Editorial. Lundi 3 mars, les habitants de Pékin se sont de nouveau réveillés dans une ville plongée dans un smog opaque. En quelques années, le masque antipollution est devenu l'attribut du citadin chinois, effaçant la photo-souvenir des milliers d'ouvriers qui arpentaient autrefois, à vélo, les larges avenues de la capitale.
La Chine s'est développée. De façon spectaculaire. Mais ce succès – envié par les pays les plus pauvres et par les pays industrialisés en panne de croissance – butte aujourd'hui sur une réalité que les autorités ne peuvent plus ignorer : la pollution au cœur des villes donne un goût amer à cette expansion. En quelques décennies, le pays s'est hissé au rang de deuxième puissance économique mondiale, mais aussi de premier pollueur.
Près de 500 millions de personnes ont été victimes du dernier épisode de smog qui a frappé la capitale et la province industrielle du Hebei au cours des derniers jours. Les pics de pollution aux particules fines ont atteint des niveaux trente fois supérieurs au seuil recommandé par l'Organisation mondiale de la santé.
Le coût en termes de santé publique commence à être chiffré : la pollution atmosphérique a été à l'origine de 1,2 million de morts prématurés en 2010, selon une étude publiée en décembre 2012 dans la revue médicale britannique The Lancet. Et le mal des « poumons noirs », lié à l'exploitation du charbon, qui fournit à la Chine près des deux tiers de son énergie, reste la première cause de maladie du travail.
PLAINTE D'UN HABITANT DU HEBEI
L'épouvantable qualité de l'air, symptôme le plus visible de la dégradation écologique en Chine, est devenue l'une des premières sources de mécontentement de la population. Au point de susciter, fin février, la plainte officielle d'un habitant du Hebei contre le département local de protection environnementale. Cette action risque de n'être que symbolique, mais elle en dit long sur le degré d'exaspération de citoyens : ils considèrent que le gouvernement ne fait ni le nécessaire ni même l'indispensable pour protéger leur santé contre les dangers de ce développement sale.
A la tête du pays depuis un an, Xi Jinping a annoncé une série de mesures allant de la restriction de la circulation automobile dans les villes à la fermeture des usines les plus polluantes. Leur application soulève jusqu'à présent surtout du scepticisme. Lors de la session annuelle de l'Assemblée nationale populaire qui s'ouvre mercredi 5 mars, le président mettra en avant les réformes économiques importantes qu'il a engagées.
Mais ce sont de véritables mesures contre la pollution qui sont attendues. Les autorités chinoises ont l'art de mettre en avant sur la scène internationale un discours sur la primauté du développement économique pour éviter de prendre leur part dans la lutte contre le réchauffement climatique. Mais cette rhétorique est désormais battue en brèche à l'intérieur du pays. Pékin se trouve ainsi soumis à une double injonction de faire davantage : si la Chine a jusqu'à présent réussi à éluder les mises en demeure de ses partenaires étrangers, il lui sera plus difficile de rester sourde aux interpellations de sa population.
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