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"En Iran, les hommes ont plus de peine qu'ailleurs à correspondre à l'idéal"

Abbas Kowsari, photographe iranien.
Abbas Kowsari, photographe iranien. © Abbas Kowsari
Catherine Schwaab , Mis à jour le

Dans un an et demi, la « révolution des mollahs » aura 40 ans ! Malgré la réélection de Rohani, le régime reste une dictature. Mais les jeunes et les moins jeunes, hyperconnectés, ont plus d’audace. Arte en offre un émouvant portrait le 9 juillet. Paris Match a questionné le photographe Abbas Kowsari. Sa clairvoyance, sa ténacité et son courage nous bluffent. 

Paris Match. Est-ce difficile d'être un homme en Iran?
Abbas Kowsari. Oui, c'est compliqué. On s'est beaucoup focalisé sur la violation des droits humains pour les femmes et les enfants et on a un peu oublié les hommes. Mais les guerres et les difficultés économiques les frappent encore plus. Parce que les forces militaires et les forces productives, ce sont eux. En 2016, 60% des diplômés universitaires étaient des femmes pour 40% d'hommes. C'est que les hommes ont moins la possibilité de poursuivre leurs études car ils sont le soutien économique de la famille. En plus, dans notre culture s'ajoutent des valeurs obligatoires: l'héroïsme, la patience, l'altruisme et la virilité, des caractéristiques idéales illustrées par l'imam Ali [héros de l'islam chiite].

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Lire aussi : L'Iran à toute allure

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La loi islamique n'accorde toujours à la femme que la moitié de la valeur d'un homme... Elle reçoit la moitié de l'héritage par rapport à son frère...
Oui, c'est vrai, mais c'est parce que ça n'est pas à elle d'entretenir économiquement la famille. Donc son salaire, son héritage lui revient, tandis que celui du mari est pour toute la famille. Mais, contrairement à l'islam sunnite pratiqué en Arabie saoudite, le tribunal peut aménager, interpréter la règle. Dans plusieurs cas, la femme peut demander le divorce, exiger une pension et, si celle-ci n'est pas versée, elle peut envoyer son ex en prison.

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La masculinité, la virilité sont oppressantes pour les mâles iraniens... Ils doivent faire de l'argent et avoir beaucoup de femmes!
Dans le monde entier, les hommes veulent réussir financièrement pour gagner l'adoration et l'admiration de tous, y compris celles des femmes. Mais vu les défis à relever en Iran, les hommes ont plus de peine à atteindre ces buts. Grandeur et générosité sont plus importantes que force physique. 

Une des photos de la série "Masculinity".
Une des photos de la série "Masculinity". © Abbas Kowsari

Votre série de photos intitulée 'Masculinity' dégage une sorte d'ironie...
C'est un regard critique sur ces objectifs! La beauté et la puissance musculaire ne font pas la masculinité ou la virilité.

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La plupart des magazines et des journaux pour lesquels vous avez travaillé ont été fermés par le ministère de la Guidance islamique. A chaque fois, c'était une surprise ou vous vous y attendiez?
Depuis 1997 et le président libéral Khatami qui pratiquait le dialogue, une multitude de journaux se sont créés. Des journaux d'expression très affirmée. Inévitablement, on a eu la riposte abrupte du gouvernement suivant qui a fermé ces médias. A l'époque, j'étais jeune et stupéfait. Mais avec l'expérience, on a tous appris à être plus subtils. On sait où se situe la ligne rouge.

Comment cela se passe-t-il en cas de 'ligne rouge'? Les censeurs débarquent à la rédaction? Le rédacteur en chef va en prison?
Si un article publié pose problème, quelques jours après, le rédacteur en chef reçoit une lettre officielle de la part du comité qui supervise la presse. Il y apprend que, jusqu'au procès, il n'a plus le droit de publier son journal. Ensuite, le tribunal décide si oui ou non le journal peut continuer. Dans ces cinq ou six dernières années, aucun journal n'a été fermé. Parce que la presse a l'expérience du système. Il y a moins de conflits. Chacun, gouvernement et journalistes, y met du sien.

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On ne traverse pas une guerre de 8 ans et une révolution islamique sans changer

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Et avec Internet, il est plus difficile d'appliquer la censure...
Je ne crois pas. Les agences de presse par Internet ont aussi besoin d'un permis pour travailler et doivent respecter les lois islamiques et celles du ministère de la Guidance.

Les Iraniens ont-ils changé en trente ans?
Bien sûr! On ne traverse pas une guerre de huit ans et une révolution islamique sans changer. Mais il y a des caractéristiques qui ne bougent pas: leur hospitalité, leur chaleur envers leurs hôtes, tous les touristes vous le diront. Les villes iraniennes ont grandi, se sont modernisées, donc la famille ne peut plus habiter dans la même maison. Qu'on vive dans une capitale ou dans un village, tout le monde a accès aux technologies modernes, portable, télévision par satellite. Souvent, les Iraniens découvrent les films ou les séries avant tout le monde. Et ils reçoivent les nouvelles en provenance de différents pays, pas que de l'Iran. En médecine, en sciences, dans certaines industries il y a eu des progrès formidables. On est à la pointe des nouvelles techniques chirurgicales dans certains hôpitaux. Enfin, la plupart d'entre nous parlons une deuxième langue, anglais, français, allemand, même dans les petites villes. Je n'ai pas constaté cela à Paris!

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