grandes choses, c'est un prix que nous nous donnons imperceptiblement à nous-même. C'est par cette qualité que nous usurpons les déférences des autres hommes ... C'est elle qui nous met plus au-dessus d'eux que la naissance les dignités et le mérite même....que la naissance... les dignités... et le mérite même..." Sur cette scène, car il s’agit de cinéma, s’achève le chef d’œuvre de Rossellini tourné pour l’ORTF en 1966, "La Prise du pouvoir par Louis XIV", premier film sur l’invention de la communication politique à travers la représentation du pouvoir.

Avouons-le, quand nous avons appris qu’Emmanuel Macron convoquait un Congrès à Versailles, nous y avons pensé. Tout indique en effet que cette journée sera l’ultime représentation de la prise du pouvoir par Emmanuel Macron. Nous sommes là plongés dans une permanence française. Le pouvoir. Son incarnation. Sa représentation. Le souverain en sa solitude. Rien de nouveau sous le soleil.

Emmanuel Macron fait congrès, mais ne répondra pas aux questions des journalistes présentateurs de journaux le 14 juillet. Il s’épargnera l’exercice qu’il juge dépourvu de sens, en l’état de son rapport avec l’opinion. "La pensée complexe du président ne se prête pas à l’exercice" fait-on dire de l’Elysée. C’est une façon élégante de signifier aux incontournables interlocuteurs qu’imposent les chaînes de télévision qu’ils sont d’un autre temps et que leurs questions, de plus en plus empreintes d’économisme à mesure que les années passent, si elles étaient de celles qui plaisaient à Nicolas Sarkozy et François Hollande, dont la quête de sens n’étaient pas le projet, ne sont plus au goût présidentiel du jour.

Avec Emmanuel Macron à l’Elysée, la politique est de retour. D’abord le sens, ensuite les moyens. D’abord le président, ensuite le Premier ministre. D’abord le congrès, ensuite le discours de politique générale. Pas besoin de journalistes de télévision, dévorés par le fact-checking qui réduit le politique à un empilage de questions portant sur des mesures alignées sans cohérence, dialogue qui ne permet pas de délivrer un discours politique porteur de sens.

La conjuration des ego médiatiques

De son point de vue (et l’on précise bien, de son point de vue) pourquoi le président de la République devrait-il se plier à un exercice qui le contraint à abaisser sa fonction? François Hollande s’est laissé prendre à ce piège tout au long de son quinquennat, faut-il encore y succomber au nom de la conjuration des ego médiatiques exigeant encore et encore que le président demeure le bon client de télévision qu’ils entendent définir, à savoir un super professeur de macro-économie, sans cesse démenti par la perception du réel par une opinion à qui on ne la fait plus? A ces deux questions, Emmanuel Macron a répondu "non".

Les journalistes politiques de l’ancien monde ne sont pas contents. Mais le chef de l’Etat n’en a cure, qui pense que plus personne ne les entend. A tort ou à raison, il s’estime fondé à les contourner.

"Les journalistes politiques français n’aiment pas les belles histoires" a-t-il confié à un moment clé de sa campagne, quand sa victoire commençait à se dessiner et que la majorité des commentateurs de l’instant, après avoir décrété qu’il n’y arriverait pas sans parti, puis sans passage par la primaire, puis qu’il était une "bulle médiatique", entonnait le couplet sur le fait que même élu, il n’aurait pas de majorité. Sans parler du traitement médiatique de la soirée de la Rotonde, qui lui donna le sentiment, une fois encore, que la classe des journalistes politiques traditionnels, parisiens de culture, rompus au sarkozysme et au hollandisme médiatique, le traitait comme un corps étranger et impur dans un monde qu’ils entendaient lui interdire. "Le métèque était dans la place, ça leur était insupportable" a-t-il dit au sujet de cet épisode polémique. Ainsi le vit-il, ainsi le voit-il, ainsi le pense-t-il. Se trompe-t-il?

