Partager
Défense

Budget : rappelé à l'ordre, le général de Villiers va-t-il rester en fonction?

Face aux coupes budgétaires, le chef d'état-major des armées menaçait de démissionner. Le président Macron n'a pas apprécié et a rappelé à l'ordre le général Pierre de Villiers. Edouard Philippe a toutefois rappelé vendredi qu'il pouvait rester dans ses fonctions. 

2 réactions
Le général Pierre de Villiers réclame plus de fonds pour l'armée.

Le général Pierre de Villiers estime que les efforts budgétaires demandés à l'armée ne sont pas tenables.

AFP

Le général Pierre de Villiers peut "bien entendu" rester dans ses fonctions de chef d'état major de l'armée, a déclaré vendredi 14 juillet Edouard Philippe, malgré le sévère recadrage jeudi soir par Emmanuel Macron sur fond de tensions budgétaires avec les Armées. M. de Villiers peut-il rester en fonction? "Bien entendu. Vous savez, un message, quand il est exprimé par un chef, est formulé de façon forte et claire et il est reçu", a répondu le Premier ministre sur BFMTV, après le défilé militaire du 14 juillet sur les Champs-Elysées.

"Je comprends tous les débats, toutes les interrogations, toutes les discussions, mais s'agissant des armées, et s'agissant du chef des armées, quand une consigne est donnée, elle est tenue", a également déclaré Edouard Philippe.

Le président Emmanuel Macron a annoncé jeudi 13 juillet que le budget des Armées serait relevé dès 2018 afin d'engager une trajectoire permettant d'atteindre l'objectif d'un effort de défense à 2% du PIB en 2025. "Dès 2018 nous entamerons (une hausse)" du budget des Armées à "34,2 milliards d'euros", a-t-il dit devant la communauté militaire à la veille du 14 juillet. Par ailleurs, il a estimé qu'il n'était "pas digne d'étaler certains débats sur la place publique". "Je suis votre chef", a-t-il martelé, ajoutant n'avoir "besoin de nulle pression".

La colère du chef d'état-major

Une référence à peine voilée au chef d'état-major des armées très remonté contre le train d'économies imposé à la défense, et qui n'a pas caché sa colère lors d'une réunion avec des députés. Le général, auditionné mercredi devant la commission de la Défense à l'Assemblée nationale, a tapé du poing sur la table en expliquant que l'armée avait déjà "tout donné" et que la situation n'était "pas tenable". "Je ne vais pas me faire baiser comme cela", a ajouté le général de Villiers, cité par plusieurs participants. Le chef d'état-major des armées est réputé pour son franc-parler et sa détermination à défendre le budget des armées face à Bercy. Devant les députés, il a expliqué que, faute de moyens, l'armée française devait régulièrement annuler des opérations après parfois des mois de recherche sur le terrain. "J'ai entendu et vu un homme très en colère (..) Il était remonté contre les coupes budgétaires et considère qu'elles ne permettront pas à nos armées de fonctionner comme il se doit", a décrit le député socialiste Luc Carvounas.

En 2014, Pierre de Villiers avait mis sa démission dans la balance, avec les chefs d'état-major des trois armées (Air, Terre et Mer), devant la perspective de coupes budgétaires. Le ministre de la Défense de l'époque, Jean-Yves Le Drian, avait alors pris fait et cause pour ses troupes. Selon Les Echos, il aurait une nouvelle fois laissé entendre qu'il pourrait démissionner lors de la commission de la Défense à l'Assemblée nationale de mercredi.

Le gouvernement d'Edouard Philippe a détaillé ces mesures d'économies mercredi au moment même où le général de Villiers était officiellement reconduit dans ses fonctions pour un an. Les armées vont ainsi devoir assumer en 2017 le surcoût des opérations extérieures (850 millions d'euros) qui était jusqu'ici réparti entre les autres ministères au nom de l'effort collectif de défense. Concrètement, leur budget restera en apparence inchangé par rapport à celui voté par le Parlement en 2016 (32,7 milliards d'euros). Mais elles auront 850 millions de crédits en moins pour leurs programmes d'équipements. Elles ont besoin d'avions de ravitaillement en vol, d'hélicoptères et de blindés pour renouveler des matériels vieillissants, autant de moyens qui leur font cruellement défaut aujourd'hui sur des théâtres d'opérations grands comme l'Europe.

