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Économie

Les économistes se sentent exclus du pouvoir par Emmanuel Macron

Très présents dans l’élaboration du projet présidentiel, les économistes n’ont pas obtenu de poste stratégique dans l’entourage d’Emmanuel Macron. Ils espèrent peser au sein du Conseil d’Analyse Economique qui pourrait être réformé.

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Emmanuel Macron le 13 juillet

« Emmanuel Macron a écarté les économistes qui avaient largement participé à l’élaboration de son projet.»

(c) Sipa

Elie Cohen est en colère. Cet économiste, directeur de recherche au CNRS, a soutenu Emmanuel Macron, en s’affichant dans certains meetings, comme à Lyon en février, sans pour autant participer à la campagne. Aujourd’hui, il déplore l’absence d’économistes dans les équipes de l’exécutif. A l’exception de Marc Ferracci, un ami du président, qui a élaboré une grande partie de son programme social, nommé conseiller spécial de Muriel Pénicaud, la Ministre du Travail, les têtes pensantes de l’économie n’ont presque rien obtenu. « Emmanuel Macron a écarté les économistes qui avaient largement participé à l’élaboration de son projet. Sa garde rapprochée, notamment le secrétaire général de l’Elysée, n’a pas de contre-expertise pour contrebalancer le point de vue des technocrates, notamment ceux de Bercy », déplore Elie Cohen.

De fait, Philippe Martin, le chef économiste de l’équipe Macron, n’a pas eu de poste et surtout Jean Pisani-Ferry, le coordinateur de son programme, que certains voyaient déjà ministre, n’a bénéficié que d’un lot de consolation, avec une mission sur le plan d’investissement de 50 milliards d’euros, une des mesures phares du programme. Sur son compte Twitter, le très discret Pisani-Ferry n’a pas caché sa déception : en réponse à son collègue Nicolas Véron, du think tank Bruegel, qui le félicitait de « superviser » ce plan d’investissement, il a lâché, le 4 juillet : « Rien d’extraordinaire. On me demande un rapport (stimulant), pas plus ».

Déception face aux reculades

Au-delà des déceptions personnelles, l’absence d’économistes du premier cercle autour du président pose problème. « Tout remonte au Chef de l’Etat, qui n’a pas de contre-pouvoir pour le mettre en garde sur certaines décisions, ni dans son groupe parlementaire, ni dans son parti politique, déplore Elie Cohen. Les différents points de vue ne sont pas exprimés. Il faut que le président organise des mécanismes d’alerte, notamment en consultant les économistes, afin d’être informé très tôt des dérapages dans la conduite de ces réformes ».

Beaucoup d’experts ont été déçu des « reculades » de l’exécutif, qui avait d’abord décidé d’étaler la mise en œuvre des réformes fiscales (ISF, taxe d’habitation, revenus du capital) pour tenir les déficits en dessous de 3%. Mais lors des Rencontres Economiques d’Aix, qui ont rassemblé grands patrons et économistes, du 7 au 9 juillet, Philippe Aghion, professeur au Collège de France, l'un des inspirateurs du projet macroniste, a tapé du poing sur la table: « La priorité, c'était de provoquer un choc fiscal pour stimuler la croissance. Il ne fallait pas différer ces réformes », a-t-il déploré. Une prise de position qui a contribué à convaincre Emmanuel Macron de frapper vite et fort: les réformes seront mises en œuvre dès l’année prochaine pour en maximiser les effets.

C’est un vrai paradoxe. Par rapport à ses prédécesseurs, François Hollande et Nicolas Sarkozy, Emmanuel Macron est plus proches des économistes –quarante d’entre eux lui ont apporté leur soutien pendant la campagne. C’est lui qui jouait le rôle d’animateur du groupe de « La Rotonde », en 2011, rassemblant Philippe Aghion, Gilbert Cette et Elie Cohen et qui planchait sur le programme économique du candidat Hollande. Dans son équipe de campagne, le candidat Macron avait nommé plusieurs économistes référents: Hélène Rey (London Business School), Anne Pérot, spécialiste de la concurrence,  Marc Ferracci, Philippe Aghion et Philippe Martin. Seul Marc Ferracci a été vraiment présent dans les médias dans la dernière ligne droite de la campagne. « La garde rapprochée du candidat Macron verrouillait tellement la communication qu’il était difficile pour ces économistes de s’exprimer », souligne un proche du président.

Réformer le CAE qui travaillerait pour Matignon et l’Elysée

Toutefois, certains pensent qu’il peut encore modifier son dispositif pour associer les économistes à la décision. La piste: le Conseil d’Analyse Economique, présidé par Agnès Benassy-Quéré, qui rassemble des universitaires et chercheurs, réalisant des rapports destinés à Matignon. Une instance dont l’utilité est étroitement liée à l’intérêt porté par le Premier Ministre. Par exemple, Manuel Valls a séché la plupart des réunions du CAE qui se contentaient de la présence de sa directrice de cabinet. « Un CAE réformé doit avoir un rôle pour éclairer les décisions du Président et du Premier Ministre, souligne Philippe Aghion. L’exécutif a besoin de bénéficier de l’avis totalement libre des économistes sur la conduite et sur l’effet des réformes ». Pour ce proche du président, Emmanuel Macron, qui a été rapporteur de la Commission Attali, est totalement convaincu du bénéfice de ce type d’instance, qui pourrait à la fois travailler pour Matignon et pour l’Elysée. Les économistes doivent donc patienter. Macron pourrait bientôt leur faire une place…  

 

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