Futur : des drones pour sauver des vies

LE PARISIEN MAGAZINE. Précis et peu coûteux, ces avions sans pilote pourraient ravitailler des zones de conflit ou touchées par une catastrophe naturelle.

    Reconnu pour son efficacité militaire, le drone va désormais sauver des vies ! Plusieurs projets sont actuellement à l'étude pour mettre ces petits engins volants au service d'interventions humanitaires. Ingénieur de formation, le Britannique Nigel Gifford a lancé sa start-up, Windhorse Aerospace, début 2016, pour commercialiser Pouncer, un drone destiné à apporter des denrées alimentaires en zone de crise. Le fondateur en a eu l'idée au lendemain du terrible séisme qui a touché le Népal en 2015. Avec une envergure de 3 à 4 mètres selon le modèle, il est rempli de vivres. « Nous travaillons actuellement à des combinaisons d'eau, de riz, de lentilles, de fruits secs et de farine », précise Rob Forrester, le porteparole de l'entreprise. Sa structure, en bois, pourrait être utilisée comme combustible par les personnes aidées. Equipé d'un petit moteur, l'engin serait largué par un avion et pourrait ensuite voler et s'orienter grâce à son GPS intégré, surveillé à distance par des équipes situées jusqu'à 30 kilomètres plus loin. Une fois arrivé au-dessus de sa destination, il atterrirait comme un parachute, grâce à un petit ballon déployé pour amortir la chute. La première version du drone, qui pèse 50 kilos, promet d'envoyer suffisamment de nourriture pour apporter au moins trois repas à 50 personnes. La seconde, deux fois plus lourde, pourra nourrir jusqu'à 80 personnes. Avec sa structure légère, l'engin ne coûtera pas plus de 600 euros, assure Rob Forrester, qui annonce un prototype pour l'été 2017 et les premiers engins disponibles début 2018.

    Les ONG sont très enthousiastes

    De nombreuses organisations non gouvernementales ont déjà témoigné leur intérêt pour cette innovation. « Nous discutons avec plusieurs d'entre elles, mais nous n'aurons pas d'engagements fermes tant que nous n'aurons pas prouvé son efficacité », poursuit-il. Le Pouncer pourrait leur donner un sérieux coup de pouce sur le terrain. « C'est une véritable opportunité pour améliorer nos opérations et répondre à des besoins mal couverts par les technologies habituelles », confirme Sylvie Touzet, responsable du département Recherche et développement chez Médecins sans frontières (MSF). L'intérêt est évident : apporter en toute sécurité du matériel et de la nourriture dans des zones difficilement accessibles, à cause d'une catastrophe naturelle ou d'un conflit par exemple. « La capacité à livrer ou récupérer du matériel en moins d'une heure peut, dans certaines circonstances, faire la différence et sauver des vies, insiste l'experte. Ce drone représente une alternative intéressante aux parachutages de colis de nourriture effectués lors de certaines crises humanitaires » estime-t-elle. Des quantités non négligeables de nourriture sont souvent perdues au cours de ces opérations complexes, potentiellement dangereuses.

    Des engins ultra-légers et efficaces

    D'une envergure de 3 à 4 mètres, Pouncer pourra nourrir jusqu'à 80 personnes (Troy Rice/Windhorse)

    Preuve de l'intérêt grandissant porté au drone humanitaire, l'entreprise aérospatiale Airbus a parrainé, en juillet 2016, un concours de design sur cette thématique, « Airbus Cargo Drone Challenge ». Plus de 400 designers se sont livrés à une compétition féroce pour proposer un drone léger et peu cher, capable d'être déployé sur des terrains difficiles dans le but de transporter du matériel médical. Le cahier des charges était précis : décollage vertical, autonomie d'au moins 100 kilomètres et poids n'excédant pas 25 kilos pour transporter une charge de 5 kilos. Le designer russe Alexey Medvedev en est sorti vainqueur, avec Zelator-28. Cet impressionnant drone équipé de cinq rotors pourrait voler avec agilité à plus de 125 km/heure, selon les calculs de son concepteur. Son rival américain Finn Yonkers a quant à lui raflé le Prix de la communauté Cargo avec son Skypac, un concept de drone polyvalent, qui serait capable de larguer son chargement aussi bien sur terre que sur mer. « Ces drones permettraient d'aller plus vite pour acheminer des produits sensibles comme des réserves de sang et des vaccins dans des zones éloignées », insiste Finn Yonkers. Il faudra toutefois attendre encore quelques années pour que ces innovations prometteuses servent sur le terrain. « Des progrès restent à faire pour garantir la faisabilité technique et la viabilité économique de cette solution » considère avec prudence Sylvie Touzet, l'experte de MSF. Mais la chute progressive des tarifs des drones et leurs progrès incessants en termes de conduite, d'autonomie et de fiabilité rendent quasi inévitable leur utilisation, à terme, pour les plus nobles des missions.