Décideur : Augustin de Romanet, Président-directeur général du Groupe ADP

Fluidité du parcours pour les voyageurs d'affaires, innovations et compétition avec les autres grands hubs : Augustin de Romanet, PDG du groupe ADP, présente les grands projets visant à faire des aéroports parisiens des références mondiales.
Augustin de Romanet, ADP
Augustin de Romanet, président-directeur général du groupe ADP. © Gerard Uferas

Singapour, Hong-Kong, Dubaï, Doha : votre plan Connect 2020 a-t-il pour ambition de faire de Paris-Charles de Gaulle l’égal de ces références mondiales ?

Augustin de Romanet – Le point clef est qu’année après année, nous progressons en matière d’accueil et de qualité de services. Au cours des deux dernières années, Paris-Charles de Gaulle est passé de la 95e à la 33e place mondiale dans le classement Skytrax, issu du vote des voyageurs du monde entier. Désormais, il figure dans le top 10 des meilleurs aéroports de plus de 50 millions de passagers et le hall M du terminal 2E a été élu meilleure salle d’embarquement pour l’offre de shopping et de services. Nous devons poursuivre sur cette voie et notre marque dédiée aux voyageurs, Paris Aéroport, porte en elle une série d’engagements forts à l’égard de nos passagers.

Imaginons que nous soyons à la veille de la cérémonie d’ouverture de JO de Paris 2024. Comment voyez-vous l’aéroport à cet horizon, relié à la capitale par le CDG Express ?

A. de R. – Nous nous impliquons quotidiennement sur ce dossier pour qu’à la fin 2023, Roissy puisse être à seulement 20 minutes de la Gare de l’Est grâce à une liaison ferroviaire dédiée. Indépendamment de la candidature de Paris pour les Jeux Olympiques et pour l’exposition universelle de 2025, le CDG Express est indispensable pour l’attractivité de l’aéroport et l’image de Paris. Sur 2016-2020, nous investirons 4,6 milliards d’euros, dont 3 milliards pour optimiser et moderniser nos infrastructures. Grâce notamment à la fusion des satellites internationaux du terminal 1 et à la jonction des terminaux 2B et 2D, l’aéroport pourra accueillir jusqu’à 80 millions de passagers par an.

Nous agissons pour un parcours passager aussi simple et fluide que possible

L’attrait du hub de Paris passe aussi par la diversité des liaisons proposées ? Quels sont vos objectifs sur ce point ?

A. de R. – L’observatoire de la connectivité aérienne place la France dans le trio de tête pour l’attractivité du trafic long-courrier et, dans un environnement toujours plus concurrentiel entre grands hubs, notre objectif est d’attirer davantage de trafic à Paris, premier hub européen pour le trafic intercontinental. Une équipe dédiée au Route Development s’y attèle qui mène une véritable politique de place pour promouvoir la destination Paris, en particulier sur le long-courrier et la correspondance. Je note au passage que l’État a récemment octroyé des droits de trafic supplémentaires à la Chine.
En matière de redevances aéroportuaires, nous avons une structure tarifaire plus attractive et pris des mesures pour inciter les compagnies à développer leur réseau : 38 nouvelles lignes régulières ont ainsi été ouvertes l’année dernière.

L’innovation est au cœur de votre stratégie. Quelles sont les évolutions à attendre pour offrir un parcours plus fluide aux passagers ?

A. de R. – Nos plateformes sont de formidables terrains d’expérimentation et nous lançons cette année « Play your airport », un challenge ouvert à tous pour inventer l’aéroport du futur. Innovation hub, notre démarche en la matière, fédère des incubateurs de startups et nous permet de tester une quinzaine d’expérimentations par an, dont les plus concluantes seront déployées. C’est le cas par exemple des dépose-bagages automatiques permettant au passager d’enregistrer en soute son bagage en moins d’une minute. Actuellement, nous testons la reconnaissance faciale sur les sas Parafe pour les contrôles aux frontières. De manière générale, la révolution du big data permet l’avènement du « smart airport » [nldr : aéroport intelligent] avec lequel le passager interagira demain encore plus facilement qu’aujourd’hui et bénéficiera d’un parcours plus personnalisé.

Quels messages voulez-vous adresser au voyageur d’affaires pour l’inviter à partir ou transiter par Paris ?

