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Finances publiques : huit milliards d'euros de dérapage selon la Cour des comptes, "inacceptable" pour Edouard Philippe

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  • France Bleu

Dans son audit des finances publiques remis jeudi au gouvernement, la Cour des comptes prévoit, s'il n'y a pas de changement de politique, un dérapage du déficit public à 3,2% du produit intérieur brut en France en 2017, soit 0,4 point de plus que l'objectif fixé sous François Hollande.

Le Premier président de la Cour des comptes Didier Migaud a remise jeudi au Premier ministre Edouard Philippe l'audit de la Cour des comptes sur les finances publiques.
Le Premier président de la Cour des comptes Didier Migaud a remise jeudi au Premier ministre Edouard Philippe l'audit de la Cour des comptes sur les finances publiques. © Maxppp - Thomas Padilla

"Un effort d'économies sans précédent" sera "nécessaire" pour tenir l'objectif de déficit public en 2018, prévient la Cour des comptes, qui a remis jeudi au gouvernement son audit annuel sur les finances publiques. Cet audit, commandé dès son arrivée à Matignon par le Premier ministre Edouard Philippe, doit permettre au nouveau gouvernement de disposer d'une publication "transparente", sur laquelle il pourra s'appuyer pour justifier des mesures d'économies.

Un "trou" de huit milliards d'euros à politique inchangée

La Cour des comptes tacle la gestion des finances publiques menée sous le mandat de François Hollande et dresse un constat sans appel : "en 2017, sans mesures fortes de redressement, le déficit public dépasserait l'objectif de 0,4 point de PIB" pour atteindre 3,2% de PIB. En cause : une sous-budgétisation pour certains ministères, mais aussi la recapitalisation d'Areva, qui pourrait conduire à dégrader les comptes publics de 2,3 milliards d'euros, et un rendement plus faible que prévu de la cellule de régularisation fiscale pour les contribuables détenant un compte caché à l'étranger.

Cela représente un "trou" de huit milliards d'euros par rapport aux prévisions. Cette évaluation a été réalisée "à politique inchangée", c'est-à-dire en se basant sur les décisions publiques prises sous le précédent gouvernement, et non sur les promesses de campagne d'Emmanuel Macron.

"Insincérités" dans les derniers textes budgétaires de l'ère Hollande

La France s'était engagée en avril à ramener son déficit public à 2,8% du PIB cette année, et à 2,3% en 2018, après 3,4% en 2016, dans le but de repasser sous la barre fatidique des 3% exigée par les traités européens, pour la première fois depuis 10 ans. Mais les derniers textes budgétaires du gouvernement sortant (la loi de finances initiale pour 2017 et le programme de stabilité adressé à Bruxelles) ont été entachés "d'insincérités", fustige la Cour. Le risque de dérapage du déficit en 2017 résulte "quasi exclusivement d'une sous-estimation des dépenses de l'Etat", écrivent les magistrats. Ils ajoutent que le gouvernement était pourtant conscient de ces problèmes "dès l'automne 2016, et de manière plus précise encore, en avril dernier". Le président de la Cour des Comptes Didier Migaud a d'ailleurs appelé jeudi à une "rupture avec les pratiques récurrentes de sous-budgétisation" et autres artifices comptables, susceptibles, selon lui, de favoriser le dérapage du déficit public.

L'ancien ministre des Finances Michel Sapin et son secrétaire d'Etat au Budget Christian Eckert ont nié jeudi tout artifice comptable dans le budget 2017, assurant que "le gouvernement a fait preuve d'un sérieux budgétaire sans précédent durant le quinquennat", "permettant au déficit de reculer continûment, d'un niveau supérieur à 5% (du PIB) en 2011, dernière année du mandat précédent, à 3,4% en 2016". Mercredi, avant la publication du rapport, Stéphane Le Foll, ancien ministre et proche de François Hollande, avait contesté les accusations d'insincérité, critiquant "une mauvaise manière" de l'exécutif de "lancer le débat sur le prochain budget".

Nous héritons d'un dérapage de plus de huit milliards d'euros, c'est inacceptable" - Edouard Philippe

Le gouvernement d'Edouard Philippe, qui affiche un objectif de 3% de déficit en 2017, a multiplié les messages alarmistes ces dernières semaines, laissant présager un serrage de vis budgétaire en 2017 et un possible report de certaines réformes promises pour 2018. Le Premier ministre a qualifié jeudi d'"inacceptable" l'ampleur du dérapage dont hérite son gouvernement et a ajouté : "nous nous engageons à contenir le déficit à 3% (du PIB) dès cette année". Edouard Philippe a précisé qu'il n'y aura pas d'augmentation d'impôts mais des économies pour "mettre un terme à la spirale des déficits".

Pistes d'économies : moins de fonctionnaires et d'avantages pour les "régimes spéciaux" de retraites

Si elle veut atteindre l'objectif fixé par le nouveau gouvernement, la France devra mettre en oeuvre des efforts d'économies "sans précédent", confirme la Cour des comptes qui juge nécessaire de "prendre des mesures d'économies supplémentaires portant sur toutes les administrations publiques" en 2017. Parmi les pistes proposées, la limitation de la hausse de la rémunération des fonctionnaires et la réduction de leur nombre. Alors que la masse salariale des administrations publiques représente près d'un quart des dépenses publiques en France, la Cour des comptes recommande de ne remplacer qu'un départ à la retraite sur deux dans les ministères - sauf dans ceux jugés prioritaires- et un sur trois dans les fonctions publiques hospitalière et territoriale. Cela permettrait d'économiser 2,4 milliards d'euros.

Le ministre des Comptes publics, Gérald Darmanin, a annoncé jeudi soir sur France 2 qu'il n'y aurait "pas d'augmentation du point d'indice" pour les fonctionnaires. Pour être dans les clous européens, l'effort suppose "entre 4 et 5 milliards d'économies" cette année, a précisé Gérald Darmanin.

Les magistrats financiers recommandent également de revoir les dépenses dédiées à l'éducation, en réduisant le coût du lycée - supérieur à la moyenne de l'OCDE - et en redistribuant ces ressources au bénéfice de l'enseignement primaire. Concernant l'enseignement supérieur, les droits d'inscription aux diplômes nationaux pourraient être augmentés. Selon la Cour des comptes, des économies sont aussi possibles en réduisant le coût des aides publiques au logement (34,6 milliards d'euros en 2015), en appliquant notamment une "plus grande sélectivité de l'accès aux logements sociaux".

Les autres postes cités par la Cour des comptes pour réaliser des économies sont les régimes de retraite (allonger le temps de travail, réduire les avantages réservés aux "régimes spéciaux"), les dépenses de santé (développer la chirurgie ambulatoire par exemple) ou encore les indemnités chômage. Sur ce dernier point, la Cour propose de revoir la durée d'indemnisation, la durée minimale d'affiliation et le montant maximum d'indemnisation.

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