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Mise en place d'un «budget sensible au genre» : de quoi parle-t-on ?

MARTIN BUREAU/AFP

LE SCAN ÉCO - Annoncée ce jeudi par la Secrétaire d'Etat à l'Egalité entre les femmes et les hommes Marlène Schiappa, cette mesure vise à mesurer la répartition de l'argent public entre les sexes de manière à résorber les inégalités existantes dans l'attribution des crédits publics.

Auditionnée ce jeudi par le Sénat en pleine polémique sur le montant des subventions accordées aux associations par son ministère, la secrétaire d'État à l'Égalité entre les femmes et les hommes Marlène Schiappa a créé la surprise en annonçant vouloir généraliser la pratique du «gender budgeting» («budgétisation sensible au genre», en français), déjà appliquée à l'échelle des collectivités territoriales, au budget général de l'État. Un projet pilote devrait ainsi être expérimenté au sein du ministère de l'Agriculture, avant une possible généralisation à l'ensemble des ministères d'État.

Bien que peu connu du grand public, le «gender budgeting» figure au coeur des politiques d'égalité hommes-femmes depuis maintenant vingt ans. Développé pour la première fois en 1997 par les Nations Unies, il s'inscrit dans une réflexion plus globale d'intégration de la notion de genre aux politiques publiques , défendue depuis aussi bien par la Banque mondiale du Développement que par le FMI ou, à l'échelle de l'UE, par la Commission européenne et le Conseil de l'Europe. Dans une note parue en 2005, ce dernier définissait le «gender budgeting» comme «une application de l'approche intégrée de l'égalité entre les femmes et les hommes dans le processus budgétaire».

«Cela implique, précisait-t-il, une évaluation des budgets existants avec une perspective de genre à tous les niveaux du processus budgétaire, ainsi qu'une restructuration des revenus et des dépenses dans le but de promouvoir l'égalité entre les femmes et les hommes». En clair, il s'agit d'examiner systématiquement les dépenses publiques afin d'objectifier les différences de traitement entre les femmes et les hommes et de rééquilibrer la répartition des crédits budgétaires entre les sexes.

Mesurer la répartition de l'argent public entre les hommes et les femmes

L'exemple le plus récurrent, également mobilisé ce jeudi par Marlène Schiappa, est celui du sport. L'application d'une politique de «gender budgeting» est censée permettre d'évaluer de manière plus fine le montant des subventions allouées aux clubs sportis par tête, en fonction du genre. «Les subventions municipales servent la plupart du temps à financer des clubs de foot, des clubs de boxe, des terrains de basket sur des parcs qui seront occupés et utilisés exclusivement par des hommes», a notamment déclaré la secrétaire d'État lors de son audition.» «L'idée est donc d'essayer de voir comment cet argent est réparti entre les femmes et les hommes.»

Bien qu‘elle fasse l'objet d'un quasi consensus au sein des organisations internationales, la mise en application de cette politique n'en est qu'à ses premiers balbutiements. En France, une première étape a été franchie en août 2012, avec une circulaire rendant obligatoire la prise en compte systématique dans les travaux d'évaluation des projets de loi de «la dimension des droits des femmes et de l'égalité entre les femmes et les hommes». Mais la vraie révolution est venue de l'article 61 de la loi du 4 août 2014 pour l'égalité réelle entre femmes et hommes, qui fixe l'obligation, pour les collectivités de plus de 20.000 habitants, de «présenter un rapport sur la situation en matière d'égalité entre les femmes et les hommes.» La budgétisation sensible au genre est également l'un des engagements de la Charte européenne pour l'égalité des femmes et des hommes dans la vie locale, dont 186 collectivités françaises sont signataires.

Malgré leur juridicisation progressive, les politiques de «budgétisation sensible au genre» mises en place dans les communes se comptent pour le moment sur les doigts de la main. Quant au budget général de l'Etat, il peine à s'accorder aux premières exigences fixées par la circulaire de 2012. Dans son guide pratique consacré au sujet, le Centre Hubertine Auclert évalue à un peu moins de 0,057% la part des crédits de paiement consacrés à l'égalité femmes-hommes dans le projet de loi de finances 2015.

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