Les toiles mystérieuses du shah d'Iran

Avant d’être renversé par la révolution islamique en 1979, le shah d’Iran a acquis des centaines de chefs-d’œuvre : des Monet, Lautrec, Derain, Picasso, Dalí et même des Rothko. Dès leur arrivée au pouvoir, les mollahs ont remisé la collection dans un sous-sol blindé. Philippe Vasset remonte la piste d’un invraisemblable trésor qui suscite toutes les convoitises.
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Getty images

Rendez-vous avec un chef-d’œuvre. Le carton du Maxxi, le grand centre d’art contemporain de Rome, m’invite à « une a­vant-pre­mière de la collection du musée de ­Téhéran » le 21 octobre 2016. Au cours de la réception doit être dévoilé No. 2 (Yellow Center), le tableau du géant de l’expressionnisme abstrait Mark Rothko, dont les toiles se vendent parfois plus de 80 millions d’euros. Dans les jardins du Maxxi, des messieurs en costumes devisent avec des élégantes en robes longues. L’un des mécènes, le négociant pétrolier iranien Hormoz Vasfi, parade au bras de la splendide actrice romaine Yvonne Sciò. Je pénètre dans le bâtiment, une immense jetée de béton vitrée ; à l’intérieur règne une étrange ambiance. Les invités cherchent le Rothko, passent de pièce en pièce, tournent en rond. Une responsable finit par prendre la parole : « Désolée, le tableau n’est pas là : nous avons appris hier que l’Iran refusait de le laisser sortir. » Le vernissage se transforme en conférence de presse. Pour me consoler, je reprends un Spritz.

Il y a des fiascos qui entretiennent le mythe. La collection de Téhéran est à la fois la plus riche et la plus secrète du monde : elle rassemblerait plus de trois cents toiles et sa valeur serait estimée entre 2,5 et 3 milliards d’euros. Des Monet, des Lautrec, des Derain, des Picasso, des Dalí et donc un Rothko qui n’ont jamais été exposées hors d’Iran depuis la révolution islamique. Acquis durant le règne de Mohammed Reza Pahlavi, le « roi des rois » qui a gouverné le pays de 1941 à 1979, les tableaux, trop abstraits ou trop dénudés au goût des mollahs, sont cachés depuis quarante ans dans un sous-sol blindé de la capitale. Même en Iran, ils n’ont été montrés au public que deux fois. Les collectionneurs en rêvent, les marchands les fantasment, les musées se les disputent. On parle de joyaux comme Mural on Indian Red Ground, du maître de l’expressionnisme abstrait Jackson Pollock, d’un triptyque de Francis Bacon, Two Figures Lying on a Bed with Attendants, pour lequel une fondation monégasque a un jour offert plus de cent millions d’euros. Sans compter les Warhol, les Kandinsky... Le monde se damnerait pour mettre la main sur cette malle aux trésors.

Farah Diba sourit d’un air entendu : « Vous fumez ?Alors je vais vous accompagner. Je ne devrais pas, mais on ne laisse pas un hôte fumer seul, n’est-ce pas ? » L’ancienne impératrice allume une cigarette ultrafine avec un imposant briquet agrémenté d’un chasse-mouches persan, puis souffle les volutes, espiègle.

Vous avez lu 10% de cet article. La suite est à retrouver dans le numéro 49 (Août 2017) de Vanity Fair France

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