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Quand The Handmaid's Tale devient un outil de combat féministe contre Trump
Le 23 mai, dans le Capitole du Texas, des manifestantes arborent les habits des "Servantes" de "The Handmaid's Tale".
Eric Gay/AP/SIPA

Quand The Handmaid's Tale devient un outil de combat féministe contre Trump

Etats-Unis

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Fréquemment comparée à l'Amérique de Trump, la série The Handmaid's Tale est devenue un phénomène viral aux Etats-Unis. Plus qu'une fiction, elle est reprise par les femmes pour lutter en faveur de leurs droits.

Entrer sur le sol américain, rebaptisé "République de Gilead" ? Impossible. En partir ? Les pieds devant uniquement. Le taux de natalité ? Quasi inexistant, en raison d'une catastrophe biologique causée par une pollution sans précédent. Les femmes ? Elles ont perdu leurs droits de posséder, de lire, de travailler, et même celui de sortir seules.

Ce scénario glaçant est celui de la série dystopique The Handmaid's Tale (La Servante Ecarlate), réalisée par le site de vidéo à la demande Hulu. On y suit le cauchemar vécu par Offred, une jeune femme arrachée à sa fille et son mari pour "servir" le foyer des Waterford.

Imaginez. Dans cette société, les femmes sont réparties en quatre catégories. Les "Epouses" sont les femmes des riches et puissants "Commandants". Les "Marthas" s'occupent de la maisonnée et cuisinent pour eux. Enfin les "Servantes", à l'instar d'Offred, sont les seules à ne pas être stériles. Un "don de Dieu" qui leur vaut d'être attribuées à un foyer, où elles sont sous la tutelle du Commandant. Leur mission ? Donner au couple un enfant. Pour cela, les Servantes sont violées une fois par mois, pendant leur période d'ovulation, par l'homme de la maison, jusqu'à ce qu'elles tombent enceintes. Elles sont sévèrement surveillées par les "Tantes", qui n'hésitent pas à recourir à l'excision ou à l'énucléation pour leur apprendre à se comporter de manière appropriée.

Le site Funny or Die a habilement détourné la bande-annonce de The Handmaid's Tale, en l'agrémentant de la présence de Donald Trump.

Aux Etats-Unis, la série fait un carton et les médias américains dépeignent un phénomène qui dépasse la fiction, faisant le lien entre la République de Gilead et les dérives potentielles du gouvernement Trump. Il faut dire que depuis son investiture, les décrets frénétiques du président ont suscité des tollés. Notamment un décret signé le 23 janvier, interdisant le financement des ONG internationales qui soutiennent l'avortement.

La première saison de The Handmaid's Tale a été tournée entre septembre 2016 et février 2017, pendant l'élection américaine qui a eu lieu le 9 novembre dernier. Bien que le parallèle puisse être rapidement fait, le scenario n'a pu être écrit par rapport au phénomène Trump, puisque la série est tirée d'un livre éponyme publié en 1985 par Margaret Atwood.

Dès avant qu'elle ne soit diffusée – en avril 2017 –, des manifestantes américaines faisaient déjà allusion au livre pendant la marche des femmes anti-Trump de janvier : "La Servante Ecarlaten'est pas un manuel d'instruction !", clamaient-elles. Les prémices d'un phénomène qui s'est progressivement propagé aux Etats-Unis.

Dans un article, Newsweek va jusqu'à affirmer que l'adaptation du livre "au petit écran a fait écho pour beaucoup d'Américaines modernes, qui craignent d'être déchues de leurs droits de reproduction comme les femmes de 'La Servante Ecarlate'". Vanity Fair, de son côté, cite des commentaires postés par des internautes en réponse à des publications portant sur le Trumpcare et les attaques du président envers la pilule contraceptive et l'avortement : "Under his eye" ("Sous le regard de Dieu") et "Blessed be the fruit" ("Béni soit le fruit"), soit les formules de salutation obligatoires de The Handmaid's Tale, sont ironiquement postées sur les réseaux sociaux.

La démarche ne s'arrête pas là. Les Américaines protestent également en dehors d'Internet en utilisant la série. Le 27 juin, The Hill fait état de la présence d'une trentaine de bénévoles du Planning familial devant le siège du Congrès. Les femmes, vêtues comme Offred dans The Handmaid's Tale, protesteient contre le projet de loi santé républicain. "S'habiller comme une Servante donne un message clair à notre administration et au Sénat pour leur montrer que nous prenons leurs décisions très au sérieux et qu'elles peuvent radicalement affecter nos vies", déclarait une des bénévoles au journal.

Ces "Servantes" n'en étaient pas à leur coup d'essai. The New York Times recense d'autres mobilisations de bonnets blancs et capes rouges. D'après le journal, la première remonte au mois de mars, lorsqu'une association en faveur du droit à l'avortement a portesté à Austin, au Texas, contre les lois restrictives sur l'avortement. L'article mentionne également une manifestation le 17 mai dans le New Hampshire, une autre dans l'Ohio le 3 juin et une dernière en Albany le 20 juin.

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Le 9 mai, dans le Capitole du Texas, des femmes empruntent les couleurs d'Offred pour manifester contre les lois anti-avortement. - Ricardo Brazziell/AP/SIPA

Plusque la tenue d'une héroïne de série, la cape rouge, symbole d'une société américaine patriarcale aux mains d'unhomme d'affaires conservateur sans scrupules, devient donc "un emblèmede la solidarité entre femmes et de la collaboration sur les questions desdroits à la personne" , estime le NewYork Times . Toute ressemblance avec une personne existante ou ayant existé...

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