CERVEAU. Après les scandales de dopage chimique voire, plus récemment, mécanique qui ont agité le Tour lors de son édition 2016, faudra-t-il craindre de nouvelles affaires de triche chez les cyclistes... grâce à des casques de stimulation cérébrale ? L'un des coureurs américains de la Grande Boucle, Andrew Talansky, a en tout cas déclaré s'entraîner en portant un casque de stimulation électrique transcrânienne commercialisé par la start-up américaine Halo Neuroscience. La promesse : amoindrir la perception de la fatigue pour accroître les performances, sur la base du "neuropriming" (ou amorçage de jeunes neurones). Le tout grâce à un casque à électrodes qui délivre des impulsions électriques de faible intensité (de l'ordre de 1 à 2 mA) en courant continu (technique appelée tDCS). Pour quelle validité scientifique ?
Une publication partagée par Andrew Talansky (@andrewtalansky) le 17 Févr. 2017 à 14h03 PST
Une approche efficace...
Les créateurs de Halo Neuroscience n'en sont pas à un coup d'essai : ils sont également à l'origine du système NeuroPace, qui a été autorisé sur le marché américain courant 2014 pour lutter contre l'épilepsie, selon le même principe de stimulation électrique. Et ce n'est pas le seul espoir porté par l'électrostimulation : accélération de l'apprentissage, de la récupération post-AVC, ou encore traitement de la dépression... Le choix d'Andrew Talansky ne doit ainsi rien au hasard, puisque le produit est déjà expérimenté par l'US Air Force, les Navy seals (marine américaine) ou encore l'association américaine de ski et de snowboard (USSA). Halo affirme ainsi avoir testé le dispositif avec succès sur des skieurs américains, dans une étude non publiée. Et ce n'est pas la seule base théorique encourageante qui montrerait une amélioration des performances sportives, en témoignent plusieurs publications dans le European Journal of Neuroscience ou encore le British Journal of Sports Medicine.
... Mais des effets à long terme méconnus
Jusqu'ici, tout va bien. Mais certains scientifiques s'alarment néanmoins de l'absence de maturité d'une technologie qui n'en encore qu'à ses balbutiements côté R&D. Vincent Walsh, chercheur en neurosciences au University College de Londres, remarque par exemple que les protocoles expérimentaux peuvent être très différents d'une étude à l'autre. De quoi limiter considérablement la transposition des résultats, d'autant plus qu'il existe de grands écarts de sensibilité d'une personne à une autre, "et même d'un jour à l'autre sur une même personne", évoque Dylan Edwards, chercheur en neurosciences au Burke Medical Research Institute dans Nature. L'excitation des neurones du cortex moteur peut aussi, à des intensité de 1 à 2 mA (de l'ordre de celles pratiquées par Halo), provoquer des variations plus complexes sur l'activité du cerveau ainsi que des effets de seuil.
DANGERS. Autrement dit ? Difficile de prévoir ses effets à long terme. Le site Internet de la firme met pourtant en avant une méta-analyse interne concluant à l'innocuité de sa technologie. Mais elle se base sur des expériences réalisées entre 2013 à 2015, aucune n'ayant impliqué une exposition répétée plusieurs années de suite à l'électro-stimulation. Et du point de vue éthique, quid de l'esprit sportif ? Ce sont les organisations sportives, qu'il s'agisse du Comité olympique ou des organisateurs du Tour, qui devront aviser. Et composer avec un grand classique du dopage : sa détection. "Si ce type de dispositif fonctionne, alors il n'y a aucun moyen de détecter son usage a posteriori", alerte Dylan Edwards.
Vidéo promotionnelle du casque Halo avec le coureur d'Ironman Tim O'Donnell