Le maintien du chef d'état-major en question

Le général de Villiers a-t-il outrepassé son devoir de réserve? Malgré les déclarations d'Edouard Philippe, se pose la question du maintien de Pierre de Villiers qui, à 61 ans, vient tout juste d'être reconduit pour une dernière année. "Il est certain que c'est un moment difficile pour le chef d'Etat-major des armées. Il a été désavoué", estime pour l'AFP le général Dominique Trinquand, qui a travaillé sur l'aspect Défense du programme d'Emmanuel Macron.

Le général de Villiers s'est insurgé en des termes très crus devant des députés d'une réduction des moyens alloués aux armées en 2017. "Ce grand écart n'est plus tenable", a-t-il renchéri dans une tribune vendredi au Figaro. Face à ce constat "violent", le président de la République, qui est aussi chef des armées, a "remis les choses en place très fermement avec une nouveauté dont on n'a pas l'habitude chez les hommes politiques", résume Dominique Trinquand. "C'est un président qui décide et qui dit ce qu'il pense", poursuit l'ancien chef de la mission militaire française auprès des Nations unies.

"Il s'est exprimé dans un cadre qui est justement fait pour avoir une parole franche", affirme à l'AFP Bénédicte Chéron, historienne et spécialiste des relations armée-société. "C'est aussi un principe démocratique: les citoyens au nom desquels l'armée professionnelle porte les armes doivent pouvoir être tenus au courant de ce que les grands chefs militaires peuvent dire et penser", dit-elle.

Un "malentendu" entre 2 "hommes de caractère"

Le général Olivier de Bavinchove, ancien commandant de la force de l'Otan en Afghanistan, déplore pour sa part "un malentendu" entre deux "hommes de caractère" et juge normal que le dernier mot revienne au président. "Les armes cèdent à la toge. Cela me semble assez salutaire si on veut continuer à vivre en démocratie", a-t-il dit à l'AFP.

Le chef d'Etat-major des armées (CEMA), comme ses subordonnés terre, air et mer alerte depuis des années sur l'ampleur des missions demandées aux armées, du Sahel au Moyen-Orient, face aux moyens alloués.

"Pour moi ils étaient chacun dans leur rôle. Le général de Villiers a dit son besoin en budget pour faire un certain nombre de choses. Après les gens ont eu le sentiment que c'était une attaque en règle", analyse un haut gradé qui ne le voit pas démissionner.

Sur internet, les marques de soutien ont afflué. "Ce n'est pas de cette manière que l'on s'adresse à un CEMA et à travers lui à tous les militaires", a twitté Régis Ollivier (@LeColonelActus), se présentant comme un officier.

Le chef militaire est apparu livide lors de la revue des troupes vendredi matin au côté du président sur les Champs-Elysées et serait tenté de tirer sa révérence, selon certaines sources militaires. Mais il pourrait aussi "ravaler son amour-propre et rester contre vents et marées", estime Bénédicte Chéron.

(Avec AFP)

2 réactions 2 réactions

Centre de préférence
de vos alertes infos

Vos préférences ont bien été enregistrées.

Si vous souhaitez modifier vos centres d'intérêt, vous pouvez à tout moment cliquer sur le lien Notifications, présent en pied de toutes les pages du site.

Vous vous êtes inscrit pour recevoir l’actualité en direct, qu’est-ce qui vous intéresse?

Je souhaite TOUT savoir de l’actualité et je veux recevoir chaque alerte

Je souhaite recevoir uniquement les alertes infos parmi les thématiques suivantes :

Entreprise
Politique
Économie
Automobile
Monde
Je ne souhaite plus recevoir de notifications