Getty, la mémoire photographique du XXe siècle

En vingt ans, la banque d'images américaine s'est constitué un fonds d'archives impressionnant. Il avoisine aujourd'hui les cent millions de clichés.

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Le fonds d'archives de l'agence Getty réunit entre 90 et 100 millions de clichés couvrant plus de 180 ans d'histoire photographique.
Le fonds d'archives de l'agence Getty réunit entre 90 et 100 millions de clichés couvrant plus de 180 ans d'histoire photographique. © Getty Images Europe / Getty Images

Temps de lecture : 6 min

Dans l'est de Londres, le quartier de Canning Town n'a rien de remarquable. Les anciens marécages, asséchés au début du XIXe siècle, ont laissé la place à de vastes centres commerciaux, à de grandes tours HLM et à une multitude de hangars. Difficile d'imaginer que se dissimule ici la plus importante collection privée de photos dans le monde. Le fonds, rassemblé depuis vingt ans par l'agence Getty, a pourtant emménagé là, il y a un peu plus de six mois.

Hier abritée dans un immeuble sans charme de Westbourne Park, près de Notting Hill, la collection de 90 millions de clichés, réunie par l'entreprise américaine, est désormais conservée dans un bâtiment discret, initialement construit pour accueillir le centre de presse des Jeux olympiques de 2012. Le lieu, entouré d'entrepôts sans âme, est ultrasécurisé. Et pour cause ! L'endroit renferme des daguerréotypes inestimables, dont le plus ancien date de 1854, et une sélection de clichés signés des plus grands maîtres de la photographie.

Attention, trésors fragiles

Une vingtaine de personnes veillent sur ces trésors : des historiens de l'art, des techniciens formés aux anciennes techniques de développement des négatifs, mais aussi une poignée de magasiniers. À la tête de cette fine équipe, Matthew Butson, 53 ans, un ancien chimiste, confesse être devenu archiviste « par amour des belles images ». C'est lui qui accueille le visiteur et fait faire le tour du propriétaire. À l'étage, dans des bureaux en open space, une dizaine d'employés s'occupent de la commercialisation, auprès de maisons d'édition, d'agences de publicité ou de groupes de presse, des images tirées de ces archives. C'est à eux qu'incombe la tâche de « valoriser » le fonds. Au rez-de-chaussée, les réserves ressemblent vraiment à un labyrinthe... « Notre fonds a été constitué par le rachat successif de plusieurs collections, dont la plus célèbre est la photothèque des archives Hulton [un groupe de presse qui a édité de 1938 à 1957 le magazine Picture Post, NDLR] », indique le directeur en déambulant, sans se perdre, au milieu d'étagères qui croulent sous les tirages.

Dans les réserves, les banettes, classées par thèmes et non par nom de photographe, débordent de clichés. © Baudouin Eschapasse
Dans les réserves, les banettes, classées par thèmes et non par nom de photographe, débordent de clichés. © Baudouin Eschapasse

Gants blancs de rigueur, Matthew Butson manipule avec délicatesse des plaques translucides qui semblent aussi fragiles que du cristal. « Cette image, par exemple, date du début du XXe siècle », explique-t-il en désignant un paysage en noir et blanc de l'époque de la reine Victoria. « Avant l'invention de la pellicule en celluloïd, les négatifs étaient en verre. Il est incroyable que ces objets aient traversé deux conflits mondiaux, sachant que Londres a été sévèrement bombardée dans les années 40. » Propriété de la BBC, des années 60 à 1988, la collection rassemble le travail de près de 15 millions de photographes différents. Tous les grands noms de la photo y figurent : de Nadar à Cartier-Bresson, d'Eugène Atget à Robert Doisneau, en passant par Willy Ronis, pour ne parler que des Français. Mais aussi Robert Capa, Bill Brandt, Weegee, Ernst Haas ou encore Umbo. 

L'argentique... avenir de la photo numérique ?

Moins de 10 % du fonds a été numérisé. Des caisses entières de tirages papier mais, plus encore, de négatifs  restent à explorer. © Baudouin Eschapasse
Moins de 10 % du fonds a été numérisé. Des caisses entières de tirages papier mais, plus encore, de négatifs  restent à explorer. © Baudouin Eschapasse

Dans un laboratoire, à l'écart, des tirages modernes de quelques-unes de ces images « patrimoniales » achèvent de sécher. Encadrés, ces portraits de Winston Churchill et de Marilyn Monroe ou ces panoramas de Londres, de Paris ou de Bombay seront bientôt vendus en galerie comme des pièces de décoration « vintage ». Non loin de là, dans une pièce blanche évoquant un laboratoire médical, Lenny Hanson procède à la délicate restauration de clichés ou de négatifs fanés. « À force de patience, on peut sauver des images très abîmées », glisse-t-il en montrant le puzzle qu'il vient d'achever. On y distingue Alfred Hitchcock et Cary Grant.

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Commentaires (2)

  • ALT

    « Et pour chaque photo tirée, continuent de sommeiller sur les rayonnages deux cents fois plus de négatifs qui n'ont pas encore été développés »
    Pas encore tirés (=transformés en « potitifs », les photographies qu'on a l'habitude de voir) serait sans doute plus juste : l'image latente d'un cliché non développé (=pas passé dans un révélateur & un fixateur) ne dure pas longtemps. Tout au plus quelques mois, si le négatif est conservé dans des conditions exceptionnelles (réfrigérateur, par exemple).

  • Vieux taxi

    Les français font du camping sauvage...