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Cafouillage fiscal: comment Macron et Le Maire ont affaibli Philippe

Bruno Le Maire et Édouard Philippe

Bruno Le Maire et Édouard Philippe - JACQUES DEMARTHON / AFP

D'abord reportées par Matignon, les baisses d'impôts promises par Emmanuel Macron sont finalement maintenues pour 2018 par Bercy et l'Élysée. Un cafouillage dont Édouard Philippe est la principale victime politique.

Baisser les impôts "et en même temps" réduire le déficit public: c'est la quadrature du cercle que s'est engagé à résoudre l'exécutif. Comment combler le trou dans le budget de l'Etat sans augmenter les prélèvements obligatoires?

Dans sa déclaration de politique générale le 4 juillet, Édouard Philippe avait esquissé une réponse en dérogeant au calendrier de la campagne présidentiel. Pour tenir l'objectif européen d'une baisse du déficit public sous les 3% du PIB, le locataire de Matignon avait ainsi annoncé le report de la baisse de la taxe d'habitation "d'ici la fin du quinquennat", et de la réforme de l'impôt de solidarité sur la fortune en 2019.

Philippe humilié

Une option à laquelle l'Élysée et Bercy ne semblent plus adhérer. Dimanche sur BFMTV, le ministre de l'Économie Bruno Le Maire contredisait donc le chef du gouvernement, d'abord en affirmant "qu'aucune mesure définitive n'a été arrêtée en matière de calendrier", ensuite en se déclarant "convaincu qu'on peut à la fois baisser les dépenses publiques et baisser les impôts pour les Français et les entreprises". Un camouflet pour Édouard Philippe.

Pire: le président de la République a lui-même rendu un arbitrage en faveur du ministre de l'Économie, pour une baisse dès 2018, quitte à ruiner le crédit de son Premier ministre.

"Le président n’est pas sourd à ce qui se disait dans les milieux économiques", confie au Monde une source gouvernementale. De plus, Emmanuel Macron craint l'immobilisme qui avait été, selon lui, fatal aux premiers pas de François Hollande.

Au palais, on craint en effet que le report des baisses d'impôts - dont le coût estimé est de trois milliards par an pour le réduction du périmètre de l'ISF, et dix milliards par an pour la suppression partielle de la taxe d'habitation - ne donne l'impression d'une trahison des engagements du président encore en campagne. Officiellement cependant, la raison invoquée est l'urgence du "choc fiscal" censé "libérer la croissance".

Avec cette décision présidentielle, la communication de la répartition des rôles entre un chef de l'Etat désignant le cap et un Premier ministre à la manœuvre a du plomb dans l'aile. 

L'opposition dénonce un "effet panique"

Le rétropédalage du rétropédalage fait l'objet de nombreuses critiques dans l'opposition à l'Assemblée nationale: "Il y a un peu d'effet panique. Les gouvernements ont besoin de se faire aimer, donc c'est un réflexe quasiment pavlovien dans beaucoup de gouvernements", regrette Eric Woerth, président de la commission des Finances à l'Assemblée nationale. 

"Le gouvernement est dans le brouillard et nous emmène avec lui", renchérit le député (FN) du Nord Sébastien Chenu. Il y a une véritable impréparation à gérer les affaires de l'Etat. 

"La tendance globale, c'est une politique injuste du point de vue fiscal", déplore enfin le député de la France insoumise Éric Coquerel. Des critiques politiques qu'Emmanuel Macron peut néanmoins se permettre d'ignorer, disposant d'une majorité écrasante à l'Assemblée nationale. 

Louis Nadau