"JUPITER" ET LES MÉDIAS.

Il y a dans l'attitude d'Emmanuel Macron vis à vis des médias quelque chose du chamboule-tout qu'il a utilisé pour dynamiter les partis. La vérité c'est que, de la même manière qu'il a tracé sa route hors des pistes balisées des machines politiques traditionnelles, il rompt aussi avec le système médiatique comme on l'a connu. Il apparait qu'il a entrepris de couper le lien traditionnel de dépendance des politiques avec les journalistes que nous avions exploré dans "Le bal des dézingueurs" (Flammarion). 

  • Finis les "off the record" et les journalistes que l'on "traite" en distillant les confidences ou en les caressant dans le sens du poil. 
  • Adieu ces moments "volés" (offerts, en vérité) où caméras et photographes saisissaient les dessous du pouvoir.
  • Terminé aussi ce jeu qui voulait que le President soit "l'ami des journalistes", et (espère-t-il) les effets boomerang observés sous Sarkozy puis Hollande. 

Macron rompt et verrouille sans état d'âme. Il utilise la com et les médias, sans concession et avec une lucidité certaine, dans l'unique but de construire sa stature présidentielle: ce mélange de "Mister cool" à la Obama et de "Jupitérien" à la Mitterrand (mot qu'il a réussi imposé depuis deux mois à tous les commentateurs avec une facilité déconcertante). C'est une communication à sens unique destinée à le placer en hauteur, hors de portée des polémiques, mais aussi à construire un terrain favorable à la mise en œuvre de sa politique. 

Son choix régalien du Congrès de Versailles contre l'interview du 14 juillet s'explique ainsi. Pas question de livrer "Jupiter" aux questions sur les affaires ou aux présumées politicailleries médiatiques. C'est le choix du vertical contre ce satané horizontal qui met le President à "portée de baffe" journalistique.

C'est de bonne guerre.

Car il faut se rendre à l'évidence: pour l'instant cela ne frustre que les journalistes. Les français, eux, ont été saoulés de mots pendant la campagne. Ils attendent des actes. Et c'est là qu'ils jugeront le President. Mais attention... Déçus, ces grands insatisfaits peuvent se montrer bien plus féroces que le plus rugueux des intervieweurs. Et ils ne sont jamais dupes de la com.

Emmanuel Macron, seul sur son nuage élyséen, n'a donc pas droit à l'erreur.

Bettina KERSTENS MESCLON

Accueil et assistante administrative Fondation OCH,* -♡Ecrivaine,* rédactrice web et traductrice *

4y

Intéressant de relire cet article deux ans plus tard à la lumière actuelle. La verticalité du pouvoir à l'épreuve du temps et des réalités. À suivre donc

Henri de Grossouvre

Directeur de la prospective SUEZ, président d'une Epicerie Sociale et Solidaire, membre du Conseil d'Administration de Sciences Po Strasbourg, essayiste

6y

Oui, il continue à nous surprendre positivement, comme pour la politique étrangère et les projets de réformes territoriales (pouvoir réglementaire aux régions...). Nous pensons que l'on peut concilier un Etat recentré sur ses prérogatives régaliennes et une grande autonomie locale

Charles André

Editorial Director. Thought leadership, communities, identities and cultural branding expert. Prides are key.

6y

Ça fait plaisir de lire un journaliste qui se rend compte que, dans leurs cris d'orfraie de défense de la liberté de la presse, les journalistes politiques ne défendent que leur business, avant tout fait de connaissance et révélations d'intrigues de cour, de politique politicienne, qui n'intéresse personne d'autre que les passionnés de politique politicienne - qui sont de moins en moins nombreux. Michel-Edouard Leclerc disait quelque chose du même style que vous il y a peu : le verrouillage de la com' gouvernementale, c'est de bonne guerre et ça n'a rien d'immoral. http://www.michel-edouard-leclerc.com/categorie/societe/politique/medias-et-politiques-pas-d-amelioration-prevue-sur-ce-front Dans le vieux monde, on pourrait même parler de pré-Histoire !, les journalistes "politiques" étaient des pions au service de la cour du roi, où les infos qu'ils obtenaient dépendaient des intérêts en présence à manipuler. Même s'il n'est pas l'objectif de Macron, qui cherche à maîtriser sa com', ce coup de balais-là aussi me paraît très sain ! Les journalistes qui veulent parler politique devront connaître, bien connaitre, les dossiers sectoriels en cause. Bref, traiter de l'intérêt général et des intérêts particuliers qui le composent - ou le décomposent, s'intéresser à ce qui concerne les Français et plus à ce qui n'excite qu'un petit milieu. C'est bien !

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