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Emmanuel Macron vs Edouard Philippe: le lyrique et le technicien

Le Premier ministre, Edouard Philippe et le président de la République, Emmanuel Macron. AFP

Le président Emmanuel Macron et son Premier ministre, Edouard Philippe s'opposent sur leurs éléments de langage ainsi que sur leur façon de s'exprimer à l'oral. Analyse de leurs discours.

L'un théorise et affectionne les envolées, l'autre est dans le concret et les chiffres. Le président aime le ton grave et solennel quand son Premier ministre débite ses mots à toute vitesse, sans effets de manche: les différences de style d'Emmanuel Macron et d'Edouard Philippe s'affirment.

«Ces deux styles illustrent bien la répartition des rôles dans la Ve République: la théorie et la pratique. L'un fait de grandes envolées, pleines de bonnes intentions. L'autre fait un discours de technicien, nous lit un catalogue, sans être un grand orateur. C'est la hauteur et le terrain. L'un fait la couverture et l'autre présente laborieusement les chapitres», estime l'historien Christian Delporte.

Sur la forme, Emmanuel Macron, d'une voix grave et solennelle -longues pauses, baisses de ton pour les passages qu'il veut mettre en valeur-, en a appelé à des arguments moraux, voire psychologiques, fustigeant notamment le cynisme au profit de l'optimisme. Il promeut de grands principes, avec ses mots favoris: «transformation profonde», «ambition», «changer le réel», «optimisme», «rendre le pouvoir à ceux qui veulent faire et font» sur fond de critique des médias appelés à «en finir avec cette recherche incessante du scandale».

«Emmanuel Macron utilise une forme de langue de bois»

Il a même cité, une première pour un président de la République, l'écrivain sulfureux Georges Bataille quand il a appelé, après une allusion à la pauvreté, à «trouver, à ce qu'(il) appelait notre part maudite, une place, une considération, une vraie réponse enfin».

«Mais Emmanuel Macron utilise une forme de langue de bois: on ne peut pas être contre ce qu'il dit. Il ne fâche personne. C'est un sermon assez classique», estime Christian Delporte. Le discours lundi du président, d'une heure et demie, a d'ailleurs suscité assez peu de réactions chez les parlementaires convoqués à Versailles.

Il a pourtant abordé un sujet plus concret: sa volonté de profondes réformes institutionnelles, notamment la diminution d'un tiers du nombre des parlementaires. Et pendant que son Premier ministre s'exprimait le lendemain, lui se faisait hélitreuiller d'un hélicoptère dans le sous-marin «Le Terrible», photo publiée sur son compte Twitter à l'appui.

Edouard Philippe a lui privilégié des termes simples et directs, parlant même au début de son intervention un peu trop rapidement. Il a ainsi entamé son discours volontairement «terre à terre» en racontant le parcours d'une jeune élue En Marche issue d'une famille modeste, une façon de souligner une rupture avec la politique à l'ancienne.

Un clin d'oeil à la chanson de Bob Dylan

Il a ensuite cité des références politiques, dont son mentor Alain Juppé et deux Premiers ministres de droite et de gauche, Jacques Chaban-Delmas et Michel Rocard. Le Premier ministre, qui dès la passation de pouvoirs avait annoncé la couleur en se définissant comme «homme de droite», position très utile pour capter l'électorat LR aux législatives, a ainsi semblé mardi vouloir se rapprocher du centre de gravité plus centriste des élus En Marche.

Edouard Philippe avait minutieusement relu les déclarations de politique générale: Michel Rocard, l'ancien Premier ministre socialiste et champion de la «deuxième gauche», dont il était un partisan lors de ses études à Sciences Po, et Jacques Chaban-Delmas, tenant du gaullisme social. Ce qui n'a pas empêché le chef du gouvernement de garder ses solides racines juppéistes, avec des formules dures sur le budget, comme la volonté de «sortir de l'addiction française à la dépense publique».

Le soulagement a prévalu à Matignon de voir que le président était finalement resté dans sa chasse gardée (institutions, international...) sans trop s'aventurer sur les terres du Premier ministre. Ce qui a permis d'évacuer la polémique sur le président «castrateur», qui avait fini par agacer Edouard Philippe.

Cet amateur de rock s'est même permis, sur le thème de la dette de la France, un clin d'oeil à la chanson de Bob Dylan, Blowing In The Wind: «Combien de fois un homme peut-il tourner la tête en prétendant qu'il ne voit pas?+, aurait pu demander le prix Nobel de littérature 2017...», a-t-il souri.

Emmanuel Macron vs Edouard Philippe: le lyrique et le technicien

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3 commentaires
  • plume 02

    le

    contes de fees vs comptes de fees .

  • otello002

    le

    Franchement est ce que ça fait quelque chose aux Français ...a priori non...ils n'ont pas apprécié ou pas ecoute...

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