Gauchet : "Le coup de la politique autrement ne fonctionnera pas deux fois"

Le philosophe et historien, spécialiste de la démocratie, réagit à la convention d'En marche ! qui s'est tenue ce samedi à la Villette.

Propos recueillis par

Marcel Gauchet, philosophe et historien français, s'interroge sur la pérennité du mouvement La République en marche.
Marcel Gauchet, philosophe et historien français, s'interroge sur la pérennité du mouvement La République en marche. © BALTEL/SIPA / SIPA

Temps de lecture : 3 min

Le Point.fr : La République en marche (LREM) a fait élire 309 députés, revendique 3 000 cadres locaux et recevra un financement annuel de 20 millions d'euros ... La petite start-up qui entendait fédérer la société civile, c'est terminé ?

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Marcel Gauchet : Sans être un spécialiste de la question des start-up, on sait que leur grand problème, c'est justement le moment où elles passent de la petite structure à la grande entreprise. La plupart meurent à ce moment-là. Pour ce qui est de La République en marche, j'ignore si la structure est équipée pour passer à un autre stade. C'est d'abord un problème de personnel politique. Les plus expérimentés sont au gouvernement ou dans les cabinets. Que reste-t-il pour le parti ? C'est la grande inconnue. Qui sont les cadres locaux ? D'où sortent-ils ? De quoi sont-ils capables ? On ne les connaît pas et eux-mêmes ne se connaissent pas forcément entre eux. Comme dans n'importe quel parti, des tendances vont se dessiner. La difficulté consistera à définir un point d'équilibre pour faire tenir tout ça ensemble.

La République en marche ne veut pas être perçue comme un parti, mais comme un mouvement. Qu'est-ce que ça change ?

Rien. Le terme de mouvement fait plus dynamique et moins hiérarchisé, mais, au fond, ça ne change rien, c'est un simple élément de langage.

Emmanuel Macron a remporté la présidentielle et les législatives sans parti politique. Pourquoi prendre le risque de se constituer en parti et tuer ce qui a fait son succès ?

Le coup de l'homme providentiel et de la politique autrement ne fonctionnera pas deux fois, et ça, Emmanuel Macron l'a très bien compris. S'il compte se faire réélire, il doit remporter des élections locales intermédiaires. Il n'a donc pas d'autre choix que de disposer d'un parti. Et pour cela, il ne peut pas laisser se reconstituer les autres partis depuis leurs bases locales. Ce mouvement est très important pour lui.

Lire aussi Édouard Philippe : « Nous vivons un moment unique »

Le parti est lancé, l'appellation « société civile » a-t-elle encore un sens ?

Il faudrait enquêter de près pour savoir comment ça se passe concrètement sur le terrain. Il y a eu un élan macroniste indéniable, avec une mobilisation puissante. Des centaines de milliers de gens se sont mobilisés pour un candidat qu'ils ne connaissaient pas, c'était stupéfiant. Nous saurons dans quelques mois ce qui reste de cet élan. L'enjeu, c'est la création d'une culture politique nouvelle. Comment organiser autrement qu'autour d'un seul homme ? Quel corps doctrinal adopter ? Si c'est pour refaire le Parti socialiste ou Les Républicains, c'est inutile. Le temps politique est court, on y verra plus clair à la fin de l'année. S'il n'y a plus un chat dans les réunions de La République en marche, c'est qu'ils auront échoué à entretenir cet élan.

La République en marche a annoncé vouloir se constituer en média... Faut-il s'en offusquer ?

Non, cela est vrai de tous les partis et les députés LREM ne peuvent être les seuls à se faire le relais de l'action gouvernementale. Aujourd'hui, tous les acteurs publics sont des médias, ou tout au moins dans une logique de production et de diffusion de leurs propres messages... Cela existait déjà avant, sauf que les partis traditionnels étaient, sur ce point, franchement médiocres. Ils étaient devenus des machines à diffuser de pathétiques communiqués en langue de bois. Ce n'est pas avec ce genre de publications que vous soulevez les masses. Regardez les documents internes de Les Républicains, c'est consternant. Sur ce point, les équipes LREM, très inspirées par Obama, feront assurément mieux.

Le PS vient de nommer une direction collégiale de 29 personnes, sans en dire plus sur le projet...

Disons qu'ils enregistrent au moins leur vérité sociologique ! Cette direction collégiale est le fidèle reflet d'un parti qui n'a plus aucune cohérence doctrinale, un parti qui est devenu une collection de baronnies locales relayées par un vaste tissu associatif.

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Commentaires (11)

  • FLYTOXX

    Le coup de l’homme providentiel et de la politique autrement ne fonctionnera pas deux fois  !
    Pas besoin d’être sociologue-historien pour arriver à cette conclusion.
    Macron n’est pas, comme on a voulu nous le faire croire, un individu isolé, sans parti, arrivant avec de géniales solutions novatrices et consensuelles.
    Il était le représentant de forces obscures mais bien présentes. Il a su capter l’attention et donner de l’espoir à beaucoup de français.
    Il est au pouvoir aujourd’hui. Le conserver dans la durée sera une autre paire de manches qui nécessitera autre chose que de belles promesses.
    La restructuration d’En Marche en un parti traditionnel n’est pas vraiment un signe de renouveau.
    Le Président innove certes dans la communication mais ce n’est pas là-dessus que les français l’attendent.

  • guy bernard

    Nous sommes dans la théorie des parties prenantes généralement utilisée en entreprises et développée de manière symétrique par l'etat et sa fonction publique.
    elle est centrée sur le pouvoir et l’accumulation de capital (théorie initiale) est critiquée alors qu'on accumule des droits, ce qui est économiquement équivalent.
    toute notre démocratie dissimule depuis longtemps un marché où le dirigeant exerce son pouvoir, dans son intérêt narcissique ou matériel, en contrepartie de droits qu'il distribue, de manière directe ou occulte.
    l'addition se présente aujourd'hui, et elle demande d'autres analyses et réactions que des considérations de salon.
    pour info :
    https : //fr. Wikipedia. Org/wiki/Partie_prenante
    et se referer à l'exemple de la Grèce : libre corruption des dirigeants contre droits de la fonction publique.

  • mireil

    Ça veut dire quoi exactement ?
    Élément de langage qui est simplement une auberge espagnole
    Quand le temps passera, il faudra bien y mettre un sens précis et alors... Plus personne n'y trouvera son compte