Invité dimanche 16 juillet à Paris pour commémorer la rafle du Vél’ d’Hiv, arrestation massive de juifs par la police française en 1942, le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, rencontrera pour la première fois le président français, Emmanuel Macron.
Les deux dirigeants, qui seront accompagnés de leurs épouses, se retrouveront dans la matinée au quai de Grenelle, dans le 15e arrondissement, pour assister à la cérémonie de « commémoration des victimes des crimes racistes et antisémites de l’Etat français et d’hommage aux Justes de France ». Après un dépôt de gerbes et l’observation d’une minute de silence, MM. Macron et Nétanyahou feront successivement une déclaration, place des Martyrs-Juifs-du-Vél’-d’Hiv.
Ils reviendront sur cet épisode dramatique. Il y a soixante-quinze ans, le 16 juillet 1942 et les jours suivants, à la demande des Allemands, plus de 13 000 juifs – dont 4 115 enfants – sont arrêtés à leur domicile à Paris et en banlieue, par 9 000 fonctionnaires français. Entassées dans des autobus, 8 160 personnes sont conduites au stade du Vélodrome d’Hiver, sur le quai de Grenelle à Paris. Le 22 juillet, elles sont évacuées vers les camps de Drancy, Pithiviers et de Beaune-la-Rolande puis envoyées en camps d’extermination. Quelques dizaines d’adultes seulement survivront.
Cet épisode tragique a fait polémique pendant la dernière campagne présidentielle, la candidate du Front national Marine Le Pen ayant été vivement critiquée pour avoir affirmé que la France n’était « pas responsable du Vél’ d’Hiv ». Jacques Chirac, alors président de la République, avait lui reconnu la responsabilité française en juillet 1995, une position depuis reprise par ses successeurs.
La position de la France à éclaircir sur le conflit israélo-palestinien
A l’issue de la cérémonie dimanche matin, M. Nétanyahou, qui n’est pas venu en France depuis la grande marche contre le terrorisme après les attentats de Charlie Hebdo et de l’Hyper Cacher en janvier 2015, aura un entretien bilatéral avec M. Macron. L’occasion pour le dirigeant israélien de tester son interlocuteur quant aux intentions de la France concernant le rôle qu’elle entend jouer dans le dossier israélo-palestinien.
M. Macron, qui a reçu récemment à l’Elysée le président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas, a bien réitéré le soutien de la France à la solution à deux Etats et sa condamnation de la colonisation israélienne, deux axes traditionnels de la diplomatie française sur ce sujet. Mais il n’a pas dit s’il entendait relancer l’initiative française de son prédécesseur François Hollande, qui prônait une approche internationale du conflit et avait organisé en janvier 2017 une conférence internationale sur le Proche-orient, provoquant l’ire d’Israël.
« Nétanyahou est un redoutable animal politique et veut s’assurer que la France n’interviendra pas davantage », analyse Jean-Paul Chagnollaud, spécialiste de la question palestinienne, qui rappelle également qu’à l’Elysée, Nicolas Sarkozy puis M. Hollande, « ont espéré avoir de bons rapports avec M. Nétanyahou et ont déchanté assez vite ».
Les négociations entre Israéliens et Palestiniens n’ont jamais repris depuis l’échec d’une médiation américaine au printemps 2014, et, si le conflit reste de basse intensité, l’explosion menace en permanence. L’Iran devrait également être abordé au cours de l’entretien, tout comme la Syrie, qui inquiète de plus en plus Israël compte tenu de l’implication iranienne dans le conflit.
L’Union juive française pour la paix « choquée »
M. Nétanyahou quitte une Jérusalem en proie à un fort regain de tension, après une attaque anti-israélienne vendredi dans la vieille ville qui a entraîné la fermeture temporaire de l’esplanade des Mosquées. Le chef du gouvernement israélien, déjà sous le coup de deux enquêtes, laisse également derrière lui des ennuis qui s’amoncellent, notamment une affaire de corruption présumée liée à l’achat de sous-marins allemands qui impliquerait ses proches.
Sa venue en France pour commémorer le 75e anniversaire de la rafle du Vél’ d’Hiv, une des taches les plus sombres de l’histoire contemporaine française, fait grincer quelques dents, certains dénonçant « un mélange des genres » ou « une instrumentalisation » des juifs français.
L’association Union juive française pour la paix (UJFP) se dit ainsi « choquée » qu’un dirigeant israélien soit convié à la commémoration d’un « crime contre l’humanité franco-français ». Le Parti communiste a également protesté, estimant que M. Nétanyahou n’était pas porteur d’un « message de paix ».
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