“La piste russe bloque sur Natalia”, titre le quotidien en ligne Gazeta.ru, en référence à Natalia Vesselnitskaïa, l’avocate russe qui a rencontré le 9 juin 2016 le fils aîné de Donald Trump, à qui avaient été promises des informations embarrassantes sur Hillary Clinton. Le journal estime qu’une “énième tentative de trouver la ‘piste russe’ dans l’élection présidentielle américaine de 2016 a, semble-t-il, une fois de plus échoué”. Une conclusion qui peut paraître hâtive eu égard aux proportions que prend cette affaire qui sape chaque jour un peu plus la présidence Trump.

Révélée par le New York Times, la rencontre, qui a eu lieu à la Trump Tower, en présence du gendre de Trump Jared Kushner et de son directeur de campagne de l’époque, Paul Manafort, n’a pas donné les résultats espérés à en croire Donald Trump Jr., qui a assuré que l’avocate n’avait aucun renseignement à fournir. Interrogée par NBC, cette dernière a déclaré qu’“[elle] n’avai[t] pas les informations sur Clinton” que les Américains attendaient “ardemment” d’elle. Et qu’elle n’avait aucun lien avec le Kremlin. De son côté, le porte-parole de la présidence russe a formellement démenti tout lien avec Vesselnitskaïa.

Réputation sulfureuse

Cette avocate de 42 ans, qui a prêté serment en 2009 après avoir travaillé pour une banque et pour le parquet de la région de Moscou, comme le rappelle le site de Fontanka, n’est pas une inconnue en Russie. Le journal d’investigation Novaïa Gazeta évoquait son nom déjà en 2012 dans une affaire de “raid” financier (une de ces opérations frauduleuses qui ont fleuri en Russie dans les années 2000, visant à s’emparer d’entreprises, de terrains ou d’immeubles).

L’avocate “a accès à l’élite”, souligne Fontanka. Elle serait proche (selon certaines sources, l’épouse) de l’ancien vice-procureur de la région de Moscou, Alexandre Mitoussov. Ce dernier est actuellement le vice-président d’une compagnie de transport d’hydrocarbures et se trouve lié à de nombreuses personnes très haut placées.

Lobbying contre la loi Magnitski

Vesselnitskaïa “n’est pas une simple avocate, et le Kremlin est très certainement au fait de son existence”, avance le journaliste Iouri Berchidski sur le site The Insider. Elle est surtout “connue pour sa lutte acharnée contre la loi Magnitski”, soit les sanctions américaines qui frappent la Russie à la suite de la mort en garde à vue, en 2009, de l’avocat Sergueï Magnitski, qui avait mis au jour une fraude fiscale à grande échelle impliquant des fonctionnaires, des policiers et des juges.

Pour cela, elle avait multiplié les déplacements sur le sol américain. Ainsi, l’avocate avait cofondé l’organisation Human Rights Accountability Initiative, enregistrée dans l’État du Delaware, dont l’objectif était de lutter contre la loi russe interdisant aux couples américains d’adopter les enfants en Russie (surnommée “loi Dima Iakovlev”), mise en place par Moscou en représailles à la loi Magnitski. Usant de ce prétexte, l’officine poursuivait en réalité le même objectif, celui de la levée de sanctions visant la Russie.

“Dernièrement, Vesselnitskaïa assurait la défense de l’homme d’affaires russe Denis Katsyv, accusé aux États-Unis de blanchiment d’argent provenant de la fraude révélée par Magnitski”, poursuit le site. L’affaire a donné lieu à une transaction, Katsyv ayant accepté de payer aux autorités américaines une somme supérieure au montant de la fraude.

Et The Insider de conclure : Vesselnitskaïa “faisait certainement partie de la campagne du Kremlin pour la levée d’une loi américaine indésirable pour les autorités russes”.