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Aux Etats-Unis, la « guerre du charbon » fait rage

Un documentaire diffusé ce dimanche sur National Geographic explore les impacts économiques, climatiques et sanitaires de cette énergie fossile en déclin.

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Publié le 01 juillet 2017 à 15h25, modifié le 01 juillet 2017 à 15h25

Temps de Lecture 6 min.

Donald Trump le claironne sur tous les tons. En optant pour un retrait des Etats-Unis de l’accord de Paris, il a mis fin à « la guerre contre le charbon ». Jeudi 28 juin, lors d’un discours sur le développement du secteur énergétique, le président républicain s’est dit « très fier » de la décision prise le 1er juin, qui permettra, selon lui, de « protéger les travailleurs américains et les entreprises américaines » d’un accord contre le réchauffement climatique, conclu fin 2015, qu’il juge contraire à la souveraineté nationale.

Pourtant, la guerre du charbon continue de faire rage et de produire des effets économiques, sociaux et sanitaires dévastateurs dans les régions des Etats-Unis qui exploitent encore le minerai. Le deuxième plus gros émetteur mondial de gaz à effet de serre (derrière la Chine) comptait 523 centrales à charbon en 2010. Il n’en recense que 287 aujourd’hui.

Industrie moribonde et sinistrée

Les effectifs de l’industrie charbonnière ont fondu sous les effets conjugués de la mécanisation, de la concurrence d’énergies plus compétitives (pétrole, gaz de schiste), du ralentissement de la demande mondiale et des politiques environnementales amorcées par Barack Obama. Quelque 80 000 salariés américains travaillaient en 2016 dans ce secteur pourvoyeur de plus de 860 000 emplois dans les années 1920. Dans l’éolien et le solaire, la création d’emplois progresse douze fois plus rapidement que dans le reste de l’économie américaine.

N’en déplaise à Donald Trump, le charbon américain est une industrie moribonde et sinistrée, comme en témoigne le documentaire From the Ashes (« Venu des cendres ») diffusé dimanche 2 juillet à 20 h 40 sur la chaîne National Geographic. Réalisé par Michael Bonfiglio avec le soutien financier de Bloomberg Philantropies, la fondation de l’ancien maire de New York Michael Bloomberg, très impliqué dans la mobilisation des villes face au changement climatique, le film propose une vision kaléidoscopique de cette Amérique frappée par la crise houillère.

D’Est en Ouest, des montagnes des Appalaches aux plaines du Montana, le documentaire donne « un visage humain à la fermeture des centrales à charbon dictée par la lutte contre le changement climatique mais aussi contre la pollution de l’air », estime Antha Williams, la directrice du programme international de Bloomberg Philantropies.

Maladies respiratoires

La guerre du charbon ne se limite pas à un naufrage économique, avec son lot d’usines désaffectées et de familles laissées pour compte. Elle est aussi une bataille des consciences menée depuis 2011 par le Sierra Club – la plus grande ONG américaine de protection de l’environnement – sur les méfaits de cette énergie fossile à la fois la plus émettrice de gaz à effet de serre et la plus nocive pour la santé humaine. Baptisée « Beyond the coal » (« Au-delà du charbon »), la campagne, financée elle aussi la fondation Bloomberg, a largement contribué au déclin houiller, assure la directrice de campagne Mary Anne Hitt.

Cette native de Virginie occidentale, à qui le documentaire donne la parole, ne peut pas se résoudre au saccage de sa région, défigurée par la technique consistant à exploser le sommet des reliefs pour en extraire le charbon. La militante rappelle aussi que la réduction des particules fines liée à la chute de l’activité minière a permis de baisser de moitié aux Etats-Unis le nombre de décès prématurés liés aux maladies respiratoires provoquées par la pollution de l’air : 13 000 morts au début des années 2010, 7 500 aujourd’hui.

