Richard Ferrand. Le dessous des cartes

Hervé Chambonnière

Par Hervé Chambonnière

Il aurait dû être le 4e personnage de l'État. Voici le récit et les coulisses du dossier Ferrand. Cinq semaines d'emballement politico-médiatique, de chausse-trappes, d'intrigues, suivies de très près par un Président qui, jusqu'au bout, n'a pas voulu céder face au tribunal médiatique.

Le dossier des Mutuelles de Bretagne n'a pas eu la peau du ministre. Ni celle du député. En revanche, la polémique lui a coûté la présidence de l'Assemblée nationale.
Le dossier des Mutuelles de Bretagne n'a pas eu la peau du ministre. Ni celle du député. En revanche, la polémique lui a coûté la présidence de l'Assemblée nationale. (Photo AFP)

« Quand on se fait un patrimoine à plus de 600.000 euros, on n'a pas sa place dans une élection législative (...) Il y a des faits qui relèvent à la limite de l'escroquerie. » Au micro de France Bleu Breizh Izel, la charge est signée Patricia Adam, le soir du premier tour des législatives. La députée PS de Brest vient d'être balayée par la déferlante La République en Marche. L'accusation n'engage qu'elle, mais le raccourci résume ce qu'une partie de l'opinion publique tient comme acquis : Richard Ferrand a favorisé ses proches et aurait même lésé les Mutuelles de Bretagne qu'il a dirigées jusqu'en 2012, avant d'être élu député.

Macron - la presse : le bras de fer


Mercredi 24 mai : Richard Ferrand est ministre depuis une semaine quand Le Canard Enchaîné publie les premières révélations. L'opération immobilière des Mutuelles de Bretagne n'a rien d'illégal a priori, mais le conflit d'intérêts passe mal, alors que le nouveau Président a décrété « la moralisation de la vie politique ».

Le soir même, ce 24 mai, Macron appelle Ferrand. Le ministre est dans sa voiture, filant vers la Bretagne pour lancer la campagne des législatives dans sa circonscription. Richard Ferrand propose au Président de démissionner. Emmanuel Macron refuse. Pour le président de la République, son ministre et ami est une victime collatérale d'une bataille qui se livre avec... la presse. Emmanuel Macron vient de rompre avec la pratique de ses deux prédécesseurs à l'Élysée. Fini la connivence et les confidences. Fini l'accès aux conseillers. Piquée au vif, la presse réagirait « comme un toxicomane qu'on vient brutalement de priver de drogue », commente-t-on dans l'entourage du chef de l'État. Politiquement, Emmanuel Macron n'a aucun intérêt à abandonner son ministre. Après Ferrand, qui sera le prochain ? La situation pourrait devenir ingérable. L'Elysée et Matignon décident de « ne rien lâcher ».

Le Canard, l'AFP, Le Parisien...


Mais un avocat brestois, ancien bâtonnier, va relancer la machine médiatique. Alain Castel représentait un des créanciers du propriétaire du bien vendu à la compagne de Richard Ferrand. Il est persuadé que l'opération immobilière est « fumeuse », et promet un document accablant à ses yeux : un compromis de vente signé de la main de Richard Ferrand. Pour l'avocat, les Mutuelles ont été lésées et auraient mieux fait d'acheter. Le Canard Enchaîné est prévenu le jeudi 25 mai. Le Télégramme, le lendemain après-midi.

En ce long pont de l'Ascension, recouper les informations, trouver les acteurs clés du dossier et un spécialiste du code de la mutualité relève de l'impossible. D'autres rédactions ont également été mises dans la boucle, dont Le Parisien et l'AFP. Le lundi 29 mai, Le Parisien publie les accusations du juriste, et la réponse du ministre. Le Télégramme boucle et publie son enquête en fin de matinée. Les acteurs clés du dossier avec lesquels il a pu entrer en contact viennent contredire la version livrée par Alain Castel.

La marche ratée vers le perchoir


Une frénétique quête d'information s'empare alors de la presse (lire ci-contre). La succession de « révélations » qui suit conduit le parquet de Brest à ouvrir une enquête préliminaire, le 1er juin. Le soir même, très éprouvé, Richard Ferrand propose une nouvelle fois, mais de manière formelle cette fois-ci, sa démission au Président. L'Élysée, Matignon, ses avocats et ses proches le font finalement renoncer. Pas question de céder. Ferrand repart en campagne et est réélu député de la 6e circonscription du Finistère, avec 56,41 % des votes.

Le lendemain, nouveau coup de tonnerre. De l'Élysée cette fois : Richard Ferrand doit quitter le gouvernement. Officiellement, pas en raison de la polémique qui le poursuit, mais pour lui proposer un poste de confiance : présider les 310 députés de la République en Marche à l'Assemblée. En coulisses, le scénario du départ de Richard Ferrand était programmé depuis longtemps. Le dossier des Mutuelles de Bretagne n'a pas eu la peau du ministre. Ni celle du député. Elle a en revanche barré la route que lui avait tracée le président Macron. Celle qui devait le mener non pas à la présidence du groupe LREM à l'Assemblée, mais à son perchoir.

« C'est à la présidence de l'Assemblée qu'il estimait que Richard Ferrand serait le plus utile », assure une source proche de l'Élysée. Jusqu'au dernier moment, le Président insiste pour que Ferrand accepte.

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En pleine enquête préliminaire, ce dernier se méfie de François Bayrou, au ministère de la Justice. Ferrand-Bayrou : les deux hommes se détestent. Au point qu'ils ont failli en venir aux mains lors de la cérémonie d'investiture du nouveau président de la République, à l'Élysée, nous confirme un témoin direct de la scène. Le député finistérien décline l'offre de Macron. Le 4e personnage de l'État ne sera pas Richard Ferrand, mais François de Rugy.

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