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Santé

Alimentation : les jardins associatifs sont-ils efficaces dans les quartiers défavorisés ?

Est-ce que les habitants des quartiers défavorisés consomment davantage de fruits et légumes s'ils en cultivent eux-mêmes ? La réalité semble plus complexe que cela, montre une première étude sur le sujet.

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A gauche, photo du jardin d'un quartier d'habitat social d'Aix en Provence. A droite, photo prise à la Rouguière, quartier d'habitat social dans le 11e arrondissement de Marseille, montrant des jardins associatifs.

Des jardins associatifs à la Rouguière, quartier d'habitat social dans le 11e arrondissement de Marseille.

© Florence Ghestem

Manger 5 fruits et légumes par jour ? Ce n'est pas automatique pour les individus des classes dites "populaires". Et ce pour plusieurs raisons. "Les recommandations sanitaires sont moins facilement intégrées dans les milieux modestes, car de manière générale, la santé future n'est pas une préoccupation majeure dans leurs choix alimentaires", explique Séverine Gojard, sociologue à l'Institut national de recherche agronomique, lors d'un point presse donné à Paris le 7 juillet 2017. Et bien sûr, les fruits et légumes sont des produits chers dont la conservation est limitée dans le temps, induisant un risque de gaspillage que ne peuvent pas se permettre les personnes en situation financière difficile.

De faibles portions ramenés chez soi...

Alors que faire ? Nicole Darmon, directrice de recherche de l'Inra et spécialiste des inégalités sociales en nutrition, évalue l'intérêt des jardins potagers associatifs dans les quartiers défavorisés. Elle a mené une première étude au printemps, auprès de 21 femmes âgées de 51 ans en moyenne et dans une situation financière difficile (1 seul homme s'est porté volontaire mais il n'a pas été inclus pour ne pas apporter de biais à l'étude...). Les jardinières ont accès à une parcelle de 20 m2 dans des jardins associatifs implantés au pied d’immeubles HLM dans les quartiers nord de Marseille, parmi les plus défavorisés de France. Les résultats, publiés depuis juin 2017 dans la revue Appetite, sont assez inattendus.

"Sur les 21 jardinières qui ont participé à l’étude, 11 seulement ont rapporté à leur domicile des produits du jardin et pour une quantité équivalente à 53 grammes par jour et par personne, soit une faible portion", commente la chercheuse. En fait, les jardinières voient un tout autre intérêt à s'occuper d'un petit carré de terre : "Pour elles, l'objectif n'est pas vraiment de produire en quantité mais de se détendre dans le cadre d’une activité ludique et récréative, sortir de chez soi, être dehors et profiter de la nature, toucher la terre et voir pousser les légumes, bénéficier d’un espace de rencontre et de sociabilité, bouger", détaille Nicole Darmon. 

... mais plus de fruits et légumes achetés !

Toutefois, les "jardinières" achètent bien plus de fruits et légumes que leurs voisines : 370 grammes par jour et par personne (proche des 400 grammes recommandés) contre seulement 221 grammes par jour. Mais la chercheuse n'a pas pu analyser leurs portions de fruits et légumes achetés avant qu'elles se mettent au jardinage... Ainsi, impossible avec cette étude de savoir si la parcelle a créé un déclic chez les jardinières ou bien si elles ont demandé à avoir une parcelle de jardin justement parce qu’elles étaient déjà sensibilisées aux fruits et légumes, et en achetaient déjà des quantités importantes.

"Nous allons réaliser une autre étude à partir de septembre 2017 sur un plus grand nombre d'individus dans des quartiers socialement contrastés de Montpellier pour répondre à cette question", précise Nicole Darmon. Des habitants de milieux "populaires" seront suivies, mais aussi des classes moyennes et "supérieures". La chercheuse espère également pouvoir obtenir des financements pour étudier l'intérêt des potagers au balcon sur l'alimentation.     

"Aussi faibles que soient les quantités de produits potagers récoltés par les femmes dans ces jardins associatifs, nos travaux suggèrent qu'y avoir accès pourrait entrouvrir, pour les populations vivant en quartier d’habitat social, une fenêtre de réflexion sur l’alimentation, capable de stimuler l’adoption de comportements d'achat alimentaire plus en accord avec les préconisations de santé publique", estime la chercheuse. Toutefois, cela ne marcherait que sur les fruits et légumes : les 21 femmes des quartiers nord de Marseille n'ont pas modifié leurs habitudes concernant les autres groupes d'aliments...

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