« Modèle obsolète », « économie administrée », « système désuet et préjudiciable », les dirigeants de SFR n’ont épargné aucune critique au plan très haut débit du gouvernement, lors d’une conférence de presse, mercredi 19 juillet. Michel Combes, le directeur général de la maison mère, Altice, et Michel Paulin, le directeur général de l’opérateur télécoms, étaient venus convaincre du sérieux de leur projet d’installer « la fibre sur la totalité du territoire en 2025 et sans argent public », comme l’a rappelé M. Combes.
Le projet, annoncé le 12 juillet, a fait l’effet d’un pavé dans la mare. Le gouvernement venait de lancer une série de réunions auprès des opérateurs et des collectivités. Son objectif : fixer un calendrier pour « accélérer le déploiement du très haut débit à tous en 2022 ». Le 17 juillet, le président de la République, Emmanuel Macron, assignait même un but supplémentaire, celui d’offrir, en 2020, à tous les Français – et donc à 5 millions de personnes peu ou pas équipées – un débit Internet convenable.
C’est dans ce contexte que M. Combes a appelé de ses vœux une « discussion avec l’Etat et le régulateur pour lever les freins au déploiement ». Dans sa ligne de mire, les réseaux d’initiative public (RIP), ces zones peu denses où les collectivités locales financent, en partie sur fonds publics, la construction de réseaux loués ensuite aux opérateurs, et ce sur 43 % du territoire.
Manque de confiance
« Il faut sortir d’un système où on taxe les opérateurs pour subventionner une infrastructure », a déclaré le directeur général, qui assure donc que SFR n’hésitera pas à construire son propre réseau en parallèle de ceux bâtis par les collectivités publiques. « Nous avons juste besoin d’accords d’accès aux voiries », a ajouté M. Paulin.
Pas sûr que le gouvernement apprécie la démarche de l’opérateur qui viendrait ainsi concurrencer des réseaux financés grâce à 3 milliards d’euros d’argent public.
L’exécutif remettra-t-il en question ce plan ? Le 13 juillet, le secrétaire d’Etat à la cohésion du territoire, Julien Denormandie, indiquait aux représentants des RIP que le gouvernement était plutôt favorable à une « stabilité du plan et à un respect des équilibres », affirme Etienne Dugas, de la Firip, la Fédération des industriels des RIP, qui doit aussi faire des propositions au gouvernement pour accélérer la construction d’infrastructures.
Au Sénat, Hervé Maurey, sénateur (UDI) de l’Eure, qui présidait le 19 juillet au matin une commission consacrée au très haut débit, exprimait ses doutes vis-à-vis des projets de l’opérateur. « Bien sûr que je préférerai avoir un réseau qui ne coûte rien à la collectivité. Mais vu la façon dont ils sont intervenus jusque-là, c’est difficile de les croire », a-t-il expliqué. Un manque de confiance dont les dirigeants de SFR sont conscients, mais auquel ils opposent les progrès réalisés dans la 4G, où l’opérateur est devenu numéro un en « rythme de déploiement ».
Divergences de vue
Mais SFR a aussi une autre ligne de front. Les villes moyennes, une zone où l’opérateur se partage avec Orange la construction du réseau fibré. Depuis un an, il demande la renégociation du contrat, qui octroie à Orange 90 % du territoire, contre 10 % pour lui.
L’affaire est actuellement en justice. Les dirigeants de SFR espèrent encore trouver un accord. Ce redécoupage avec l’opérateur historique ne serait que « transitoire ». « A terme, nous souhaitons avoir notre propre infrastructure partout », a dit M. Combes.
Mais le dirigeant n’a pas répondu aux questions qui taraudent les sceptiques. Combien lui coûtera son projet ? Silence radio sur les sommes à injecter. « Nous allons maintenir notre enveloppe de 2 milliards d’euros d’investissement ces trois prochaines années », a dit Michel Combes, qui espère baisser la facture du dégroupage payé à Orange, et qui atteint 800 millions d’euros par an.
Autre sujet à polémique, les chiffres. Selon l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep), SFR a déployé 940 000 lignes de fibre à la fin du premier trimestre. L’opérateur, lui, en revendique 10 millions. Des divergences de vue selon la technologie prise en compte, le câble rénové pour SFR ou le « FTTH » (fiber to the home), la fibre jusqu’à la maison, pour l’Arcep. Débat technologique, débat marketing aussi.
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