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EXCLUSIF. Emmanuel Macron : "Ce que j'ai dit à Donald Trump"

Emmanuel Macron raconte au JDD ses conversations avec le président américain Donald Trump.

Rédaction JDD , Mis à jour le
Emmanuel Macron et Donald Trump le jeudi 14 juillet.
Emmanuel Macron et Donald Trump le jeudi 14 juillet. © Reuters

Un "diner d’amis". C’est de cette manière qu’Emmanuel Macron avait qualifié le moment "privé" avec Donald Trump et son épouse au 2e étage de la Tour Eiffel. Au JDD, Emmanuel Macron confirme : "Cette réalité nous dépasse, dit le président de la République. Oui, nos pays sont amis et donc, nous aussi, nous devons l’être. Avec Trump, nous avons commencé à construire une relation avec une part de meilleure connaissance intime, le début d’une relation de confiance sur l’ensemble des sujets stratégiques, y compris sur nos désaccords."

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Parler au monde, relancer l'Europe, diriger la France. C'est avec ce triple objectif qu'Emmanuel Macron assure vouloir se démultiplier, agir sur tous les fronts à la fois. Depuis son élection, le président de la République dit avoir passé "la moitié de [son] temps sur les sujets internationaux", pour ajouter aussitôt que les enjeux de sa politique étrangère et les réformes qu'il ­engage à l'intérieur de nos frontières sont "indéfectiblement liées". Au terme d'une semaine intense marquée par les visites d'Angela ­Merkel puis de Donald Trump à Paris, le défilé du 14-Juillet et l'hommage aux victimes de l'attentat de Nice, c'est un chef de l'État harassé mais optimiste qui livre ses confidences au JDD. Sur ses relations avec son homologue américain, ses tête-à-tête avec Vladimir Poutine et Angela Merkel, sa vision d'un monde à reconstruire.

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Trump, la nécessité "d'être amis"

Avec Donald Trump, de trente et un ans son aîné, le président français a misé sur le ressort de l'amitié historique entre nos deux pays. À Bruxelles, fin mai, il avait qualifié (dans le JDD) sa poignée de main virile avec le président américain de "moment de vérité". À Paris, on est passé aux accolades un peu surjouées pour exprimer le lien entre deux nations partageant un patrimoine et une alliance. D'où la visite aux Invalides – choix personnel, assure Macron, qui a même joué le guide de musée. "J'ai voulu insister avec lui sur la cohérence historique de l'action de la France, explique-t-il. Nous n'avons jamais accepté de subir notre destin, notamment au cours de la Première Guerre mondiale." Les deux chefs d'État ont évoqué le général Pershing, chef des troupes américaines en France en 1917, ainsi que "le temps passé par Thomas Jefferson en France et en quoi ce séjour l'avait inspiré pour bâtir son domaine de Monticello en Virginie". "C'était important de montrer que nos deux nations ont des liens humains et civilisationnels très forts."

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Donald Trump a compris le sens de ma démarche, notamment le lien qui existe entre réchauffement climatique et terrorisme.

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 Parmi les désaccords entre Donald Trump et Emmanuel Macron, la plaie toujours ouverte sur le climat. Mais le président français se veut optimiste, surtout après la phrase prononcée jeudi par son homologue américain annonçant que "quelque chose peut se passer" sur la position américaine. "Donald Trump m'a écouté, estime-t-il. Il a compris le sens de ma démarche, notamment le lien qui existe entre réchauffement climatique et terrorisme. Il m'a dit qu'il allait essayer de trouver une solution dans les prochains mois. On a parlé dans le détail de ce qui pourrait lui permettre de revenir dans l'accord de Paris. Je pense qu'il a vu aussi [chez lui] la mobilisation des villes, des États, du monde des affaires et de son propre entourage pour que les États-Unis restent engagés dans la lutte contre le réchauffement. C'est important de maintenir le dialogue pour que les États-Unis puissent à terme réintégrer le champ de l'action contre le réchauffement climatique et jouer le jeu du multilatéralisme."

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"Je pense que Donald Trump est reparti en ayant une meilleure image de la France qu'à son arrivée."

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Ce dialogue, il s'est poursuivi à table jeudi soir à la tour Eiffel – encore un choix personnel du Président. Dîner de couples, avec Melania et Brigitte, chez un autre chef, étoilé celui-là, Alain Ducasse. "C'était l'un des objectifs de cette visite, donner aux Américains et au reste des États-Unis une image plus forte de la France et de Paris, nous dit Emmanuel Macron. C'était important du fait de la baisse d'attractivité touristique l'an dernier causée par les attentats. C'est pour cela que j'avais choisi la tour Eiffel, pour donner un visage ouvert et attractif de Paris, de notre pays et de son économie."Dit avec un sourire dans la voix, cela donne : "Je pense que Donald Trump est reparti en ayant une meilleure image de la France qu'à son arrivée." Les deux chefs d'État ont prévu de se reparler bientôt pour évoquer les événements qui s'accélèrent au Levant, où nos armées combattent pour anéantir Daech et préparer l'avenir de l'Irak et de la Syrie. "On a besoin d'avoir un dialogue stratégique avec les États-Unis, précise Macron. Mon objectif avec Donald Trump, c'est de le réancrer dans cette amitié franco-­américaine qui contribue à défendre nos valeurs de démocratie et de liberté. C'est donc important de lui parler pour éviter qu'il ne construise des alliances opportunistes avec d'autres nations qui pourraient mettre à mal cette grammaire internationale dont nous avons besoin."

