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Récit

Le Parlement européen vote une transparence fiscale facultative

Le Parlement européen a adopté ce mardi en première lecture le projet de directive obligeant les entreprises dont le chiffre d’affaires dépasse 750 millions d’euros à publier leurs données. Ainsi que la très contestée clause échappatoire.
par Mathieu Ait Lachkar
publié le 4 juillet 2017 à 19h07

C'était une avancée sans précédent qui était validée le 12 juin en commissions conjointes des Affaires économiques et des Affaires juridiques du Parlement européen: obliger les multinationales à plus de transparence. Ce mardi 4 juillet, la directive a été soutenue à Strasbourg. Le texte, proposé au printemps 2016 par la Commission européenne dans la foulée des scandales LuxLeaks et Panama Papers, vise à obliger les grandes entreprises à publier certaines informations financières jugées essentielles (chiffre d'affaires, impôts dus et payés, bénéfice, nombre de salariés…) afin de lutter contre l'évasion et l'optimisation fiscale. Toute multinationale (européenne ou non) avec une filiale en Europe générant plus de 750 millions d'euros de bénéfices sera censée s'y tenir. La gauche plaidait pour un seuil minimum de 40 millions d'euros annuels. En vain. Autant dire que les gros poissons de l'évasion fiscale ont encore de beaux jours devant eux.

Débat autour de la clause échappatoire

A la grande déception des sociaux-démocrates (S&D), des écologistes et de la gauche radicale, la très contestée clause échappatoire a bien été maintenue par les eurodéputés. Cette dernière permet à un Etat d'exempter temporairement une grande entreprise étrangère de l'obligation de publier ses données si elle démontre que c'est contre ses intérêts commerciaux. «Malheureusement, le Parlement européen n'a voté aucun délai sur la clause échappatoire de l'entreprise», a déclaré Katja Lehto-Komulainen, secrétaire générale adjointe de la Confédération européenne des syndicats (qui avait appelé à voter en faveur d'un amendement de la clause échappatoire), créant un risque évident que cette clause d'exemption soit utilisée abusivement par les multinationales. Histoire d'éviter de rendre publiques certaines opérations dans certains pays. «Cela désavantage les entreprises qui n'ont rien à cacher», ajoute-t-elle.

La gauche proposait de limiter cette exemption à deux ans, renouvelables une fois, et non une dérogation renouvelable chaque année et sans limite. Selon Antonio Gambini, chargé de recherche sur la justice fiscale au Centre national de coopération au développement (CNCD) «la clause échappatoire rend l'exercice de la transparence fiscale vain. Les entreprises qui souhaitent continuer à échapper à leurs obligations fiscales pourront obtenir une dérogation pour se livrer à leurs manœuvres comptables et fiscales à l'abri du regard des citoyens. Ensuite elles auront le choix de prolonger éternellement cette protection, en sachant que les données publiées rétroactivement pourront être maquillées légalement en faisant la moyenne sur plusieurs années.»

Pression fiscale est moins forte

Seule victoire (à confirmer): la proposition d'élargir le champ d'application du texte. La Commission européenne voulait limiter l'obligation de transparence aux seuls 28 Etats membres. Mais une fois adopté, le texte pourrait s'appliquer pays par pays. En clair: une entreprise ne pourra (en théorie) plus jongler avec les fameux prix de transferts au-delà des frontières des 28 pays membres de l'UE. Par cet artifice financier, une filiale de transnationale installée, par exemple en France, surfacture des prestations, services et autres ventes de produits à une autre filiale installée dans un pays (hors UE) dont la pression fiscale est moins forte. De quoi réduire chiffre d'affaires et bénéfice de la filiale française. Et donc le montant de son impôt. Quelque 600 grandes entreprises seraient alors visées par la généralisation de ce reporting. D'ici là, ce projet de directive doit encore être discuté entre la Commission, le Parlement et le Conseil européen.

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