« Sept centrales ont fermé depuis l’arrivée au pouvoir de Donald Trump, ajoute Mary Anne Hitt, présente mi-juin à Paris pour l’avant-première de From the Ashes. Car ce type de décision est du ressort des élus locaux, pas de Washington ». « Avec le retrait américain de l’Accord de Paris, le gouvernement fédéral va certes essayer de stopper ou freiner le mouvement, mais les États-Unis vont continuer de fermer des centrales, affirme la responsable du Sierra Club. Donald Trump joue sur le mythe du mineur, qui tient une place centrale dans l’histoire du pays et qui correspond à la base électorale qui l’a élu, mais je ne crois pas en sa sincérité ».

Familles laissées sur le carreau

Elle cite l’exemple de la région des Appalaches, qui a perdu 80 % de ses emplois miniers. Les autorités fédérales ont pourtant décidé de couper les aides aux familles et de fermer l’agence de développement régional, l’une des rares institutions proposant des solutions de reclassement aux salariés laissés sur le carreau.

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Le défi de l’après-charbon, « c’est d’investir massivement dans la formation et dans la reconversion des sites », constate Mary Anne Hitt. « Comment amortir le choc ? », s’interroge Lori Shaw, une habitante de Colstrip, dans le documentaire. Cette localité du Montana a trouvé la réponse en développant dès 2005 sur ces terres charbonnières, et conservatrices, une ferme de 90 éoliennes, le Judith Gap Energy Center.

« Dans le domaine du charbon, une transition peut prendre 20 à 25 ans avant que les travailleurs ne retrouvent un emploi et que le trou laissé dans l’économie régionale ne soit comblé par de nouvelles activités », analyse Oliver Sartor, de l’Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri). Le chercheur participe depuis 2016 au projet international de recherche « Coal Transitions », qui associe six pays majeurs dans le marché du charbon (Chine, Inde, Australie, Afrique du sud, Pologne, Allemagne) et cherche à formuler des scénarios de transition du charbon. L’objectif est aussi de « porter la discussion sur la transition dans les négociations sur la mise en œuvre de l’accord de Paris, d’en faire un objet collectif, complète Michel Colombier, directeur scientifique de l’Iddri, de ne pas le limiter au champ des experts et des ONG. »

« Il y a encore du chemin à faire avant de parvenir à décarboner l’économie »

Car la problématique dépasse évidemment les frontières américaines. Malgré l’essor des énergies renouvelables, le charbon couvre encore le tiers des besoins énergétiques mondiaux. selon l’Agence internationale de l’énergie, et est responsable de près de 45 % des émissions polluantes. La Chine, qui s’efforce d’être plus vertueuse – elle a fermé en mars la dernière grande centrale électrique alimentant Pékin – est, avec l’Inde, le pays où prospère le plus les projets de nouvelles centrales à charbon. La vision 100 % énergies renouvelables développée par Sierra Club et Bloomberg Philantropies, qui a hâté la fermeture de la moitié des centrales américaines et trouve des relais en Europe, progresse plus lentement dans les pays asiatiques.

Dans une étude révélée le 29 juin par Les Amis de la Terre, Urgewald, BanktTrack et d’autres partenaires internationaux, les ONG publient le nom des 120 entreprises les plus déterminées à développer des nouvelles centrales à charbon. Au total, 1 600 nouvelles unités sont en construction ou prévues dans 62 pays. Elles représenteraient l’équivalent de 42 % de la capacité mondiale actuelle. Chine, Inde, Turquie, Indonésie, Vietnam et Japon occupent le palmarès de ce tableau inquiétant.

« Il y a encore du chemin à faire avant de parvenir à décarboner l’économie, et tenir le cap des 2°C fixé par l’accord de Paris, rappelle dans un article de la revue Nature l’ancienne responsable climat des Nations unies Christiana Figueres, ainsi que trois climatologues et deux spécialistes du développement durable. Or, pour le climat, tout est question de temps ». Selon ce groupe d’experts, plusieurs étapes devront être franchies d’ici à 2020. Leur première injonction est que les énergies renouvelables fournissent au moins 30 % de l’électricité mondiale et qu’aucune nouvelle centrale à charbon ne soit validée à partir de 2020.

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