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En Ethiopie, l’application mobile qui sauve des nouveau-nés

L’e-santé, le grand espoir de l’Afrique (2). Des vidéos pédagogiques et des conseils délivrés aux sages-femmes par téléphone ont fait baisser de 40 % la mortalité infantile.

Par  (contributeur Le Monde Afrique)

Publié le 11 juillet 2017 à 18h25, modifié le 12 juillet 2017 à 20h01

Temps de Lecture 3 min.

Nigatu Abebe, l’un des sages-femmes du centre de santé de Yubdo, tient en main le smartphone offert par l’organisme danois Maternity Foundation avec les vidéos de pédagogiques de Safe Delivery App.

Au centre de santé de Yubdo, un village poussiéreux écrasé par la chaleur du plateau éthiopien, entre Addis-Abeba et la frontière du Soudan du Sud, les visiteurs de la capitale arrivent en un jour et demi de voiture à travers les hauts plateaux de la région Oromia. Les femmes enceintes, elles, y parviennent en marchant des heures depuis les villages alentour. Seules celles qui sont au terme de leur grossesse ont droit à la vieille ambulance du centre qui, certains jours, voit naître une dizaine d’enfants.

Ici, l’électricité est rare, les infrastructures de santé plus encore. L’eau courante n’est pas disponible en permanence et la maigre réserve de savons antiseptiques, au bord de la rupture, n’a pas été réapprovisionnée depuis de longs mois. L’espérance de vie ne dépasse pas 57 ans et on dénombre, dans le pays, 59 décès de nourrissons pour 1 000 naissances, l’un des taux les plus élevés d’Afrique, souvent par manque de formation du personnel soignant.

Présentation de notre série L’e-santé, le grand espoir de l’Afrique

Et pourtant, malgré sa grande vétusté, le centre de Yubdo se distingue par la baisse constante de ses taux de mortalité maternelle et infantile. Le secret ? Safe Delivery App, une application mobile en cours d’expérimentation, financée par une fondation danoise, la Maternity Foundation, pour éduquer les sages-femmes éthiopiennes à mieux prévenir les complications liées à la grossesse et à réduire les risques de mortalité en couches à travers des vidéos éducatives et des conseils.

Workina est « un » sage-femme. D’ailleurs, sur les quatre sages-femmes de Yubdo, trois sont des hommes. « Je fais usage de l’application tous les jours, par exemple lorsque je suis en pause, car cela me laisse le temps de regarder les nouvelles vidéos », explique Workina, smartphone à la main. Il ajoute : « J’utilise également l’application lorsque je fais face à une situation compliquée et que j’ai besoin de savoir exactement quel protocole suivre, comme en cas une d’hémorragie utérine, par exemple. »

Des centaines d’heures

Workina a appris à pratiquer les différents protocoles d’accouchement en visualisant pendant des centaines d’heures les vidéos de Safe Delivery App, en langues oromo et amharique. Régulièrement mises à jour, ces vidéos permettent aux sages-femmes de perfectionner leurs compétences obstétriques, avec par exemple le BEMONC (Basic Emergency Obstetric and Newborn Care). Plusieurs vidéos sont également consacrées à la prévention des infections materno-fœtales pouvant contaminer le nouveau-né : Escherichia coli, listeria, streptocoque A, etc.

Une fois téléchargées sur le téléphone, à Gimbi, la grande ville de la région, ou à Addis-Abeba, les vidéos sont disponibles hors connexion, un détail crucial dans une région très mal couverte par l’Internet mobile. Les smartphones et la connexion sont fournis gratuitement par l’équipe de Safe Delivery App, dirigée localement par Feyisa Daro. « En l’absence d’Internet, les sages-femmes continuent de se former en s’envoyant toutes les vidéos par Bluetooth », explique-t-il.

En plus d’améliorer leurs propres connaissances et pratique, Feyisa Daro a remarqué que les sages-femmes utilisent spontanément l’application pour former les nouvelles recrues et pour mener des campagnes de sensibilisation dans les villages grâce aux vidéos animées qui aident les femmes enceintes « à comprendre ce qui se passe dans leur ventre ».

Workina, un des sages-femmes du centre de santé de Yubdo, en Ethiopie, et grand utilisateur de l’application Safe Delivery, qu’il consulte dès qu’il a un moment de pause pour continuer à améliorer sa pratique obstétrique.

Reconnue et certifiée au niveau national par le ministère de la santé et la Fédération éthiopienne des sages-femmes, tout juste primée par la Fondation Pierre Fabre, Safe Delivery App a permis de sauver de nombreuses vies depuis son lancement en 2012. A ce jour, près de 150 smartphones ont été distribués. Une étude publiée en 2016 par l’American Medical Association a par exemple établi que les sages-femmes éthiopiennes qui s’entraînent chaque jour sur l’application ont beaucoup plus de chances de réanimer les nouveau-nés en salle de naissance. La même étude, qui concerne 3 600 femmes enceintes et 176 sages-femmes réparties dans 73 centres de soins ruraux en Ethiopie équipés de Safe Delivery App, a démontré que le taux de mortalité infantile est passé entre septembre 2013 et janvier 2015 de 23 à 14 décès pour 1 000 naissances dans les zones tests.

Safe Delivery App est en cours de déploiement dans 18 pays et des partenariats stratégiques sont en cours d’élaboration avec les ministères de la santé, notamment en Tanzanie, en Inde, au Laos, au Kenya et au Nigeria.

Samir Abdelkrim est entrepreneur et consultant ainsi que chroniqueur « Tech » pour le Monde Afrique. Son blog startupbrics.com sur l’innovation dans les pays émergents participe à la veille et aux études terrains des initiatives référencées par l’Observatoire de l’e-santé dans les pays du Sud (Odess).

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