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Nucléaire

Les EPR chinois confrontés aux défauts français

Les cuves des deux EPR de Taishan, vendus par Areva à la Chine, ont été forgées dans la même usine et à la même période que la cuve de l’EPR de Flamanville. Elles pourraient présenter le même défaut de résistance. De quoi nourrir un coûteux contentieux avec la Chine.

L’anomalie de concentration de carbone découverte dans la cuve et le couvercle de l’EPR de Flamanville n’est-elle que l’arbre qui cache la forêt ? Alors que l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) a livré jeudi 28 juin son verdict concernant ces pièces à l’acier défectueux — contrôles approfondis obligatoires tous les dix ans pour le fond de cuve, remplacement avant 2024 pour le couvercle —, les regards se tournent vers les deux EPR qu’EDF construit à Taishan en Chine.

Lors de la réunion du Groupe permanent d’experts pour les équipements sous pression nucléaires (GPESPN), « EDF a confirmé que les calottes inférieures et supérieures des EPR chinois ont été forgées à la même période que la cuve de l’EPR de Flamanville dans la même usine Areva du Creusot. Lors de cette réunion, le régulateur chinois [la National nuclear safety administration, NNSA] et l’exploitant chinois [China general nuclear power corporation, CGNPC] étaient présents au fond de la salle », rapporte Yannick Rousselet, chargé de campagne nucléaire à Greenpeace France, lui-même observateur à la réunion du groupe d’experts.

Interrogé par Reporterre, le président de l’Autorité de sûreté nucléaire, Pierre-Franck Chevet, a confirmé cette information lors de la conférence de presse du mercredi 28 juin : « Les pièces des EPR chinois sont potentiellement concernées, car elles ont été forgées selon le même procédé, à l’usine Areva du Creusot. À quel point elles le sont, nous l’ignorons. » L’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) se serait montré plus catégorique : « Depuis le début, ils suivent de près nos expertises et les leurs ont conduit aux mêmes résultats que les nôtres », aurait confié un représentant de l’organe technique de l’ASN à BFM Business. Pour rappel, la cuve de l’EPR de Flamanville avait été forgée selon un nouveau protocole, qui a entraîné des concentrations de carbone anormalement élevées dans certaines zones de la pièce. Des tests menés par Areva ont démontré que l’acier était moins résistant en ces endroits et que des fissures pouvaient s’y propager plus facilement.

« Toutes les informations ont été transmises aux homologues chinois »

Pierre-Franck Chevet précise que « tous nos homologues étrangers, en particulier les homologues chinois, ont été associés dès le départ aux discussions concernant l’EPR. Nos homologues chinois ont participé à toutes les étapes de l’instruction, nous leur avons donné toutes les informations et le rapport traduit en anglais, et ils étaient physiquement présents à la réunion du GPESPN ». Ainsi, si les cuves des EPR de Taishan présentaient la même anomalie de concentration de carbone dans l’acier que celle de l’EPR de Flamanville, « les Chinois ont tous les éléments pour prendre position », assure M. Chevet.

Le président de l’Autorité de sûreté nucléaire, Pierre-Franck Chevet, mercredi 28 juin, à Montrouge (Hauts-de-Seine).

EDF, qui gère avec CGNPC le chantier des EPR de Taishan, s’est montré tout aussi évasif lors de la conférence de presse qu’a tenue l’électricien mercredi 28 juin. « EDF a su faire profiter Taishan de toute la démarche de justification menée par Flamanville », a simplement indiqué Laurent Thieffry, directeur du projet Flamanville 3. Concrètement, l’électricien français va-t-il devoir remplacer les couvercles des cuves chinoises ? « Il reviendra à l’exploitant chinois de se prononcer en lien avec l’autorité de sûreté nucléaire chinoise, a botté en touche M. Thieffry. La différence est qu’EDF est exploitant de Flamanville mais pas de Taishan : nous devons donc attendre la décision de la CGNPC. » De son côté, Areva, propriétaire de l’usine du Creusot où ont été forgées les cuves des EPR de Flamanville et Taishan, interrogé par Reporterre, n’a pas souhaité communiquer, disant qu’il revenait à l’autorité de sûreté nucléaire chinoise et à l’exploitant chinois de le faire. Contactés par Reporterre, ces derniers n’avaient pas encore répondu à nos questions jeudi après-midi.

Les deux EPR de Taishan, d’une puissance de 1.750 mégawatts chacun, ont été vendus par Areva à la Chine en novembre 2007. Prix de la transaction, huit milliards d’euros, combustible compris. Le chantier a débuté en 2009 et les cuves installées le 5 juin 2012 et le 30 octobre 2014 respectivement, pour une mise en service initialement prévue en 2013 pour la première tranche et en 2015 pour la seconde. Mais, à l’instar des EPR français et finlandais, le chantier accuse un sérieux retard. Fin février dernier, CGNPC annonçait un nouveau report de la mise en service des réacteurs, désormais prévue au second semestre 2017 et dans la première moitié de 2018. Cette décision est intervenue après « une évaluation complète du plan de construction technique et des risques », avait alors expliqué le groupe chinois. Alors qu’aucun autre EPR n’est en fonctionnement dans le monde, le projet Taishan « mènera plus de vérifications concernant sa conception et ses équipements, ce qui nécessite une phase de construction technique plus longue ».

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