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Russie

L'incroyable déballage du fils Trump sur Twitter

Le fils du président américain a publié sur le réseau social des extraits d'emails prouvant qu'il a accepté de l'aide de la Russie pour nuire à Hillary Clinton.
par Isabelle Hanne, correspondante à New York et Aude Massiot
publié le 11 juillet 2017 à 20h17

«I love it» («J'adore ça»). Ces trois mots, envoyés dans un email, devraient coûter cher à Donald Trump Junior. Le fils aîné du président américain répond ainsi à Rob Goldstone, nébuleux attaché de presse dans la musique et ex-journaliste d'un tabloïd britannique. Ce dernier s'est chargé d'organiser un rendez-vous entre l'homme d'affaires et fils de l'alors candidat républicain, son beau-frère Jared Kushner et le directeur de campagne de Trump, Paul Manafort, avec l'avocate russe Natalia Veselnitskaya, en juin 2016, soit en pleine campagne présidentielle. Le New York Times a révélé l'existence de ce rendez-vous ce week-end, dont l'objet était un échange d'informations compromettantes sur des individus en lien avec la Russie qui financeraient le Comité national démocrate et Hillary Clinton, l'ex-adversaire de Donald Trump.

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Mais à la surprise générale, mardi, le fils du président américain, qui vient de s'adjoindre les services d'un avocat, a publié sur Twitter l'échange d'emails qui a précédé sa rencontre avec l'avocate russe. A priori, cette publication hallucinante prouve deux choses : quel que soit le contenu réel des échanges lors de ce rendez-vous de juin 2016, celui-ci a été accepté par l'équipe de campagne de Trump parce qu'il promettait d'être riche en kompromat sur la candidate démocrate ; également, que l'équipe de campagne de Trump a bien été en contact avec des envoyés du Kremlin, qui voulait concrètement aider le clan du milliardaire à arriver au pouvoir.

Transparent

Dans un communiqué, «Don» explique sa curieuse démarche: il veut être «totalement transparent», et prouver que l'avocate ne travaille pas pour le gouvernement russe. Seulement, les emails montrent exactement le contraire. Natalia Veselnitskaya y est désignée explicitement comme «une avocate du gouvernement russe». Puis Rob Goldstone écrit: «Le procureur de la Couronne de Russie […] propose de donner à la campagne de Trump des documents officiels et des informations qui incrimineraient Hillary et ses transactions avec la Russie et seraient très utiles pour votre père. C'est évidemment des infos de haut niveau, très sensibles mais elles font partie de l'effort de soutien du gouvernement russe à M. Trump.» Le fils du président répond alors: «J'adore ça, surtout pour plus tard dans l'été.»

Selon Donald Trump Jr, qui tient ce discours depuis les révélations du New York Times, ce rendez-vous n'a rien donné, et a été utilisé par l'avocate Natalia Veselnitskaya comme une occasion de faire du lobbying contre la loi Magnitski. Votée par le Congrès américain en 2012 pour sanctionner les personnalités russes soupçonnées d'avoir commis des violations des droits de l'homme, cette loi avait mis en furie le président russe, Vladimir Poutine, qui avait en réponse interdit l'adoption d'enfants russes par des Américains et bloqué l'entrée sur le territoire de plusieurs officiels de Washington. «Il m'est apparu clairement qu'elle était venue pour me parler de cela et que ses potentielles informations utiles n'étaient qu'un prétexte pour qu'on se rencontre», a déclaré Donald Trump Jr au journal.

Trump Jr. a également expliqué avoir rencontré l'avocate russe sur la recommandation d'une connaissance du concours Miss Univers 2013, organisé par son père à Moscou. «Après avoir échangé des banalités, la femme a assuré avoir des informations sur des individus en lien avec la Russie qui finançaient le Comité national démocrate et soutenaient Mme Clinton.» Don Trump, visiblement déçu, ajoute : «Ses propos étaient vagues, ambigus et n'avaient aucun sens. Il est vite devenu clair qu'elle n'avait aucune information intéressante.»

«Beaucoup de bruit pour rien»

Interrogée mardi par NBC, l'avocate russe a nié être à l'initiative: «La question qu'on m'a posée, c'était "est-ce que j'avais en ma possession des relevés financiers qui pourraient prouver que des fonds venant de sources compromettantes ont été utilisés pour parrainer le DNC [Democratic National Committee, le parti démocrate]?", a-t-elle affirmé, niant ses liens avec le gouvernement russe. Ce qui est assez probable, c'est qu'ils avaient très envie de posséder de telles informations. Ils le voulaient tellement qu'ils ont pris leur désir pour la réalité.» De son côté, l'avocat de Donald Trump Jr, Alan Futerfas, dit seulement que c'est «beaucoup de bruit pour rien», et que son client n'a rien fait de mal.

Plusieurs élus démocrates, dont Adam Schiff, membre de la commission du renseignement à la Chambre des représentants, et Nancy Pelosi, chef de la minorité démocrate à la Chambre, demandent désormais que Trump Jr, tout comme Paul Manafort et Jared Kushner, viennent témoigner sous serment devant la commission d’enquête du Congrès. Deux investigations sont en cours concernant les ingérences russes lors de la campagne présidentielle américaine de 2016. L’une menée depuis janvier par la Commission du renseignement au Congrès, et l’autre par le FBI, dirigée depuis le printemps par le Procureur spécial Robert Mueller.

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