Royaume-Uni

Un an après son arrivée, Theresa May a presque disparu

La Première ministre britannique a réussi à totalement gommer son image solide et raisonnable en accumulant les erreurs et les mauvais choix au cours des derniers mois.
par Sonia Delesalle-Stolper, Correspondante à Londres
publié le 12 juillet 2017 à 19h13

Elle a disparu. Pour l’anniversaire de sa première année à la tête du gouvernement, nulle mention de Theresa May sur la page du site internet du parti conservateur britannique. Comme si elle n’existait plus. Officiellement, Theresa May est toujours la Première ministre. Mais elle n’est plus audible, presque plus visible, et, lorsqu’elle apparaît, son image figée évoque un hologramme au sourire crispé qui aurait pris sa place. Il y a deux jours, un journaliste britannique impertinent lui demandait ce que sa propre récente expérience lui avait appris sur la précarité d’un emploi. Elle n’a pas répondu, a souri nerveusement. Parce qu’elle sait qu’elle est en sursis et plus du tout aux commandes du pays.

Triste anniversaire. Le 13 juillet dernier, son arrivée au 10, Downing Street avait été accueillie par tous avec un soupir de soulagement. Enfin, un esprit raisonnable et posé reprenait en main un pays qui, depuis la surprise du résultat du référendum du 23 juin, semblait marcher sur la tête. Les plus ardents défenseurs du Brexit, la sortie de l’Union européenne, absolument pas préparés à la victoire de leur camp, s’étaient carapatés. David Cameron a démissionné, Boris Johnson et Michael Gove étaient effondrés, il ne restait qu’elle.

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Péché d'arrogance

Les plus enthousiastes parlaient d'une nouvelle Margaret Thatcher. Theresa May, timide partisane du maintien au sein de l'UE pendant la campagne, embrassait soudain avec enthousiasme le Brexit. Elle promettait d'être une «foutue difficile bonne femme» pendant les négociations sur la sortie. A tel point qu'elle n'hésitait pas à choisir très vite, dès le mois de janvier, le Brexit le plus extrême qui soit, avec une sortie de l'union douanière et du marché unique, arguant que «Brexit veut dire Brexit et nous allons en faire un succès».

En un an, cette devise est devenue une ritournelle péniblement agaçante tant elle a été souvent répétée, sans être vraiment suivie d’éléments concrets. En un an, presque rien n’a bougé. L’article 50 enclenchant la sortie du Royaume-Uni de l’UE a bien été invoqué et une première séance de négociations a bien eu lieu (la deuxième se tiendra la semaine prochaine), mais les Britanniques semblent toujours aussi peu préparés et surtout de moins en moins convaincus sur la direction à prendre. Theresa May n’a plus de légitimité pour mener les débats et gérer les dissensions au sein de son parti. Elle paye son péché d’arrogance. En convoquant des élections anticipées le 8 juin, alors qu’elle disposait d’une vingtaine de points d’avance sur le Labour dans les sondages, elle pensait arracher une large majorité et s’offrir l’onction des urnes, elle qui n’avait pas été élue à la tête du gouvernement. Sûre de sa victoire, elle n’a presque pas ou très mal fait campagne. Le leader travailliste, Jeremy Corbyn, s’est épanoui, tandis qu’elle perdait sa majorité au Parlement.

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Voix dissonantes

Elle qui promettait la stabilité incarne désormais un pays qui ne sait plus sur quel pied danser. Les voix au sein du cabinet sont dissonantes. Certains parlent toujours d’un Brexit dur, voire d’une sortie de l’UE sans aucun accord. D’autres évoquent des compromis, une période de transition. D’autres encore espèrent en douce un non-Brexit. Parce que les indicateurs économiques et les chefs d’entreprise pointent du doigt les conséquences désastreuses.

Bien entendu, Boris Johnson, ministre des Affaires étrangères, continue de mettre les pieds dans le plat, en annonçant que les 27 «peuvent toujours courir», s'ils espèrent que le Royaume-Uni versera les sommes sur lesquelles il s'est engagé dans le budget européen. L'Union européenne, elle, est fin prête à négocier, et commence, par la voix de Michel Barnier, à s'impatienter. Mercredi, le négociateur en chef de l'UE pour le Brexit, a fermement répliqué à Boris Johnson : «Je ne vois personne courir, mais je vois les aiguilles de l'horloge avancer.»

Signe ultime de faiblesse, Theresa May a appelé tous les partis à «coopérer et à partager leurs idées et suggestions». Le leader du Labour, Jeremy Corbyn, qui pour la première fois en un an la devance largement dans les sondages, s'est empressé de lui envoyer son manifeste électoral.

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