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Non, le lien établi par Macron entre climat et terrorisme n'est pas inepte

La déclaration de Macron au G20 selon laquelle «on ne peut prétendre lutter efficacement contre le terrorisme si on n’a pas une action résolue contre le réchauffement climatique» a déclenché une avalanche de critiques. Et s'il avait – en partie – raison ?
par Dounia Hadni
publié le 9 juillet 2017 à 16h50

Alors que Macron annonce un nouveau sommet sur le climat au G20, le 12 décembre, deux ans après l'entrée en vigueur de l'accord de Paris, il déclare qu'«on ne peut pas prétendre lutter efficacement contre le terrorisme si on n'a pas une action résolue contre le réchauffement climatique». Un sujet qui sera vraisemblablement mis sur la table lors de la visite de Donald Trump à Paris le 14 juillet.

Plusieurs personnalités politiques, notamment, se sont contentées de s'indigner devant la petite phrase quand d'autres ont abdiqué, non sans ironie, devant ladite complexité de la pensée macronisteEn réalité, étabir une corrélation entre ces deux luttes n'est pas absurde : plusieurs études scientifiques abondent dans ce sens depuis plusieurs années.

Des scientifiques américains ont déjà fait le lien entre la sécheresse en Syrie et l’émergence de l’EI

Si le Pentagone a dès 2003 établi un lien entre changement climatique et sécurité dans un rapport rendu public, c'est en 2007 que la Défense américaine a considéré officiellement le changement climatique comme un «multiplicateur de menaces». Cela dit, cette requalification est plus nuancée que le parallèle fait par Macron, comme le souligne le chercheur spécialisé dans les impacts géopolitiques du dérèglement climatique Bastien Alex, dans une interview qu'il nous a accordée en octobre 2015 : «Le lien entre changement climatique et conflits n'est ni à surévaluer ni à négliger».

De son côté, en 2015, l’Académie des sciences américaine a clairement corrélé la sécheresse syrienne, qui a eu lieu de 2006 à 2009, à la naissance du conflit syrien en mars 2011 contre le régime de Bachar al-Assad, et par ricochet à l’émergence du groupe Etat islamique. Par ailleurs, des experts américains ont conclu, en analysant la carte des territoires victimes de sécheresse et celle des territoires dominés par l’EI, qu’elles étaient quasi identiques.

Selon les chercheurs de cette Académie, en provoquant le déplacement de près d'1,5 million de Syriens vers des zones urbaines, la sécheresse a conduit à la hausse des prix des denrées alimentaires et donc à des tensions importantes fragilisant la stabilité de la société et du système politique. Scientifique spécialisé dans le climat, Richard Seager précise : «Nous ne disons pas que la sécheresse a causé la guerre […], mais que cela a fait partie des facteurs de stress qui ont conduit à la naissance du conflit».

A lire aussi «Le lien entre changement climatique et conflits n'est ni à surévaluer ni à négliger»

Fin 2015, François Hollande, lors de son discours d'ouverture de la COP21, avait déclaré devant quelque 150 chefs d'Etat : «Le réchauffement annonce des conflits comme la nuée porte l'orage […]. Oui, ce qui est en cause avec cette conférence sur le climat, c'est la paix».

Bernie Sanders, l'adversaire d'Hillary Clinton pour l'investiture démocrate à la présidentielle américaine de 2016, affirmait, lors du débat télévisé du 15 novembre, en citant des rapports du Pentagone et du ministère de la Défense, que «le dérèglement climatique est directement lié à l'expansion du terrorisme».

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