Le groupe français Total, qui dirige un consortium international avec la compagnie chinoise CNPCI, doit signer, ce lundi 3 juillet, un accord de 4,8 milliards de dollars (environ 4,2 milliards d’euros) pour développer un important champ gazier, devenant la première compagnie occidentale du secteur à revenir en Iran. Selon cet accord, Total détiendra 50,1 % des parts du consortium qui exploitera le champ gazier, suivi du groupe China national petroleum corporation (CNPCI) avec 30 % et de l’Iranien Petropars (19,9 %).

Ce projet est d’une dimension hors du commun : le volume exploité à terme représentant 1,8 milliard de pieds cube de gaz par jour, soit 370 000 barils équivalent pétrole par jour.

Hostilité américaine

La finalisation de l’accord a pris quelques mois de retard, la signature intervenant finalement malgré la position hostile du président américain Donald Trump contre l’Iran. Depuis son élection, les États-Unis rendent difficile la normalisation des relations économiques de ce pays avec le reste du monde, notamment du fait de la réticence des grandes banques internationales à travailler avec Téhéran, par crainte de sanctions de la part de Washington. Le président américain n’a de cesse de dénoncer l’accord nucléaire conclu, en juillet 2015, entre l’Iran et la Russie, la Chine, la France, le Royaume-Uni, l’Allemagne, les États-Unis. Un traité qui avait permis la levée d’une partie des sanctions internationales contre Téhéran, en janvier 2016.

Il y a quinze jours, le Sénat américain a voté à une écrasante majorité une loi pour adopter de nouvelles sanctions contre l’Iran, notamment en raison de son « soutien à des actes terroristes internationaux » et son programme balistique. Cette loi doit encore être examinée et adoptée par la Chambre des représentants et signée par le président Trump.

Nouvelles opportunités

Malgré ces turbulences géopolitiques, le groupe Total espère que cet accord ouvrira d’autres « opportunités » dans les secteurs pétroliers, gazier et pétrochimique de l’Iran. L’enjeu stratégique est considérable, Téhéran disposant de la deuxième réserve mondiale de gaz, après la Russie, et de la quatrième réserve mondiale de pétrole, derrière le Venezuela, l’Arabie saoudite et le Canada.

De son côté, Téhéran espère que l’arrivée effective de Total sur ses champs gaziers encouragera d’autres compagnies occidentales et asiatiques à sauter le pas des investissements massifs sur ses ressources et son industrie énergétiques. Depuis 2016, Total est la troisième grande entreprise française à revenir en Iran, après les groupes automobiles PSA et Renault.

Conséquences géopolitiques

Les acteurs du « méga accord » entre le groupe Total et l’Iran indiquent, par ailleurs, qu’ils sont parfaitement informés des conséquences géopolitiques de celui-ci. Ainsi, Thomas Gomart, directeur de l’Institut français des relations internationales (Ifri) et auteur d’une étude sur « Le retour du risque géopolitique » (1), explique : « L’accord avec l’Iran remet le pays dans le jeu international. Pendant 35 ans, l’Arabie saoudite dominait la région. Et cela explique le réveil des tensions entre l’Arabie saoudite et l’Iran », aussi bien au Yémen qu’en Syrie. Une analyse que Patrick Pouyanné, PDG de Total, a parfaitement intégrée dans l’action stratégique de son groupe.

(1) « Le retour du risque géopolitique – Le triangle stratégique Russie, Chine, États-Unis », Note de l’Institut de l’entreprise, janvier 2016.