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Poutine et les "lignes rouges"

Parmi ces "autres nations", pense-t-il à la Russie? Il ne veut pas parler de la relation entre les États-Unis et la Russie. Mais de l'ingérence russe dans les processus électoraux, oui, parce que la France a été visée. "Avec Vladimir Poutine, l'ingérence russe dans la campagne française a été le sujet quasi exclusif de notre premier entretien téléphonique. Je lui ai dit quels étaient les éléments factuels en ma possession sur le piratage informatique et le comportement de certains médias."Ont-ils tourné la page depuis leur rencontre à Versailles, le 29 mai? Macron relativise : "Ces sujets de susceptibilité ne doivent pas perturber notre relation bilatérale. Ce qui est important, c'est de bâtir un protocole pour éviter que les piratages informatiques ne se reproduisent. Nous y travaillons. L'argument utilisé [par les Russes] consiste à dire que ce ne sont pas des acteurs officiels qui agissent. Pour s'en assurer, il est important que nos services officiels puissent s'échanger leurs informations…" Sous quelle forme, avec quelles garanties? Le Président s'arrête là. Le sujet est sensible. Il sait que les services français suivent de près l'activité des agents russes en France.

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Avec Vladimir Poutine, l'ingérence russe dans la campagne française a été le sujet quasi exclusif de notre premier entretien téléphonique

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Ne s'agit-il pas aussi d'obtenir une place pour la France à la table des négociations sur l'avenir de la Syrie? "Poutine est l'allié de Bachar El-Assad. Moi, je suis sur une position qui consiste à dire que je ne fais pas de la destitution de Bachar un préalable à tout, mais à chercher comment on peut reconstruire cette région en éradiquant le terrorisme. C'est une inflexion par rapport à mon prédécesseur." Ce changement est assorti de "deux lignes rouges" : "Je serai intraitable sur les armes chimiques. Si elles sont utilisées, je répliquerai – et je m'étais mis en situation opérationnelle de pouvoir le faire avant de le dire", signale-t-il. Second point : "J'exige des accès humanitaires pour sauver les civils dans les théâtres d'opérations." Il précise : "Je constate depuis la rencontre de Versailles que nous avançons sur ces deux sujets. Sur le terrain, la collaboration entre nos services sur ces sujets est totalement transformée." Faut-il pour autant rouvrir l'ambassade de France à Damas, fermée depuis six ans? Serait-ce briser un tabou que de le décider? On dit à l'Élysée que le sujet n'est "pas à l'ordre du jour".

Merkel, le "dialogue permanent"

Le terrorisme, donc : avec ­Donald Trump, Vladimir ­Poutine, ­Benjamin Netanyahou qu'il ­reçoit dimanche ou Angela Merkel, c'est le premier sujet de préoccupation. Ce n'est pas un hasard si jeudi matin les ministres de l'Intérieur français et allemand ont été conviés au conseil de défense commun qui s'est tenu à Paris. ­Migrations, asile, terrorisme, ­Macron veut accélérer sur ces chantiers avec la chancelière. Elle, bien sûr, est en campagne pour sa réélection (le scrutin se tiendra le 24 septembre). Mais cela n'empêche pas le couple d'être en contact presque quotidiennement.

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Avec Angela Merkel, nous avons rétabli une méthode qui existait du temps de François Mitterrand et Helmut Kohl 

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"Avec Angela Merkel, j'ai un dialogue extrêmement direct, franc, amical et permanent, nous dit le Président. Nous avons rétabli une méthode qui existait du temps de François Mitterrand et Helmut Kohl : arrêter des positions communes en amont des Conseils européens. On y gagne du temps et de la force." ­Merkel a en outre "accepté de prendre en compte des objectifs importants de [la] campagne [de Macron] sur l'Europe de la protection", indique le chef de l'État. "Elle nous a suivis alors que ce combat n'était pas forcément le sien, en particulier sur le sujet des travailleurs détachés ou du dumping social. C'est une cause qui m'engage auprès de tous les autres Européens, que je vais continuer de voir tout au long de l'été – en espérant des résultats d'ici à la fin de l'année." Avec cette conviction, qu'il avait déjà mise en avant durant la campagne présidentielle et dont il veut continuer à faire son leitmotiv, que l'Europe n'est pas seulement une fin mais surtout un moyen.

François Clemenceau et Hervé Gattegno

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