Depuis 2015, la Finlande a durci ses conditions d’accès à l’asile. Les demandeurs d’asiles irakiens, somaliens et afghans déboutés de leur requête risquent maintenant d’être expulsés du pays. La Finlande ne leur accorde plus la protection humanitaire car la situation sécuritaire de ces trois pays est jugée bien meilleure. Pourtant la guerre continue d’y sévir.
Sur les réseaux sociaux, nombre de vidéos documentent le renvoi forcé de déboutés d'irakiens, déboutés du droit d'asile qui craignent pour leur sécurité. Dans l’une de ces vidéos publiées en février 2017 sur Facebook, Aziz,
irakien originaire de la ville de Bassora, débouté du droit d’asile en
Finlande, filme son expulsion vers l’Irak. Dans la vidéo, il est dans un
aéroport en Turquie, dernière escale avant l’Irak. Il est entouré de forces de
sécurité et porte une ceinture autour de la taille avec des passants pour les
mains qui, selon des activistes irakiens, servent à prévenir tout acte de
résistance lors de l’embarquement à bord de l’avion.
Dans cette autre vidéo, huit membres d’une même famille, dont sept
enfants, sont à bord d’une voiture de police. Ils vivaient dans le camp de
réfugiés de Turku en Finlande avant d’être transférés dans un centre de
détention, où ils attendent leur expulsion vers l’Irak.
Dans cette autre vidéo, un jeune irakien, arrivé en Finlande
il y a un an et demi, se filme dans un centre de détention. Il a déposé une
demande d’asile en Finlande et épuisé tous les recours. Les autorités veulent
maintenant l’expulser. Lui qui se sent bien et en sécurité en Finlande se
demande, visiblement désespéré : "Où est passée l’humanité ? "
"Les autorités
m'ont signifié que je n’avais pas assez de documents pour prouver que ma vie et
celle de ma famille sont en danger"
Ahmed Mahmoud, demandeur d'asile irakien, vit au Nord de la Finlande. Il
travaillait comme photographe à Bagdad:
J’ai
dû quitter l’Irak à cause de la guerre. Moi et ma famille avons fait l’objet de
menaces. Je suis entrée en Finlande en juin 2015 à l’issue d’un voyage long et
pénible, en passant par la Turquie et la Grèce.
Ma demande d’asile a été rejetée par l’Office national de l’immigration. Ils
m’ont signifié que je n’avais pas assez de documents pour prouver que ma vie et
celle de ma famille sont en danger. Pourtant, les menaces sont réelles. Mon
cousin veut ma mort et soumet les autres membres de ma famille à des menaces.
J’ai présenté un recours au tribunal administratif. Je ne veux pas retourner en
Irak. Le pays est en guerre et mon retour signifie ma mort.
En janvier 2017, la diffusion d’une vidéo montrant l’expulsion forcée d’un jeune irakien de 19 ans vers Bagdad a suscité la colère des militants des droits de l’homme en Finlande.
"Ces
expulsions n’incluent pas les migrants qui ont déposé une demande d’aide de
retour volontaire en Irak."
Certains qui ont eu la chance
d’avoir accès à l’asile en Finlande se mobilisent pour ceux qui risquent
l’expulsion. C’est le cas de Haidar, qui a été contraint de quitter la ville de
Kirkouk en Irak, où il était menacé de mort. Il a choisi de venir en Finlande
pour poursuivre ses études en génie informatique. Il est arrivé en 2015 en
Finlande. Sa demande d’asile a été rejetée mais il a fait appel et a obtenu le
statut de réfugié politique et une carte de résident pour d’une durée de quatre
ans, renouvelable de plein droit.
Haider a créé un mouvement appelé "café sans
frontières "en collaboration avec des militants finlandais et des
réfugiés irakiens pour aider les demandeurs d'asile en Finlande:
En février 2016, nous avons constaté plusieurs cas
d'expulsion forcée. En quatre mois, nous en avons recensé 21 au total. Ces
expulsions n’incluent pas les migrants qui ont déposé une demande d’aide de
retour volontaire en Irak.
Les migrants qui ont épuisé tous les recours migrants doivent quitter les
centres d’hébergement destinés aux réfugiés et ils ne perçoivent plus d’aide
financière de l’Etat.
Nous avons organisé des manifestations avec des militants finlandais pour faire
pression sur le gouvernement finlandais. Le parlement a voté un projet de loi
qui prévoit que les municipalités organisent l’accueil des demandeurs d’asile.
Trois centres qui peuvent accueillir jusqu’à 50 personnes ont déjà été ouverts.
Toute personne peut y résider et demander une aide financière de dix euros par
jour jusqu’à règlement de sa situation.
Pourquoi la Finlande
expulse ces déboutés d’asile ?
En Finlande, c’est l’Office national de l’immigration qui octroie l’asile. Si la
demande d’asile est refusée, la personne peut faire appel de cette décision
auprès du Tribunal administratif d’Helsinki. Si le recours est rejeté, les
autorités peuvent entamer une procédure d’expulsion. Si la cour suprême administrative
rejette le dernier recours, la personne est transférée dans un centre fermé, où
elle doit attendre la date de son expulsion du pays.
L’Office national de l’immigration a supprimé la protection humanitaire pour
les Irakiens, Afghans et Somaliens dont la demande d’asile a été rejetée. Le
critère principal d’octroi de l’asile n’est plus le pays d’origine mais la
situation personnelle de chaque demandeur.
La Finlande a durci sa politique envers les réfugiés, dans un contexte de
montée du parti de la droite nationaliste anti-immigration "les Vrais
Finlandais". La police multiplie les efforts pour accélérer l’expulsion
des migrants qui n’obtiennent pas l’asile ou la protection humanitaire. Autre
mesure introduite pour limiter le nombre de migrants : des conditions ont été
ajoutées au regroupement familial. Tout réfugié doit maintenant prouver qu’il
gagne un salaire suffisant pour subvenir aux besoins de sa famille.