A. de R. – La première préoccupation du voyageur d’affaires est la bonne maîtrise de son temps. De l’entrée du terminal jusqu’à l’avion, nous agissons pour un parcours aussi simple et fluide que possible. En venant chez Paris Aéroport, le voyageur d’affaire peut réserver à l’avance sa place de parking, être informé en temps réel et guidé à chaque étape via l’application mobile ParisAéroport, s’auto-enregistrer et s’auto-embarquer via des systèmes de selfchecking et de selfboarding conjointement développés avec les compagnies aériennes. Afin de réduire les temps d’attente liés aux contrôles des passeports, qui peuvent parfois être très longs, nous finançons l’installation de nouveaux sas « Parafe », permettant de passer la frontière plus rapidement. Le voyageur d’affaires ayant besoin de travailler peut se rendre dans l’un de nos Espace Business. À l’occasion d’une correspondance longue, il peut profiter d’Instant Paris, un lounge au cœur de la zone internationale du terminal 2E de Paris-Charles de Gaulle, pour se restaurer, prendre une douche, ou se reposer dans une chambre d’hôtel. Enfin, un programme de fidélité 100 % digital récompense chaque passage et donne droit à des réductions permanentes dans un réseau de boutiques partenaires.

De nombreux projets sont en cours à Orly. Quelles sont vos ambitions pour cet aéroport et en quoi est-il complémentaire de Roissy ?

A. de R. – Le développement de Paris-Orly s’appuie d’abord sur ses atouts intrinsèques : sa proximité avec la capitale en fait l’aéroport préféré des franciliens et sa compacité facilite les rotations pour les compagnies aériennes, et en particulier pour les low-costs qui ont représenté 35,7% du trafic sur l’aéroport en 2016. Depuis 2012, une importante transformation en plusieurs étapes vise à aligner Paris-Orly sur les meilleurs standards européens en termes de qualité de service et de confort pour les passagers. Après la mise en service d’une nouvelle salle d’embarquement pour les avions gros-porteurs et les vols internationaux, nous avons lancé les travaux d’un bâtiment de 80 000 m² qui reliera les terminaux sud et ouest. Cette jonction réunira toutes les fonctions liées au départ et à l’arrivée des passagers et permettra de porter la capacité de l’aéroport, qui n’aura plus qu’un terminal unique, à 32,5 millions de passagers par an tout en respectant la limitation de trafic [250 000 : le nombre de mouvements d’avion par an]. Paris-Orly et Paris Charles de Gaulle sont très complémentaires. Le premier dessert un trafic « origine-destination », principalement en court et moyen-courrier, opéré notamment par les compagnies low-cost, tandis que le second accueille la plupart des vols long-courrier au départ de Paris et abrite le hub d’Air France-KLM pour le trafic en correspondance.

Le Bourget est le premier aéroport d’affaires en Europe. Que comptez-vous entreprendre pour accroître encore son attractivité ?

A. de R. – Je crois fortement au potentiel de l’aviation d’affaires et Paris-le Bourget doit conserver son leadership européen pour l’accueil des jets privés. Depuis 2013, l’aéroport se modernise : nous avons réhabilité les hangars libérés par Air France Industrie et crée 20 000 m² d’aires de stationnement avions. La clientèle d’affaires est accueillie dans les meilleures conditions et nous préparons la venue de nouvelles entreprises aéronautique dans le cadre du Grand Paris. Le Bourget est un pôle d’excellence qui compte 80 entreprises dont les centres européens de maintenance des constructeurs Cessna, Dassault Falcon Service et Embraer.

Immeubles de bureaux, hôtels… les zones aéroportuaires de Roissy et d’Orly ont-elles vocation à devenir des pôles économiques à part entière ? Les projets du Grand Paris vont-ils dans ce sens ?

A. de R. – L’immobilier est le troisième métier du Groupe ADP. Nous sommes propriétaires de nos terrains, dont une part significative est dédiée à l’immobilier : 1 300 hectares sur près de 6 700 hectares. Les deux tiers de ce domaine foncier sont construits et nous avons la possibilité de développer le tiers restant. De ce fait, en plus des projets dédiés aux activités aéronautiques, notamment dans le cargo (hangars et entrepôt, bâtiment de fret), nous avons constitué la colonne vertébrale de la ville aéroportuaire avec le quartier Roissypole mêlant bureaux et hôtels, et anticipé l’urbanisation croissante du territoire d’Orly avec le programme Cœur d’Orly. L’offre immobilière de nos plateformes va clairement profiter des développements du Grand Paris puisqu’à terme, nos aéroports seront desservies par trois lignes de métro : les lignes 14 et 18 à Paris-Orly et 17 à Paris-Charles de Gaulle et Paris-le Bourget. Cinq stations de métro viendront ainsi innerver les territoires aéroportuaires : c’est une formidable opportunité de développement !