L’Etat islamique au bord de l’effondrement militaire et financier
L’EI a vu ses revenus divisés par 5 en quelques mois et est en passe de perdre ses capitales syrienne et irakienne.
Par Yves Bourdillon
Daech est aux abois. L’armée irakienne a repris jeudi, symbole fort, le site quasi détruit de la mosquée Al Nouri, où le chef de l’Etat islamique en Syrie et Irak (EI, Daech) avait proclamé le « califat » islamiste il y a exactement trois ans dans la ville irakienne de Mossoul. Vendredi, l’armée irakienne a annoncé que la victoire sur l’EI serait proclamée dans les prochains jours. Il ne resterait plus que 200-300 djihadistes dans un carré de quelques centaines de mètres de côté dans la vieille ville. Un général américain a confirmé le même jour que la reprise totale de Mossoul était « une question de jours ».
Parallèlement, les djihadistes sont désormais encerclés à Raqqa, la capitale syrienne de leur califat. Les forces kurdo-arabes soutenues par des commandos et l’aviation des Occidentaux ont coupé jeudi leur dernière voie de sortie. Londres estime que l’EI dispose encore de 2.500 combattants dans Raqqa.
Vidéo : Pourquoi l'Etat islamique est au bord de l'effondrement financier ?
60 % de territoire perdu
En sus de la chute imminente de ces deux places fortes, l’EI a perdu la plus grande partie de son territoire et de ses revenus, selon une évaluation divulguée jeudi par le cabinet de référence des questions militaires et de conflits, IHS Markit. A son apogée à l’été 2014, il assurait une souveraineté quasi étatique (armée, taxes, justice expéditive, versement d’allocations, administration) sur environ 8 millions de personnes et un territoire grand comme 4 régions françaises, quoique largement désertique. Depuis lors, il a perdu 60 % de ce territoire, estime IHS Markit (ex-Jane’s), dont 40 % depuis janvier.
Son effondrement financier est encore plus spectaculaire. Les revenus de l’EI sont tombés à 16 millions au deuxième trimestre 2017, exactement 5 fois moins qu’il y a deux ans. Les salaires des combattants avaient été divisés par 2, à 400 dollars par mois pour les djihadistes étrangers, début 2016 et auraient encore été baissés cette année. IHS ne donne pas d’indication sur les réserves de l’EI, censées avoir atteint 1 milliard de dollars en 2014 à la suite du pillage (non confirmé) de la succursale de la Banque centrale d’Irak à Mossoul.
Les revenus pétroliers de l’EI ont été divisés par 10 à cause de la chute mondiale des cours, de la destruction de ses puits par l’aviation russe et occidentale et des pertes de territoires. Les autres revenus de l’EI, trafic d’antiquités, racket et rançons, ont, pour leur part, été divisés par 5 en raison, là aussi, de la perte de territoires, souligne Ludovico Carlino, analyste à IHS Markit.
700 Français dans ses rangs
« Le projet de gouvernance du califat a échoué », conclut Columb Strack, spécialiste du Moyen-Orient à IHS. Mais IHS estime que l’EI va tenter d’intensifier sa campagne terroriste en Occident pour compenser ses pertes territoriales. Les pressions des gouvernements égyptien et saoudien sur les religieux pour qu’ils interprètent le Coran dans un sens « plus moderne » risquent de pousser certains conservateurs à basculer dans la violence, avertit IHS, qui affirme que le « risque terroriste va augmenter ». Paris estime que 700 Français ont rejoint l’EI. Quelque 200 d’entre eux sont revenus et un nombre équivalent a été abattu. C’est de loin le plus fort contingent parmi les 3.000 djihadistes européens.
Y. B.