La première matière à avoir servi de support à l’homme pour dessiner puis écrire fut la roche. Ensuite sont venus l’argile, le papyrus, le parchemin et enfin le papier. Autrefois, on fabriquait le papier à partir de chiffon, puis est venue l’utilisation de bois qui est encore aujourd’hui le principal moyen de fabrication de notre papier. Un procédé qui pèse sur l’environnement : outre les forêts abattues pour finir en pâte à papier, il nécessite de grandes quantités d’eau. Sensible à ces problématiques, un entrepreneur japonais a mis au point un papier révolutionnaire fabriqué à partir de roche. Et la boucle fut bouclée !  

La consommation mondiale de papier ne cesse de grimper, on estime qu’elle aura doublée d’ici 2030. Une tendance que la numérisation n’aura pas réussi à endiguer. Devant une telle prévision il devient urgent d’à la fois en limiter l’utilisation et d’en repenser le mode de fabrication. Conserver le maximum d’informations à l’état de données numériques est une partie de la solution mais qui n’est pas sans causer des problèmes de pollution. De plus, les sociétés continuent d’utiliser de grandes quantités de papier. Et on ne peut continuer indéfiniment à abattre des arbres et gaspiller des quantités astronomiques d’eau -ressource de plus en plus précieuse- pour satisfaire notre besoin en papier.

Source : TBM Co.

C’est devant ce constat que Nobuyoshi Yamasaki, créateur de l’entreprise TBM Co basée à Ginza (Tokyo), a développé une technique permettant d’obtenir du papier à partir de roche calcaire. Un homme au parcours hétéroclite qui a quitté l’école à 15 ans, a été vendeur de voitures d’occasion, charpentier avant de créer son entreprise en 2011 au sujet de laquelle il déclare : « Je veux finir ma vie d’entrepreneur en créant une entreprise qui durera des centaines d’années ». Un peu comme le papier « Limex » qu’elle fabrique est-on tenté d’ajouter. L’idée lui est venu lors d’un voyage à Taiwan en 2008, au cours duquel il a découvert qu’il était possible de concevoir une forme de papier à partir de la roche. De là, il a décidé d’inventer sa propre formule.

Son papier est à ce point unique qu’il est conçu sans utiliser une seule goutte d’eau. La fabrication d’une tonne de papier Limex nécessite moins d’une tonne de calcaire et 200 kilos de polyoléfine (un polymère synthétique). À titre de comparaison, notre papier « ordinaire » utiliserait 20 arbres et cent tonnes d’eau (par tonne de papier) alors que le calcaire, une roche sédimentaire, est très répandu à la surface de notre planète. Le bénéfice de cette méthode pour la préservation de l’environnement saute aux yeux…

D’autant plus que le papier de TBM présente des avantages importants par rapport au papier ordinaire : il est résiste aux déchirures, aux pliures et à l’humidité a tel point que l’on peut écrire dessus sous l’eau ! Une particularité qui intéresse la compagnie Sushiro Global Holdings, propriétaire de 400 restaurants à travers le Japon qui a récemment passé commande à TBM des menus de ses établissements. C’est un tout nouveau marché qui se profile pour TBM, start-up créée il y a cinq ans, en plus de celui des cartes de visite, cet élément indispensable pour tout salarié nippon qui constitue sa source de revenus originelle.

Un avenir prometteur après des débuts difficiles. L’usine de production se situe dans la préfecture de Miyagi, une région touchée par les tremblements de terre du 11 mars 2011. Jusqu’en juin 2016, l’usine (ouverte en février 2015) ne recevait pas assez de commande pour couvrir ses charges (salaires des 80 employés, électricité, matières premières) qui s’accumulaient raconte M. Yamasaki. Le soulagement de toute l’équipe fut intense lorsque le papier fut enfin au point et commercialisable.

Source : TBM Co.

Dorénavant M. Yamasaki envisage le futur plus sereinement, il veut augmenter sa production de papier au Japon à 30 000 tonnes par an d’ici 2020. Mais il prévoie aussi à plus long terme d’implanter une centaine d’usines en dehors du Japon, dans des régions riches en calcaire comme le Maroc et la Californie et qui de surcroît connaissent des problèmes d’apport en eau. Il espère ainsi répandre son papier de roche à travers le monde et ainsi faire reculer la déforestation liée au papier.

Confiant dans la qualité de son produit, M. Yamasaki tient cependant à rester lucide, il sait qu’il ne pèse pas lourd sur le marché des fabricants de papier japonais. Et comme le rappelle un analyste de Mitsubishi UFJ Morgan Stanley Securities Co. spécialisé dans les produits en papier, Yasuhiro Nakada, la fabrication de papier à partir de bois, si elle engendre la coupe d’arbres, elle encourage désormais la plantation de forêts équitables au bilan carbone neutre. C’est tout le paradoxe de la compensation carbone, elle rend durable l’industrie qu’elle doit assainir. Quand bien même la nouvelle technologie Limex ne remplacerait pas définitivement le papier « de bois » gageons qu’elle saura trouver sa place dans notre monde : du plastique Limex existe d’ores et déjà, dont le coût de production est moindre que celui fait à partir de pétrole pour une qualité supérieure. Ses applications au service d’une société durable sont prometteuses et n’auront de limite que la persévérance et la volonté des Hommes.

Photo @ BLOOMBERG

S. Barret


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Sources : japantimes.cobloomberg.com / site officiel de l’entreprise /