REPORTAGELes «cataflics» veillent sur les entrailles de Paris

Catacombes: A 20 mètres sous terre, les «cataflics» veillent sur les entrailles de Paris

REPORTAGEBien qu'interdites d'accès, les carrières de Paris, situées à 20 mètres sous terre, attirent les fêtards en quête d'un lieu insolite ou les passionnés...
La brigade des catacombes vérifie que les plans sont à jour
La brigade des catacombes vérifie que les plans sont à jour - Caroline Politi
Caroline Politi

Caroline Politi

L'essentiel

  • Les carrières de Paris, bien qu’interdites au public, sont souvent « squattées »
  • Les policiers de la brigade d’intervention et de protection patrouillent régulièrement pour sécuriser les lieux
  • Les « cataphiles » risquent une amende de 60 euros et une convocation devant le tribunal de police.

Quelques notes de musique au loin viennent briser le silence des anciennes carrières de Paris. Mais dans ce dédale de galeries, immergé dans le noir le plus total à quelque 20 mètres de profondeur, difficile d’en établir la provenance. Le son résonne contre les murs entièrement tagués. Ce jeudi matin, les six policiers de la brigade d’intervention et de protection de la préfecture de Paris qui patrouillent à la lueur de leur frontale tentent de localiser le ou les cataphiles qui ont outrepassé l’interdiction d’y descendre. Après quelques minutes de recherche, ils tombent finalement sur Lisa, 22 ans.

Il y a trois mois, la jeune femme s’est découvert une véritable passion pour les entrailles de Paris. Au moins une fois par semaine, elle déambule sous la capitale, parfois seule, parfois avec des amis. « C’est une autre histoire de Paris, un peu délaissée et totalement méconnue », argumente-t-elle pendant que les fonctionnaires la fouille. Elle a passé la soirée de la veille sous l’hôpital militaire du Val-de-Grâce pour « observer les pilliers tournés ». Pas claustrophobe pour un sou, elle a ensuite accroché son hamac dans un recoin calme pour passer la nuit.

60 euros d’amende et une convocation devant le tribunal de police

En dehors du musée des catacombes, qui réunit les restes de quelque six millions de Parisiens, l’accès aux 280 km de galeries creusées pour extraire les pierres qui ont servi à la construction de Paris, est strictement interdit au public depuis les années 1960. Mais les entrées secrètes, qui se transmettaient auparavant de bouche-à-oreille, se dégottent aujourd’hui facilement sur Internet. Cette fois, Lisa échappe à l’amende. Elle risquait jusqu’à 60 euros et une convocation devant le tribunal de police.

Inspection de la salle dite
Inspection de la salle dite  - Caroline Politi

Un peu perdue dans ce labyrinthe, les policiers la guident vers la sortie sans toutefois l’accompagner sur la terre ferme. « On raccompagne systématiquement les mineurs à la surface, pour les autres, c’est du cas par cas », explique Nicolas, le chef de la brigade. La jeune femme doit aller récupérer le reste de ses affaires et les gardiens de la paix, attendus sur une autre mission de sécurisation, doivent rentrer. « Si une autre équipe tombe sur vous, vous n’échapperez pas à l’amende », la met gentiment en garde le gardien de la paix. Voilà 12 ans qu’il patrouille « environ trois fois par semaine » dans ce dédale. S’il ne se définit pas lui-même comme un cataphile, il connaît chaque recoin des carrières, chaque salle, chaque sculpture, chaque tag qui orne les murs.

Le week-end, les carrières se peuplent

L’équipe progresse doucement, parfois obligée de ramper pour passer dans les petites cavités, parfois avec de l’eau jusqu’aux genoux. Elle déambule pour vérifier que les plans des carrières sont à jour et déloger les squatters. Si la semaine, les rencontres entre « cataphiles » et « cataflics » sont relativement rares, le week-end ces souterrains se peuplent. « On contrôle généralement entre 50 et 60 personnes lorsqu’on patrouille le vendredi ou le samedi soir », assure Nicolas. Plus encore pendant les vacances scolaires. La plupart du temps, il s’agit d’ados en quête de sensations fortes, de fêtards à la recherche d’un lieu insolite pour passer la soirée ou de passionnés, parfois d’un certain âge, désireux d’entretenir ce patrimoine. « Ce ne sont pas des bandits qui viennent ici », poursuit le gardien de la paix. Les crimes ou agressions violentes sont rarissimes. « Il y a parfois quelques tensions entre cataphiles mais généralement ils règlent ça entre eux. »

L’essentiel de leur mission consiste à sécuriser le secteur. Car sous terre, les risques sont nombreux. Les néophytes descendent généralement sans casque, parfois avec leur téléphone portable pour seule lampe. Beaucoup n’ont une connaissance que très approximative du réseau et tentent de se repérer avec une carte téléchargée sur Internet et dont l’exactitude est plus qu’approximative. A 20 mètres sous terre, on ne capte pas le Wi-Fi ni même le réseau téléphonique. Impossible donc d’appeler à l’aide ou de se signaler.

Beaucoup de cataphiles descendent faire la fête dans les carrières.
Beaucoup de cataphiles descendent faire la fête dans les carrières. - Caroline Politi

Récemment, les pompiers sont venus secourir deux ados perdus depuis 72 heures dans les carrières. Dans ces conditions, les blessures sont fréquentes. Souvent des entorses de cheville ou du genou après avoir glissé sur le sol instable. Parfois des plaies au niveau du crâne. D’autant que l’alcool coule à flots, comme en témoignent les nombreuses bouteilles vides qui jonchent le sol. Récemment, la brigade est intervenue au niveau de la place d’Italie pour aider un jeune homme tombé au fond d’un puits et qui ne parvenait plus à ressortir. Si policiers et cataphiles jouent au chat et à la souris, les relations sous terre sont souvent plus détendues. « Se faire griller, ça fait partie du jeu », sourit Lisa. Avant de lâcher à l’intention des « cataflics » : « A la prochaine ! » « Elle, c’est sûr, on la reverra bientôt », sourit Nicolas.

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