Quant à ses adversaires politiques, ils n'en peuvent mais. Nous sommes dans un moment où ils sont inaudibles, cela durera possiblement le temps d'un été de grâce.

Une prise du pouvoir sans partage

Donc, ce sera un congrès. Pour passer outre l’ancien monde des journalistes politiques de l’avant. Verticalité complète de la communication. Pas de médiateur. Ce congrès sera le sacre du président Macron. Face à lui, les députés du nouveau monde, venus d’ailleurs, et qui déboussolent les politiques et les commentateurs de l’avant. Et les sénateurs, vestiges de ce même avant, convoqués pour assister là à la consécration de celui qui leur promet aussi la fin du vieux Sénat, à terme, quand au fil des consultations locales les grands électeurs seront remplacés par des élus de la République en marche. Et les Français, pris à témoins de cette prise du pouvoir finalement sans partage.

Imaginons. Pensons l’image que nous contemplerons lundi. L’entrée du président Macron, parcourant de son pas lent et mesuré le grand vestibule qui mène à la salle du Congrès. Les tambours. Les gardes républicains, garde-à-vous au passage du président. L’entrée dans la salle. La montée des marches qui mènent à la tribune. L’assistance debout. Le discours, écouté dans un silence religieux. Marine Le Pen, isolée dans son coin. Mélenchon et Ruffin, contraints à la courtoisie républicaine. La droite, de Solère à Jacob, appelée à méditer son propre désastre. Les socialistes, devenus un souvenir. Les applaudissements, enfin. Ce sera l’ultime représentation de la prise du pouvoir par le président Macron. La clôture de la séquence ouverte le 7 mai dernier à la Pyramide du Louvre. La prise du pouvoir enfin achevée. Et les difficultés, qui commenceront.

La Pyramide n’était pas la répétition du Panthéon de Mitterrand, mais à l’évidence, Versailles sera au président Macron ce que la cérémonie du Panthéon fut au premier président socialiste de la Ve République. Le moment du sacre, entre Reims et Fête de la Fédération.

Mitterrand était allé au Panthéon pour acter la prise du pouvoir par la gauche. Lui donner corps. Dire l’impossible devenu réalité. S’ancrer dans l’imaginaire français. Macron s’en va au congrès de Versailles pour les mêmes raisons: donner corps à sa victoire, dire l’impossible devenu réalité et s’ancrer dans l’imaginaire national. L’un comme l’autre sont dans la revendication de leur légitimité à exercer le pouvoir, ce que leurs adversaires, politiques et journalistiques, leur ont toujours refusé. Hier Mitterrand, aujourd’hui Macron. Le premier parce qu’il était socialiste, apportant la revanche de la gauche après un quart de siècle d’opposition, le second parce qu’il est le bourreau des vieux partis politiques en bout de course, discrédités par trente ans de sélections d’élites incompétentes et impuissantes, du PS à LR en passant par le FN ou EELV. Mitterrand en 1981 et Macron en 2017, soient deux présidents contraints par les circonstances de leur prise de pouvoir à afficher leur puissance afin de priver leurs ennemis de tout argument alimentant le procès en légitimité.

Cela étant, relativisons. L'exercice n'est pas sans danger. Macron prend avec son Congrès de Versailles le même risque que Mitterrand avec son Panthéon. Ce n’est pas rien que de représenter son pouvoir absolu. La promesse est énorme, et il ne faut pas la décevoir. Sur temps court, l’image marque. Sur temps long, elle est une nostalgie douce. Sur temps moyen, cinq ans par exemple, elle rend l’opinion intransigeante. De celui qui a mis en scène son pouvoir absolu, on attend des résultats absolument bons. Prudence, prudence… Et puisque nous avons ouvert avec La Rochefoucauld, nous fermerons avec lui en pensant au destin que se fabrique le président Macron : "Le soleil ni la mort ne se peuvent regarder fixement."

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