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FRANCE

Simone Veil - Louise Pikovsky : votre héritage est entre nos mains

Simone Veil a été déportée à Auschwitz comme Louise Pikovsky dont des lettres écrites pendant la guerre ont été retrouvées récemment. Les deux jeunes filles avaient le même âge. L'une a survécu, l'autre non. L'une a porté la mémoire de l'autre.

Simone Veil et Louise Pikovsky avaient le même âge. Elles sont nées toutes les deux en 1927.
Simone Veil et Louise Pikovsky avaient le même âge. Elles sont nées toutes les deux en 1927. Mémorial de la Shoah
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Sur des photos en noir et blanc, elles affichent la même bouille ronde d’adolescente. De longs cheveux coiffés en nattes. Un regard bleu vif perçant. Une détermination farouche imprimée dans les yeux. Simone Jacob, qui ne s’appelle pas encore Veil, et Louise Pikovsky ont un petit air de ressemblance. Elles ont surtout le même âge et des rêves plein la tête. La première est née le 13 juillet 1927 à Nice, la seconde, le 27 décembre, à Paris.

Ces clichés ont été pris quelques mois avant que leur vie ne bascule. Là encore, le destin de ces deux lycéennes juives est lié. Louise est arrêtée le 22 janvier 1944 dans l’appartement familial de Boulogne-Billancourt. Internée à Drancy avec ses parents, ses deux sœurs et son frère, elle est déportée à Auschwitz-Birkenau par le convoi n°67 du 3 février. L’arrestation de Simone a lieu le 30 mars 1944, après un contrôle dans le centre-ville de Nice. Dans les heures qui suivent, sa mère, sa sœur ainée et son frère tombent également entrent les mains des Allemands. Ils sont conduits eux aussi à Drancy. La jeune niçoise est finalement déportée le 13 avril pour la Pologne par le convoi n°71. À Auschwitz, Simone ne croise pas le chemin de Louise. La Parisienne a été gazée dès son arrivée, ainsi que tous les autres membres de la famille Pikovsky.

Par chance, par miracle, par force, la jeune Jacob réussit à survivre à cet enfer, mais perd son frère et ses parents. À son retour des camps en 1945, elle reprend ses études. Devenue Madame Veil, elle intègre Sciences-Po et suit des études de droit. Elle entame alors une brillante carrière dans la magistrature. En 1974, elle s’engage en politique et devient ministre de la Santé du gouvernement Chirac. L’ancienne déportée se fait un nom en faisant adopter le projet de loi sur l’interruption volontaire de grossesse. Cinq ans plus tard, elle accède à la présidence du Parlement européen. Présidente du Haut conseil à l’intégration, puis membre du Conseil constitutionnel et de l’Académie française, elle marque toute une époque par ses combats. Décédée à l’âge de 89 ans le 30 juin 2017, Simone Veil a eu une vie remarquable et fait désormais partie de l’histoire de France.

Combien de Louise ont manqué à la France ?

En revenant sur son parcours, il est difficile de ne pas penser que Louise, dont l’existence s’est arrêtée brutalement à 16 ans, aurait pu avoir un aussi grand destin. Dans ses lettres qui ont été récemment retrouvées et auxquelles France 24 a consacré un documentaire, la jeune Parisienne fait preuve d’une maturité incroyable pour son âge. Première de sa classe dans pratiquement toutes les matières, elle affiche une soif de connaissance et de grandes ambitions : "Je voudrais pouvoir lire, lire, en m’arrêtant que pour penser à mes lectures". À un âge où souvent, l’on cherche surtout à s’amuser, elle place au-dessus de tout, "la joie de s’instruire, de voir, de lire, de comprendre". Sa professeure de latin-grec, Anne-Marie Malingrey, avec laquelle elle correspondait, était elle-même impressionnée par ses capacités intellectuelles : "Louise était une très bonne élève, en particulier en mathématiques, où elle venait au secours de ses compagnes moins douées".

Louise serait-elle devenue une grande scientifique ? Aurait-elle préférée une carrière d’écrivain ? Est-ce ce qu’elle se serait elle aussi engagée en politique pour défendre les droits des femmes ? "J’ai demandé à Papa pourquoi les femmes ne comptaient pas chez nous", s’interrogeait-elle déjà à l’époque dans l’une de ses lettres. Est-ce que son nom serait aujourd’hui en bonne place dans les livres d’histoire ? Nous ne le saurons jamais. Nous ne saurons jamais quelle femme aurait été Louise Pikovsky. Elle a été privée de toute une vie. La France a été privée de ses talents. Son destin a été de mourir à 16 ans à Auschwitz-Birkenau, comme un million d’autres juifs.

Celui de Simone Veil a été de porter leur mémoire. En 2005, lors de son retour en Pologne, accompagnée par ses petits-enfants, l’ancienne déportée avait confié à Paris-Match la douleur que lui faisait ressentir ce gâchis de vies humaines : "Quand je pense à Auschwitz, le pire c'est de penser à tous les enfants, certains très jeunes, qui ont été parfois tout seuls jusqu'à la chambre à gaz. C'est insupportable. (…) Et je pense à ce que seraient devenus tous ces enfants si beaux, si vifs, s'ils n'avaient pas été massacrés".

La rescapée s’est toujours sentie entourée par ces fantômes : "Je sais que nous n’en aurons jamais fini avec eux, a-t-elle écrit dans son autobiographie 'Une vie'. Ils nous accompagnent où que nous allions, formant une immense chaîne qui les relie à nous autres, les rescapés". Pour ces disparus, Simone Veil n’a jamais cessé de témoigner, même si au départ on ne "voulait pas l’entendre". "En parlant de ce monde à part que fut celui des camps et de la tourmente dans laquelle les juifs furent emportés, nous vous disons cette abomination, mais nous témoignons aussi sur les raisons de ne pas désespérer", avait-elle expliqué dans une lettre adressée en 2005 à l’Académie française, appelant à l’éveil des consciences des jeunes du XXIe siècle.

Consciente de sa mort prochaine et de la disparition inévitable de tous les témoins de cette "barbarie poussée à son paroxysme", Simone Veil nous a surtout transmis le flambeau : "Il vous appartiendra de faire vivre ou non notre souvenir, de rapporter nos paroles, le nom de nos camarades disparus(...) Notre héritage est là, entre vos mains, dans votre réflexion et dans votre cœur, dans votre intelligence et votre sensibilité .Il vous appartient que la vigilance ne soit pas un vain mot, un appel qui résonne dans le vide de consciences endormies". À notre échelle, nous avons répondu à cet appel en sortant de l'ombre les lettres de la jeune Pikovsky. Simone, Louise, vous ne serez pas oubliées. Vos paroles sont plus que jamais vivantes.  

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