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Dépense publique et fiscalité : « La révolution Macron attendra »

CHRISTOPHE ARCHAMBAULT/AFP

FIGAROVOX/TRIBUNE - Pour Nicolas Bouzou, malgré les promesses de renouveau de la campagne, le nouveau gouvernement « nous a replongés dans le cauchemar de « la politique d'avant », celle de l'imprécision et du manque de courage ».


Nicolas Bouzou est un essayiste français spécialisé dans l'économie. Il a fondé et dirige depuis 2006 la société d'analyse économique et de conseil Asterès. Il a également créé le Cercle de Belém, qui regroupe des économistes européens libéraux et progressistes. Il est l'auteur d'une dizaine d'ouvrages, notamment Le Grand refoulement (éd. Plon, 2015) et dernièrement L'innovation sauvera le monde (éd. Plon, 2016).


Cette semaine a été celle de la douche froide pour ceux qui, comme l'auteur de ces lignes, pensaient qu'il existait une fenêtre de tir pour effectuer des réformes sans cesse différées depuis des décennies. Une classe politique renouvelée, un président jeune et tourné vers l'avenir, un discours libéral qui, en dépit de toutes les péripéties de la campagne et de la force des extrêmes de gauche et de droite, a fini par l'emporter, un exécutif populaire: de façon quasi incompréhensible, le Premier Ministre, un homme pourtant hautement estimable, a renoncé à créer un choc de confiance et nous a replongés dans le cauchemar de «la politique d'avant», celle de l'imprécision et du manque de courage.

Imprécision car, sur les sujets structurants de la dépense publique et de la fiscalité, il est difficile d'y voir clair. Nous ne savons pas encore comment et où la dépense publique sera réduite, alors même que le gouvernement aurait pu se lancer dans un formidable processus d'innovation publique en décidant, par exemple, d'utiliser pleinement des «obligations à impact social» et de transférer au secteur privé ou associatif des programmes sociaux. Nous ne savons pas si la défiscalisation des heures supplémentaires sera effective ou si la taxe d'habitation sera réduite ou réformée ni quand.

C'était lors de la première loi de finance qu'il fallait réformer l'ISF et instaurer une flat tax sur la fiscalité du capital, ces mesures étant applicables dès 2018.

Manque de courage car c'était lors de la première loi de finance qu'il fallait réformer l'ISF et instaurer une flat tax sur la fiscalité du capital, ces mesures étant applicables dès 2018. Oui ces dispositions sont impopulaires et exigent une grande pédagogie pour les faire accepter. Oui, pour ramener notre déficit public sous les 3% du PIB, il eut fallu avoir la main plus tremblante sur les augmentations de dépenses sociales qui ont été annoncées.

Mais ces modifications fiscales sont absolument indispensables si la France veut devenir une startup nation, comme le souhaite à juste titre le Président de la République. Et là où le Premier Ministre nous dit: «ces mesures seront effectives mais plus tard», les investisseurs, notamment étrangers, entendent «la France est décidément la France et ces mesures ne seront jamais adoptées». Manque de courage aussi sur la nécessaire réforme du Bac, cet examen du 20ème siècle aussi coûteux qu'inadapté. Repousser sa mise en œuvre à 2021 laisse aux syndicats de lycéens et d'enseignants, affectés du même conservatisme, le temps de s'organiser pour que ces changements ne se fassent pas.

Cette stratégie des petits pas est doublement dangereuse. Elle l'est d'abord sur le plan économique. Attendons la loi de finance 2018 mais, depuis le début de cette semaine, les agents économiques entendent parler d'allégements fiscaux repoussés, mais d'alourdissement de la fiscalité écologique avancé. En refusant de concentrer l'exécution de la totalité de son programme fiscal en début de mandat, le Président de la République laisse s'installer l'idée selon laquelle les prélèvements obligatoires nets vont, une fois de plus, s'accroître, ce qui risque d'affecter les dépenses des ménages et des entreprises, et donc, la croissance. Cette stratégie est aussi dangereuse sur le plan politique. Renoncer à procéder à l'ajustement macroéconomique de la France en conduisant une politique économique audacieuse en termes de dépense publique, de fiscalité, de compétitivité et de marché du travail, c'est diminuer d'autant ses chances d'obtenir des résultats positifs en fin de mandat. Or, dans l'état actuel du spectre politique (qui peut évoluer), la principale force d'opposition est représentée par l'extrémisme, de gauche et de droite. L'alternative à Macron n'est malheureusement pas Juppé, c'est Mélenchon.

La « révolution Macron » peut encore avoir lieu. Il convient maintenant aux parlementaires de montrer qu'ils sont capables d'infléchir la politique du gouvernement pour la rendre plus radicale.

Cette semaine a été celle du premier ratage du quinquennat. Mais elle n'engage pas la suite des événements. La «révolution Macron» peut encore avoir lieu. Il convient maintenant aux parlementaires, élus sur une promesse de changement, de montrer qu'ils sont capables d'infléchir la politique du gouvernement pour la rendre plus radicale. Les députés veulent prouver qu'ils ne sont pas des godillots: le Premier Ministre vient de leur donnée une occasion inespérée de le faire! Il convient également au Gouvernement, et en particulier à l'excellente Muriel Penicaud, d'aller aussi loin que possible dans la réforme du marché de l'emploi, en donnant notamment aux entreprises la capacité d'organiser, avec une grande latitude, les conditions de travail. L'enjeu du quinquennat est de montrer qu'une politique sociale libérale, c'est la conjonction de mesures absolument sociales et absolument libérales, et non le mélange indigeste de mesures à demi-sociales et à demi-libérales.

Dépense publique et fiscalité : « La révolution Macron attendra »

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138 commentaires
  • Elad

    le

    "réformer l'ISF et la fiscalité du capital"... soyons sérieux, si la France est dans cette situation aujourd'hui c'est la faute du capital, pas des fonctionnaires, pas des salariés, pas des retraités mais du capital.... qui s'est mis au service de lui-même et non plus au service du travail. Le système capitaliste intelligent où l'argent sert à alimenter la machine économique ne peut plus fonctionner quand il est accumulé par une petite minorité...

  • Tizef di Nizza

    le

    Du vent, de la com, des postures. Bonne affaire pour Paris Match, mais pas pour la France. La macromania n'aura pas duré longtemps.

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